Partie 4 - 2

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 Évoluer en terrain inconnu, sur une planète inconnue et sans matériel adéquat demande une attention de tous les instants. Nous ne connaissions rien de l’environnement qui nous entourait. Le seul rapport que nous avions eu sur cette planète était les baies que nos geôliers nous fournissaient quotidiennement. Elles nous donnaient un regain d’énergie, mais ne remplaçaient en rien une alimentation complète et variée. Un de nos compagnons nous indiqua qu’elles poussaient dans les vallées. Il avait été chargé de leur cueillette à plusieurs reprises. Autant les montagnes nous paraissaient désertiques, autant les vallées regorgeaient de promesses. Mais la peur et la fuite nous empêchaient d’y prétendre. Notre cheminement par sauts successifs nous permettait d’observer les alentours. Au bout de trois jours, aucune sonde, aucun survol, chez certains de nous, l’espoir, trop longtemps contenu, renaissait. Nous nous imaginions la reprise en main de la situation par l’équipage du Markind 55 Cancri. Cela donna des ailes à quelques-uns de mes compagnons, dont Matthias. Il laissa sa spécialité reprendre du champ. Il se risquait à de courtes sorties pour observer les « animaux-roches ». Je le comprenais. Ce sont des bêtes fabuleuses.

 Je l’accompagnai une seule fois et ce fut la dernière. L’étoile Ition baignait de sa lumière jaune le versant où nous évoluions. Nous progressions en surveillant constamment le sol et le ciel. Plusieurs rochers de petite taille se tenaient devant nous. Matthias avait appris à discerner un « animal-roche ». À sa base, le rocher semblait flotter d’une dizaine de centimètres du sol. Ils partageaient de la même manière, une symétrie sur deux ou trois taches plus grises. Malgré cela, il se fondait totalement dans l’environnement montagneux itionnais. Matthias m’expliqua qu’il s’agissait d’une méthode classique et communément utilisée pour échapper à des prédateurs. Nous n’en avions encore rencontré aucun.

 Je me projetais dans ces « animaux-roches » au repos, se dissimulant à la vue de leurs prédateurs. Je me rendis compte que nous, humains, nous avions perdu ce lien avec la nature. Nous étions imprudents. L’absence ne prouve pas l’inexistence.

 Matthias me demanda de m’allonger et de ne faire aucun bruit. Je l’imitais aussitôt. Un animal remontait de la vallée. Sa lente progression et son attitude ne laissaient aucun doute. Il remontait une piste. Il s’arrêta un instant. Je ne pouvais détacher mes yeux de sa large gueule cachant à coup sûr une mâchoire puissante. Il semblait porter un pelage gris et blanc. Je remarquais sa musculature. Tout montrait sa qualité de prédateur. Il s’abaissa. Et soudain, il se lança. Aussitôt, les « animaux-roches » se relevèrent et partirent en direction opposée. L’un d’eux passa à quelques mètres de nous. Le prédateur le happa, le tua d’un coup net, et repartit aussitôt à la poursuite du reste du troupeau, assuré d’avoir au moins un repas.

 Une peur animale m’emplit aussitôt. Pourtant, le prédateur était loin. Matthias remarqua mon immobilisme et regarda comme moi vers le ciel. Au loin, une sonde survolait une des crêtes. Nous serions bientôt repérés. Matthias m’agrippa par l’épaule et m’emmena à côté de la bête occise. Il souleva avec une facilité étonnante le corps de l’animal. Son habit nous laissait croire à un poids important. Il n’en partageait que la couleur. Nous nous glissâmes sous elle. L’animal émettait une odeur qui ne nous dérangeait pas. Nous attendions en tendant l’oreille pour distinguer le bruit léger des turbines de la sonde. Elle approchait inexorablement. Dans un réflexe immature, je fermais les yeux. Nous attendîmes immobiles que l’engin passe et s’éloigne de nous. Il ne marqua pas de pause et continua sa route. Par sécurité, nous restâmes prostrés sous l’animal mort.

 Nous n’aurions pas dû attendre tant de temps. Il allait bien finir par revenir. Tout d’abord, le corps de l’animal s’agita comme s’il avait repris connaissance. Les soubresauts nous empêchaient de nous extirper de la carcasse. Matthias hurla de douleur. Je réussis à me dégager et tirais de toutes mes forces le bras de mon compagnon. En me voyant, l’animal leva la tête et lâcha la jambe de Matthias. Je reculais tout en sortant mon équipier. Je retournais vers le rocher qui nous avait abrités avant l’arrivée de la sonde. Matthias vacillait sous l’effet de la douleur. Sa jambe était brisée et défiait les lois biologiques de son corps. J’utilisai aussitôt une des capsules de sédatifs pour le soulager. Il me fallut des efforts terribles pour le ramener auprès des autres dans un de nos refuges. Notre biologiste, Arlord, et Olas vinrent me prêter main forte. 

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