Faux-semblant
Alors que les deux procureurs se sont convenablement présentés, Logan retourne s'installer derrière son bureau. Il sort quelques dossiers d'un des tiroirs avant de les poser sur la table en bois, tandis que Hanna le regarde faire, sans bouger, ni sourciller.
« Qu'attendez-vous ? Ces dossiers ne vont pas se résoudre tout seul, lance celui-ci, désignant les dossiers du regard ? »
Hanna le rejoint et prend alors les documents avec elle.
« Étudiez les attentivement. Je souhaite un retour dès demain. Je veux me tenir prêt dans les jours à venir.
— Demain, répète-t-elle, peu sûre d'avoir compris.
— Pourquoi ? Avez-vous peur d'échouer ? Demande-t-il, toujours ce même sourire sur les lèvres.
— Absolument pas, répond-elle, confiante.
— En partant, passez par le secrétariat afin que l'on vous assigne un bureau, conclut-il alors qu'il plonge le nez sur son écran d'ordinateur. »
La jeune femme acquiesce d'un signe de la tête avant de le saluer et de quitter la pièce. Elle se rend donc au secrétariat, où un jeune homme, poli et sympathique, lui demande de le suivre. Lui indiquant la pièce où se trouve espace de travail, il la salue et n'hésite pas à lui offrir son aide en cas de problème avant de regagner lui-même son poste.
Une fois installée, Hanna commence à parcourir les dossiers que lui a remis son mentor. Il s'agit d'une affaire d'un cas de maltraitance sur une petite fille. Le père la violente sous les yeux de sa femme qui ne réagit pas et le laisse faire.
Elle parcourt les témoignages du voisinage, mais également du corps enseignant. Elle examine en profondeur les photos des blessures de l'enfant, ainsi que les rapports médicaux enregistrés dans les dossiers. Pourtant, bien que les preuves soient accablantes, il n'y a malheureusement rien qui prouverait que le père soit directement lié aux agressions de la gamine. Tous les témoignages sont assez vagues et rien ne peut confirmer ou affirmer que son paternel soit le vrai coupable. Pas même les conclusions des professionnels de santé qui se trouvent juste sous ses yeux.
« Comment est-ce possible, murmure-t-elle ? Pourquoi personne ne fait rien ? Que se cache-t-il réellement derrière cette histoire ? »
La jeune femme comprend rapidement qu'il ne sera pas chose aisée de mettre cette pourriture derrière les barreaux. Elle continue alors de creuser un peu plus, décidant de se rendre elle-même chez le potentiel suspect, afin de pouvoir l'interroger.
Après avoir quitté le bâtiment, elle prend un taxi et se rend directement chez le présumé agresseur. Il lui faut plus de trente minutes avant d'y arriver. En observant les alentours, se demandant si elle est bien à la bonne adresse, elle interpelle le chauffeur.
« Êtes-vous sûr que c'est ici ? Demande-t-elle, incertaine de l'endroit où elle se trouve.
— J'en suis certain, répond le conducteur. C'est bien là.
— Bizarre, l'endroit semble désert.
— Continuez sur quelques kilomètres, vous y trouverez ce que vous cherchez.
— Pourquoi ne pas m'y déposer directement ? Que se passe-t-il ?
— Seuls les plus fous osent s'aventurer plus loin, madame. Je suis navré. »
En entendant les paroles du chauffeur, Hanna se sent soudainement opressée. Pourquoi lui a-t-il dit ça ? Que cache cette adresse pour qu'il réagisse de la sorte ? Quel genre de monstre habite ici ?Sachant qu'elle n'obtiendra rien de plus de celui-ci, elle spupire bruyamment avant de le remercier, de payer sa course, le chauffeur quittant aussitôt les lieux.
" Étrange. "
Hanna fixe les alentours, se trouvant au milieu de nulle part, sur un chemin de terre alors que quelques arbres le parsèment. Secouant vivement la tête, elle se met là marcher sur plusieurs kilomètres avant de tomber effectivement sur une grande demeure, reculée de tout, mais qui pourtant, possède les dernières technologies en terme de sécurité. Il est inconcevable pour elle qu'un monstre puisse vivre dans un si joli endroit.
" Après tout, la bête vivait bien dans un château, se surprend-elle à penser. "
D'un pas non assuré, elle s'avance alors vers le porche qui la surplombre, puis gravit les marches avant de se trouver devant l'entrée principale. Elle appuie sur le bouton de l'interphone, attendant qu'une personne réponde ou que l'on vienne lui ouvrir la porte.
Quelques secondes plus tard, elle est accueillie par un homme d'une quarantaine d'années. Cheveux grisonnants, plutôt grand, au visage plutôt amical.
« Bonjour, commence l'hôte, un sourire poli sur les lèvres.
— Bonjour monsieur, Hanna Fields, se présente-t-elle naturellement avant de lui montrer sa carte. »
Celui-ci l'attrape et lit attentivement les informations qu'il y a dessus.
« Procureur, dit-il, toujours la carte entre ses mains. Comment puis-je vous aider ? Demande-t-il tout en lui rendant son badge, toujours aussi confiant.
— Henri Parker, est-ce bien votre nom ? Votre petite fille est bien Lily-Rose Parker ? Questionne-t-elle tout en le regardant droit dans les yeux.
— C'est exact, répond-il assurément. Puis-je connaître la raison de votre venue dans ma maison ?
— Bien évidemment, poursuit-elle avant de saisir un dossier de sa sacoche et de le lui tendre. Du moins, ce qu'elle est en droit de lui montrer. »
Monsieur Parker s'en saisit et le parcourt, son sourire disparaissant progressivement au fil de sa lecture. Il soupire d'exaspération avant de rendre furieusement le dossier à son interlocutrice.
« Maintenant que j'ai toute votre attention, pouvez-vous répondre à quelques questions ? S'il vous plaît.
— Pourquoi devrais-je me soumettre à un interrogatoire ? Ne devriez-vous pas être accompagnée d'un officier de police ?
— Si ce n'est ça, accordez-moi quelques minutes, lance-t-elle, attrapant son téléphone avant de composer un numéro. »
Monsieur Parker, voyant qu'elle ne plaisante pas, l'arrête immédiatement.
« Inutile de faire toute une histoire, dit-il tout en posant sa main sur son smartphone pour lui faire comprendre de raccrocher.
— Puis-je entre un moment ?
— Bien sûr, même si j'ignore pourquoi vous faites cela. Le dossier a étré classé sans suites.
— Ce n'est pas le cas, monsieur Parker, affirme-t-elle sur un ton franc. D'où ma présence aujourd'hui, . C'est pour cette raison que je souhaitais m'entretenir avec vous. Si vous me le permettez. »
Après un court moment d'hésitation, Henri invite donc Hanna à rentrer chez lui. Il referme la porte derrière eux, avant de se diriger dans le salon dans lequel il lui demande de prendre place sur le canapé, ce qu'elle fait poliment.
« Désirez-vous quelque chose à boire ? Demande-t-il alors qu'il semble vraiment très confiant, ce qui déroute légèrement la jeune femme.
— Un verre d'eau suffira. Merci. »
Tandis qu'il part à la cuisine pour lui préparer son verre, elle regarde tout autour d'elle avant d'apercevoir des photos de famille. Curieuse, elle se lève et se saisit d'un cadre qui se trouve sur le rebord de la cheminée. Tout ce qu'elle voit, c'est un portrait de famille, avec des parents aimants qui chérissent leur enfant.
" Peut-être suis-je en train de faire fausse route, pense-t-elle. "
Après quelques minutes, monsieur Parker revient. Il dépose le verre d'eau sur la table basse devant Hanna, avant de la rejoindre. Placé derrière elle, il se saisit délicatement du cadre photo avant de venir le reposer avec douceur à sa place initiale.
Il fixe l'image avec attendrissement, cependant, quelque chose dans son comportement dérange Hanna. Sa façon d'attraper le cadre avant de le reposer. La lueur dans son regard quand il observe la petite fille.
« Très bien, procureur Fields. Que voulez-vous savoir ? Demande-t-il après s'être vivement retourné vers elle. Vous aussi, vous pensez que j'ai fait du mal à mon bébé.
— Les preuves sont déroutantes, monsieur Parker, c'est pour cette raison que je tente de comprendre. Je ne cherche pas à vous blâmer, poursuit-elle, se sentant soudainement oppressée par le regard qu'il pose sur elle. Je recherche juste la vérité. »
En entendant cela, celui-ci soupire bruyamment avant de reculer d'un pas, puis de prendre place dans le fauteuil. Hanna le rejoint et s'installe sur le canapé, face à lui. Elle prend ensuite le verre d'eau et s'apprête à boire une gorgée, lorsque dans le fond, elle aperçoit des résidus d'une poudre blanche. Méfiante, elle le repose avant de reporter son regard sur le potentiel suspect, qui lui, ne peut détourner les yeux du verre. Un léger sourire étire ses lèvres alors qu'il semble soudainement agité.
« Est-ce que tout va bien, monsieur Parker ? Demande soudainement Hanna sur un ton posé, refusant de céder à la panique.
— Oui, répond-il avant de se redresser, croisant ses mains entre elles. Je vous écoute. Posez vos questions, poursuit-il avant de se lever, mettant les mains dans les poches de son pantalon. Ai-je fait du mal à mon enfant ? Suis-je bien celui qui lui a infligé toutes ces blessures ? Continue-t-il alors qu'un rictus ne cesse d'apparaître sur ses lèvres, déformant ainsi les traits de son visage. Suis-je celui qui a meurtri la peau de mon bébé ? Tournant brusquement son visage vers Hanna, qui, mal à l'aise devant lui, se lève subitement après avoir entendu l'intonation étrange dans sa voix. »
Ne voulant pas montrer sa peur soudaine, sûre d'elle, elle s'avance vers lui et l'observe quelques secondes avant de poursuivre.
« Est-ce vous ? Est-ce vous qui l'avez battu ? Qui vous faufilez la nuit dans sa chambre pour lui faire, je ne sais quel genre de chose ? Vous qui la regardez d'une façon désinvolte et dégoûtante ? Est-ce vous, monsieur Parker ? Demande-t-elle sans ménagement tandis que son pouls accélère considérablement en le confrontant de la sorte. »
Monsieur Parker la dévisage lorsque l'expression de son visage change du tout au tout. L'homme poli et bien élevé à son arrivée, laisse alors place à la froideur et la noirceur de celle d'un monstre. Expression qu'elle reconnaît sans mal, l'ayant déjà vu dans les yeux de ses bourreaux trois ans auparavant.
À cet instant, elle sait qu'elle n'obtiendra aucun aveu de sa culpabilité. Se sentant étrangement en danger face à lui, elle décide qu'il est temps de quitter les lieux.
« Très bien. Je reviendrais vous voir à un moment plus propice, lance-t-elle avant de le contourner et de pouvoir passer pour rejoindre la sortie. »
Mais à peine a-t-elle eu le temps d'arriver à la porte qu'elle sent une main ferme attraper son poignet. Elle se retourne vivement, faisant face à monsieur Parker.
« Que croyez-vous faire ? Dit-elle alors qu'elle se dégage sans mal de son emprise, son regard furieux posé sur lui. Je ne suis pas une petite fille que vous pouvez effrayer, monsieur Parker. Si vous tentez quoi que ce soit, je me défendrai. Soyez-en certain. »
Celui-ci se met à rire lorsqu'il lui attrape violemment les poignets avant de venir la plaquer méchamment contre la porte en la poussant, coinçant ses bras au-dessus de sa tête alors que le dos de Hanna heurte méchamment la poignée à ce moment-là.
« Qui croyez-vous menacer, madame la procureure ? Dit-il alors qu'il approche son visage près du sien sans jamais quitter ses yeux. »
Par réflexe, elle détourne son regard et tente de se dégager de son emprise, sauf, que cette fois-ci, Henri, averti, est plus virulent que la fois précedente. Il resserre donc sa poigne et approche ses lèvres près de l'oreille de la jeune femme, avant de la menacer.
« Si je suis capable d'infliger cela à mon enfant. À votre avis, que ferais-je d'une femme qui vient fouiner dans mes affaires ? Murmure-t-il avant de se mettre une nouvelle fois à rire. »
Dégoûtée et révoltée par cet ignoble personnage, Hanna sent une soudaine vague de haine la submerger. Elle reporte vivement ses yeux sur le suspect, brillants par des larmes de colère qui se sont formées.
« Êtes-vous en train d'avouer vos crimes, monsieur Parker ? Lance-t-elle, ne détournant pas ses yeux des siens. »
Celui-ci rit de plus belle avant de relâcher furieusement. Il passe ensuite l'une de ses mains sur son visage avant d'attraper fermement le bas de son menton. Hanna se retire hâtivement avant de le bousculer violemment, ce qui le faire trébucher.
Elle s'apprête à partir, lorsque, furieux par son geste, il la rattrape par les cheveux avant de lui cogner la tête dans la porte. À moitié sonnée, la jeune femme étouffe un cri de douleur. Henri l'a saisi alors par les épaules et la force à lui faire face, la plaquant une nouvelle fois avec force contre la porte. Son regard ancré au sien, il la maintient fermement et reprend la parole.
« Savez-vous qui je suis, mademoiselle Fields ? Je suis le préfet. Par conséquent, je suis intouchable, vous comprenez ce que ça veut dire.
— C'est ce que nous verrons, monsieur le préfet. Même les tous puissants ont des failles et je trouverai la vôtre. Même si je dois y passer des jours, des semaines, voire des années. Je trouverai votre faiblesse, je vous le promets, et là. Seulement à partir de là, nous pourrons jouer avec équité. Nous verrons à ce moment-là qui est intouchable et qui ne l'est pas. Après tout, avant d'être le préfet, vous ne restez qu'un homme, conclut-elle tout en le fixant droit dans les yeux, alors qu'un sourire narquois se dessine sur ses lèvres. »
Une nouvelle fois, elle le pousse avec rage avant de quitter la maison. Sous le coup de l'adrénaline, elle ne s'est même pas rendu compte que son arcade sourcilière était ouverte.
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