1. Une joyeuse petite bande
Eva retira sa machette du corps de celui qui l'avait attaquée moins d'une minute plus tôt. Le sang de ce dernier avait éclaboussé son visage. Elle se redressa, arme à la main et essuya le sang avec la manche de son pull sale. Sans s'éterniser, elle récupéra le sac à dos qu'elle avait jeté au sol pendant l'attaque et continua son chemin sans accorder le moindre regard à celui qu'elle venait de tuer. Cette indifférence, elle s'y était habituée en deux ans que le monde avait changé.
La brune traîna sa jambe gauche sur le sol, cet enfoiré lui avait tordu la cheville lorsqu'il s'était rué sur elle. Après une heure de marche dans les bois, elle s'assit un instant après s'être assurée être seule. Elle retira sa bottine et inspecta son pied. Heureusement pour elle, elle arrivait à le bouger, pas de fracture. Elle soupira, soulagée, et s'adossa au tronc qui se dressait dernière elle. Sa gorge était sèche, elle n'avait plus beaucoup d'eau sur elle, aussi elle décida de garder le peu qui lui restait pour plus tard. Eva était épuisée, physiquement, oui, mais surtout moralement. Elle n'en pouvait plus de vivre dans de telles conditions, si tant est qu'on pouvait bien appeler ça comme ça. Il lui fallait trouver un endroit à fouiller pour collecter des provisions. Une maison aurait été parfaite, bien qu'elle s'abstenait de traîner près des habitations, ce genre d'endroit devait grouiller de Fous. Elle ouvrit son maigre sac à dos pour en faire l'inventaire, le fond de sa gourde et ses deux barres de céréales plus toutes fraîches l'alertèrent sur sa situation.
Elle se mit à rire nerveusement face à ses piètres rations. Cela devait bien faire deux jours qu'elle n'avait pas mangé. Au pied du mur, elle se décida à jeter un coup d’œil aux demeures qu'elle croiserait à l'avenir. Elle n'avait pas idée d'où elle se trouvait, elle avait pris l'habitude d'errer sans destination, à survire au jour le jour. Pourquoi ne pas en finir une bonne fois pour toutes ? La solitude, la fatigue, le manque de tout, la peur au ventre chaque jour que Dieu faisait, toutes de bonnes raisons de prendre cette machette et se la planter dans l’abdomen. Eva avait déjà plusieurs fois pensé à cette option, surtout depuis qu'elle s'était séparée de Calisse, sa petite sœur, mais il ne lui manquait que le courage de le faire.
Elle enfila son sac et marcha tant bien que mal à travers les bois, Par chance, au vu de l'état de sa cheville, il n'y avait personne aux alentours, elle aurait eu plus de mal à se défendre dans ce cas. À chaque pas, elle maudissait le jour où l'existence avait changé. Depuis l'apparition des Fous, plus rien n'était comme avant. Les Fous, voilà comment on appelait les personnes contaminées par on ne savait quoi qui les rendait incontrôlables. Il faisait d'eux de vraies bêtes sauvages dont la seule envie était de tuer, démembrer, torturer tout ceux qu'ils pouvaient croiser. Une envie insaisissable de violence.
Eva marchait depuis plus de trois heures maintenant, enfin, elle voyait le bout de ces bois qui l'avaient pris au piège plusieurs jours. Elle s'avança jusqu'à la lisière de la forêt, là, devant elle, se tenaient des maisons à quelques mètres. Elle balaya les alentours du regard, un cri étrange et soudain attira son attention. Au loin, un homme courait sans se retourner, le pauvre était poursuivi par deux autres qui semblaient habités par une rage démoniaque.
-Au secours ! À l'aide ! Quelqu'un, n'importe qui ! hurlait-il à pleins poumons tout en courant.
Suite à ces appels incessants, trois nouveaux Fous se joignirent aux deux autres dans la poursuite de leur proie effrayée. Le pauvre homme se fatigua à vue d’œil, il ralentit, laissant le peu d'avance qu'il avait se réduire à une vitesse considérable. Eva se cacha derrière un arbre, bien que la scène se déroulait à plus d'une cinquantaine de mètres d'elle, il lui était hors de question de laisser l'homme la repérer et attirer ces créatures dans sa direction. En l'espace de quelques secondes, l'un des deux Fous qui l'avait coursé depuis le début se jeta sur lui, le propulsant à terre.
-Nan ! Nan, s'il vous plaît ! Aaaah !
Le Fou s'était assis à califourchon sur le buste de sa victime, il posa ses deux pouces sur les yeux de l'homme paniqué et appuya de toutes ses forces. Les hurlements du bougre perçaient le cœur et les tympans d'Eva malgré la distance. Les pouces du cinglé qui le retenait avaient maintenant crevé ses yeux. Mélangés aux cris stridents, les rires de l'assaillant résonnaient dans le creux des oreilles de la jeune femme qui assistait à toute la scène. Les autres l'avaient enfin rejoint, chacun se mit à s'acharner sur lui pour satisfaire du mieux qu'ils le pouvaient leur soif de torture. Les doigts du premier étaient couverts de sang, c'est le sourire aux lèvres qu'il les lécha, se délectant du liquide rouge qui s'était échappé des orbites qu'il venait d'éclater. Le deuxième arrivé prit une pierre sur le sol et sans attendre de reprendre son souffle, il brisa les deux genoux de l'homme qui continuait de hurler à la mort. Les trois autres s'amusaient à tirer sur ses mollets dans l'espoir de lui arracher les jambes tandis que celui à la pierre martelait encore et toujours ses genoux pour rendre la tâche plus facile à ses camarades. Tous riaient aux éclats dans un air de folie. Les cris du pauvre finirent par cesser après plus de dix minutes de supplice. C'est après qu'il se soit vidé de son sang qu'il avait fini par rendre l'âme.
Eva n'avait pas bougé, elle ne pouvait prendre le risque de s'exposer maintenant que leur « jouet » ne fonctionnait plus. Elle réfléchit à un moyen de contourner la joyeuse petite bande qui jouait toujours dans les restes de leur victime.
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