La carrure imposante de notre décurion l’aida en partie. L’homme qu’il attrapa d’un geste décolla du sol avant de se retrouver à terre, assommé par la chute, le souffle coupé, réduit au silence. Je m’approchais pour me voir l’origine de l’agitation de mes compagnons : un mutin. Un de nos geôliers gisait au sol. Les autres arrivèrent rapidement, continuant à proférer toutes sortes de menaces à son encontre. J’essayais tant bien que mal de leur faire comprendre que tout ce raffut terminerait mal. Enfin, la raison et un calme fragile revinrent.

 Le mutin commença à donner des signes de réveil. Dès qu’il ouvrit les yeux, sa frayeur prit le dessus. De peur qu’il pousse des cris pour alerter un potentiel renfort, Olas plaça fermement sa main sur sa bouche. Ce fut à ce moment que je compris. Il avait l’air encore plus misérable que nous. Sa combinaison était souillée et les marques laissaient penser à bien d’autres fluides que de la boue.

 Tout en le maintenant au sol, Olas commença son interrogatoire.

 « T’es qui ? Où sont les autres salopards de ton espèce ? »

 Le mutin l’écoutait. Sa respiration était rapide, signe d’une grande angoisse et d’une difficulté à reprendre son souffle.

 « Si tu gueules, je t’assomme, compris ?, ajouta Olas.

 Un rapide mouvement de la tête montra qu’il acceptait. Olas souleva sa main. Il put enfin respirer.

 — Me tuez pas. Me tuez pas. Je me suis enfui. C’était l’enfer là-bas.

 — Bah. Vous l’avez bien cherché non ? lança un de mes compagnons, lui crachant au passage au visage.

 — Ça voudrait dire que nous aurions repris le camp Alpha ? se réjouit un de nos compagnons.

 La joie qui commençait à nous animer fut de courte durée.

 — Non. Tout le monde est mort. C’est un véritable carnage là-bas, répondit le mutin, que l’émotion submergea.

 — Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda aussitôt Olas.

 Entre deux sanglots ravalés, le mutin s’expliqua.

 — Après l’explosion. Il a fallu un bon moment avant de pouvoir réparer. Le courant est revenu seulement quelques jours après. Et c’est là que ça a commencé.

 — Quoi ? Qu’est-ce qui a commencé ?

 — Les robots tactiques… » pensai-je tout haut.

 À ces mots, le mutin me lança un regard plein d’effroi. Il s’effondra en pleurs tout en acquiesçant de la tête. Olas relâcha le misérable. Nous étions tous en état de choc. La situation semblait hors de contrôle. Au moins un MART-MKD semait la mort et la destruction. Nous savions tous que pour arrêter cet engin de guerre, même un bataillon bien armé n’y suffirait pas.

 Je me baissai à son niveau, l’air grave. Le mutin montrait encore les signes d’une grande angoisse.

 « Qu’est-ce que vous avez fait avec ce robot tactique ? Vous avez créé votre Dieu mécanique comme vous vouliez le faire sur Belgi ? demandai-je calmement.

 — Le Dieu mécanique n’est pas ce que vous croyez. C’est le futur de l’humanité. Il nous libèrera de notre prison de chair.

 — Il en fait plutôt de la chair rôtie pour le moment, le coupa Olas.

 D’un geste de la main, je demandai le silence.

 — Comment pouvons-nous désactiver ce monstre ? Vous avez bien un équipement au camp Alpha ou sur le Markind pour lui faire cesser sa tuerie.

 — Non, ils sont totalement autonomes et les sondes aussi.

 Ce fut le coup de massue, je lui fis confirmer une deuxième fois.

 — On a deux robots tactiques à nos trousses ?

 — Oui. » répondit piteusement le mutin.

 Cette fois-ci un silence de mort m’entourait. Je dus m’asseoir rapidement pour ne pas m’écrouler tant un profond désespoir venait peser sur mes épaules. Nous étions tous accablés. La sentence venait de tomber : condamnés à une lente mort. Nous ne retînmes pas le mutin qui en profita pour détaler. De toute façon, il n’y avait plus d’échappatoire.