VIII
Dans un bureau du ministère, place Beauvau
— Entrez !
— Monsieur le directeur, veuillez m’excuser, notre "ami" de la DGSI vient de m’informer que quelqu’un cherche à se renseigner sur un capitaine Adache, sur lequel nous n’avons aucun dossier ni la moindre information, j’ai pensé qu’il valait mieux vous mettre au courant.
— Ne vous inquiétez pas, Jean-Pierre, je suis au courant, cette affaire est instruite directement par le secrétaire général du château. Il s’agit d’un officier du Mossad travaillant sous couverture dans l’ambassade d’Israël à Bruxelles, je n’en sais pas plus et je vous demande de garder cette information pour vous pour l’instant.
— Bien entendu, Monsieur. En fait, c’est la capitaine Tiflé d’Interpol, qui pose des questions et, comme vous le savez, elle travaille en secret pour la DGSI… où elle doit connaître du monde…
— Je vois ! J’ai peut-être une solution… – appuyant sur la touche de l’interphone – Gérard, dîtes à madame Troppo que je l’attends dans mon bureau !
Quelques minutes plus tard, on toque à la porte...
— ... Déjà ? Ah ! Entrez Manon, bonjour.
— Bonjour, Monsieur.
— Jean-Pierre m'informait d'une demande concernant un capitaine Adache actuellement détaché au commissariat de Clermont-Ferrand. Je crois que vous connaissez la capitaine Tiflé d’Interpol ?
— En effet, Monsieur le directeur.
— Parfait ! J’aimerais que vous preniez contact avec elle, suite à sa demande d’infos au sujet de ce capitaine, faites lui savoir qu’il s’agit du pseudo d’un officier de police travaillant incognito pour résoudre une délicate affaire politico-judiciaire. Au fait, Manon, faites en sorte que ce renseignement ait l’air d’être un secret d’état que vous lui divulguez par pure amitié… afin qu’elle n’interfère pas avec cette enquête. Puis-je compter sur votre célérité et votre discrétion ?
— Comme toujours, Monsieur ! Je m’en occupe immédiatement.
— Parfait ! Jean-Pierre, veuillez raccompagner madame Troppo… discrètement !
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Retour chez Jacques Addit
Installés dans le salon, les officiers examinaient les différents documents recueillis un peu partout dans l’appartement et tentaient de reconstituer la vie de l’écrivain, ses relations, ses comptes bancaires, ses amours.
— N’oubliez pas, nous cherchions tout ce qui pouvait sembler bizarre dans sa vie, sur les plans financiers, relationnels, sexuels, etc. Où en êtes -vous, lieutenant Chester ?
— Il était célibataire et, à quarante-huit ans, avait publié une douzaine d’ouvrages et une bonne centaine d’articles dans divers journaux et revues qu’il conservait dans un classeur. Il avait été professeur d’économie dans deux lycées de la région avant de se reconvertir dans une carrière d’avocat conseil auprès de la chambre de commerce et du conseil régional. Ses émoluments et ses droits d’auteur lui assuraient un niveau de vie correct, mais en dehors de cet appartement et d’une petite maison de campagne héritée de ses parents, il ne possédait pas d’autres biens immobiliers.
Il consulta ses notes et poursuivit:
— Monsieur Addit possédait deux comptes bancaires dont le total s’élevait à moins de quinze mille euros et disposait d’actions en bourse pour une somme d’environ dix mille euros. Aucune entrée ou sortie anormales sur ses comptes au cours des douze derniers mois. Trois lithographies de valeur signées Picasso, Marie Laurencin et Léonore Fini sont accrochées aux murs sans que leur valeur totale dépasse vingt mille euros.
— Elles sont encore là ?
— Oui, aucun objet de valeur n'a été volé. Sa voiture, un modèle Peugeot 208, âgée de trois ans qu’il utilisait rarement, selon les dires de madame Antonette, la femme de service. Elle nous a précisé ne pas connaître la femme brune qui lui rendait visite ni connaître ses éventuelles relations amoureuses. Rien de suspect donc, dans son train de vie, il travaillait beaucoup, recevait quelquefois des amis et rarement sa famille à l’exception d’une nièce de quatorze ans, sa filleule Lola, la fille de sa sœur qu’il emmenait parfois au théâtre, elle souhaitait devenir actrice.
— Une vie lisse quoi ! Et ses relations politiques, avez-vous découvert quelque chose ?
— Un cousin germain, dont il était très proche il y a quelques années avant qu’il ne se lance en politique, et curieusement, à part deux photos, rien sur lui ! Pas de lettres, aucune mention dans ses articles récents, pas de communication téléphonique, pas d’e-mails, pas de SMS… comme s’ils avaient coupé les ponts…
— Ou comme si l’assassin avait fait le ménage consciencieusement avant de quitter les lieux pour aller ensuite chez l‘éditeur récupérer les derniers éléments ! Mais en tant qu’avocat conseil auprès de conseil régional, il n’avait pas de contact avec les élus ? Ils sont dans l’opposition, il me semble !
— Ils sont dans l’opposition, mais en dehors des meetings, des réunions officielles, des soirées et dîners officiels, il ne les fréquentait pas. Son cousin est le conseiller aux affaires internationales, comprenez les ventes d’armes, très impliqué auprès des gouvernements potentiellement acheteurs et de tout ce qui touche à ce commerce disons... particulier. Addit était lui, plutôt dans le camp des pacifistes opposés aux ventes d’armes, qu’elles soient légales et officielles ou qu’elles se fassent dans la zone grise : on ne vend pas au pays A frappé d’embargo, mais au pays B qui discrètement pourra livrer le pays A et, pour ce que l'on suppose, c’est la spécialité du cousin, qui au passage, mène grand train et vient de s’acheter une villa à Porquerolles où les prix sont hors de portée de monsieur Toutlemonde.
— J’ai bien peur que la solution politique soit la seule qui nous reste. J’aimerai malgré tout que l'on interroge cette nièce, Lola, si son oncle était si proche d’elle, peut-être lui a-t-il dit quelque chose qui nous mettrait sur une piste… L’entretien sera sans doute plus facile avec une femme, la stagaire Vineau s'en chargera.
— Entendu, capitaine je transmettrai !
JI 06/09/23
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