Partie 5 - 2
Un de mes amis, présent sur le Markind 55 Cancri, me conta la stupéfaction des mutins. En qualité de spécialiste de certains systèmes vitaux du vaisseau mère, il avait été sorti de ses quartiers et travaillait régulièrement sur des équipements proches du centre décisionnel. Il m’expliqua comment la nuée de subordonnés s’agita dès les premiers retours de ce qui s’exécutait au sol. Leur dieu mécanique avait choisi de les faire disparaître. Mark Cavell, le responsable de l’ensemencement autoproclamé, n’avait donné aucun ordre. Il n’envoya aucune aide. Il n’y avait rien d’étonnant à cela. Il le savait, il n’y avait rien à faire.
Pourtant des voix se firent entendre, les divergences d’opinions se multiplièrent. Mon ami entendit un échange qui le marqua.
« Pourquoi avez-vous chargé l’esprit du dieu mécanique dans ces machines ? Je vous l’avais dit. Elles n’étaient pas prêtes, trop peu évoluées. Il ne pouvait en être autrement. Tous nos espoirs de voir son avènement sont perdus. »
Il fut sidéré par la réaction de Mark Cavell. L’homme s’approcha de son interlocuteur et lui trancha la gorge d’un geste rapide et précis. La nuée cessa instantanément de bouger. Les archivistes présents sur place, mutins ou non, se groupèrent trois par trois pour former une sorte de triangle. C’étaient les seuls immobiles. Déjà les mutins s’invectivaient les uns les autres, se rejetant la faute.
Mon ami comprit que la situation allait dégénérer. C’était aussi sa chance. Le désordre gagnait les coursives du vaisseau mère. Il n’y avait qu’une seule échappatoire pour lui : que la révolte éclate.
Il dut y avoir chez les uns et les autres de l’étonnement de voir la porte de leur petit monde s’ouvrir. À ce que l’on me rapporta plus tard, il y eut les prudents qui attendirent patiemment que la situation se décante. Les curieux qui jetèrent un œil, mais que la témérité ne poussa pas à plus d’actions. Mais, ceux qui firent la différence furent les frustrés, les empêchés et les colériques. Sans ordre clair devant la scission évidente qui se tramait entre eux, les mutins erraient dans les coursives, déjà vaincus par eux-mêmes et leur impatience.
Les révoltés, dont la frustration et la condition assuraient l’unité, les prirent un à un pour les mettre sous clé avant de décider de leur sort dans un deuxième temps. Il n’y eut aucun mort. Mark Cavell, leur pseudodirigeant, se laissa interpeller sans résistance. Son règne fut bref et sanglant, comme tant d’autres rois déchus. Aussitôt, la mutinerie du Markind 55 Cancri appartint au passé. Comme si la parenthèse s’était refermée d’elle-même.
Rapidement un nouveau dirigeant fut nommé, un décurion s’étant fait remarquer par son discernement et son sens de l’organisation durant la courte révolte. Mon ami n’en était pas peu fier, c’était le sien. La stupéfaction frappa un grand nombre des femmes et d’hommes qui n’avait qu’une information très réduite des événements qui s’étaient déroulés. Il m’expliqua que certains pensaient que l’ensemencement n’était plus viable. Pourtant, les esprits bouillonnaient, déjà, et Louison Gorau, le tout frais responsable de l’ensemencement, reprit rapidement la situation en main. Désormais chaque vie comptait, même celle de Mark Cavell.
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