Lueur d'espoir
Furieuse, Hanna retourne à son bureau, claquant vivement la porte derrière elle. Le jeune homme du secrétariat, ne comprenant pas trop son attitude soudaine, décide de lui préparer une tasse de thé avant de la lui apporter.
Il frappe à sa porte, entre d'un pas non assuré, laissant juste dépasser sa tête à travers l'embrasure. Hanna, intriguée, relève la tête et l'aperçoit.
« Est-ce que je vous dérange ? Demande-t-il, un sourire poli sur les lèvres.
— Non. Je vous en prie, entrez, répond-elle tout en joignant le geste à la parole. »
Le jeune homme s'avance alors vers son bureau et pose la tasse de thé encore fumante dessus. Surprise, Hanna relève son visage vers le sien.
« Vous semblez passer une mauvaise journée, dit-il maladroitement.
— Ça se voit tant que ça, soupire-t-elle avant de se lever de sa chaise et de se saisir de la tasse. Merci, lui sourit-elle avant d'aller s'assoir sur le canapé, l'invitant à faire de même. Je ne connais même pas votre nom.
— Jordan. Je m'appelle Jordan.
— Merci Jordan, fait-elle tout en levant sa tasse devant elle. »
Elle en boit une gorgée, puis une autre et pose celle-ci sur la petite table face à elle.
« Dites-moi Jordan, à mon arrivée ici, vous m'avez dit que si j'avais besoin d'aide, je pourrais m'adresser à vous. Est-ce toujours le cas ?
— Bien sûr. De quoi avez-vous besoin ?
— J'aimerais consulter les archives de ces trois dernières années. Je dois m'assurer de quelque chose.
— De quoi s'agit-il ?
— Je le saurai quand j'aurai trouvé, affirme-t-elle, lui adressant un sourire poli. »
En effet, Hanna veut s'assurer de pouvoir faire confiance à son mentor. Toute sa vengeance repose sur l'enseignement de celui-ci. Elle n'a pas le droit à l'erreur, même si à cet instant, tout lui semble incertain, face au comportement imbu et ignorant de Logan.
« Pouvez-vous m'aider ? Redemande-t-elle.
— Les archives se trouvent au second sous-sol de ce bâtiment, mais vous... S'arrêtant subitement, de peur de trop en dire.
— Mais quoi ? Puis-je y avoir accès ? S'il vous plaît Jordan, insiste-t-elle sérieusement. C'est vraiment important.
— Très bien, poursuit-il tout en soupirant lourdement. Le problème n'est pas d'avoir accès aux archives. Ce serait plutôt le fait de pouvoir y rentrer.
— Que voulez-vous dire ?
— Il vous faut la clé.
— Alors, donnez là moi, répond-elle tout simplement.
— Ce n'est pas moi qui l'ai.
— Qui possède cette clé ? Demande-t-elle alors qu'elle voit bien que Jordan se sent subitement mal à l'aise. Qui a cette clé ? Répète-t-elle, attendant d'obtenir une réponse. »
Après un court moment de silence, Hanna se met à rire, comprenant qui détient le pass pour son entrée.
« Logan McMillan, murmure-t-elle, les dents serrées, alors qu'un rire nerveux s'échappe d'entre ses lèvres. Qui d'autre, se mettant à rire une nouvelle fois tandis qu'elle secoue sa tête de gauche à droite.
— Je suis désolé, lance Jordan avant de se lever.
— Ne le soyez pas, se levant à son tour. Je comprends, lui sourit-elle poliment.
— Cherchez-vous quelque chose en particulier ?
— Est-ce vraiment important ? Surenchérit-elle, un sourire étirant légèrement ses lèvres. Je vous remercie Jordan. Vous pouvez disposer, j'ai du travail qui m'attend. »
Jordan la salue poliment avant de quitter son bureau. Quant à Hanna, elle attrape la tasse avant de retourner derrière le sien. Elle continue ses recherches sur l'affaire de monsieur Parker.
Après plusieurs heures de travail, elle ne trouve rien d'autre que ce qu'il y a dans les dossiers. Elle décide de retourner sur le terrain afin d'interroger toutes les personnes citées dans l'affaire.
Elle y passe des heures, sans obtenir de nouveaux arguments. Tout semble parfaitement s'aligner. C'est comme s'ils s'étaient tous réunis pour se mettre d'accord sur la version à donner. Leurs récits sont parfaitement coordonnés, comme s'ils avaient appris par cœur un texte qu'il fallait réciter à chaque interrogatoire. Évidemment, pour Hanna, c'est trop facile. Trop parfait. Cependant, quelque chose la dérange fortement. Son dernier arrêt concerne l'hôpital.
La dernière personne qu'elle rencontre est le médecin traitant qui s'est occupé de soigner Lily-Rose. Après s'être présentée, Hanna prend place sur la chaise face au bureau du médecin et commence son interrogatoire.
« Je suis désolée de vous déranger alors que vous paraissez occupé.
— Que se passe-t-il ? Comment puis-je vous aider ?
— Je sus ici concernant l'affaire de Lily-Rose Parker. »
En entendant ce nom, le médecin se redresse subitement sur son siège, ce qui interpelle aussitôt la procureure.
" Alors j'ai vu juste. Il y a bien une faille. "
« J'aimerais entendre votre version, poursuit-elle tout en l'observant alors qu'il n'ose pas affronter son regard.
— Tout est déjà dans le dossier. Que cherchez-vous de plus ?
— La vérité. Je souhaite juste connaître la vérité et protéger la petite fille. Dans votre rapport, vous dites que les ecchymoses de la victime ne sont en aucun cas dues à des coups portés. Si ce n'est pas ça, alors à quoi est-ce dû ?
— Avez-vous déjà entendu parler de thrombopénie ?
— C'est quand il y a une diminution du nombre de plaquettes dans le sang, répond-elle naturellement, ce qui surprend le médecin qui relève son visage sur elle. Est-ce périphérique ou d'origine centrale ?
— Quoi, lâche-t-il inconsciemment, déstabilisé que la jeune femme puisse en connaître autant, ce qu'elle constate rapidement.
— Vous pensiez vraiment que je serais venu vous voir si je ne connaissais pas déjà les réponses à mes questions ?
— Elle est périphérique, affirme-t-il subitement.
— En êtes-vous certain ? Demande-t-elle sans le quitter des yeux.
— Absolument.
— Quel âge avait Lily-Rose quand sa maladie a été découverte ? S'il s'agit effectivement d'une thrombopénie périphérique comme vous venez de me le dire, elle est associée à une maladie auto-immune. Pourtant, dans son dossier médical, je ne vois aucune trace de ceci. Qu'avez-vous à dire par rapport à ça ? Avez-vous également menti à ce sujet, balance-t-elle sans ménagement ? »
Le médecin se lève brusquement, choqué par le raisonnement de Hanna qui en sait beaucoup trop. Il perd à coup sûr son sang-froid. Les mains posées sur son bassin, il soupire péniblement, basculant sa tête en arrière, avant de lâcher un rire nerveux. Il reporte ensuite son regard sur Hanna qui se lève son tour, attendant une réponse crédible de son interlocuteur.
« Qu'avez-vous précisément entre vos mains pour vous montrer aussi confiante ? Demande-t-il soudainement.
— Je ne suis pas ici pour perdre mon temps, mais pour protéger Lily-Rose. Je voulais juste confirmer mes soupçons et je suis ravie de vous avoir rencontré pour ça, monsieur le médecin traitant. Vous serez poursuivi pour parjure et entrave à la justice dans une enquête en cours. D'ici à ce que votre jugement soit prononcé, vous recevrez une notification pour vous retirer temporairement le droit d'exercer et...
— Avez-vous perdu la tête ? Crie-t-il après l'avoir interrompu, tapant du poing sur la table.
— Il n'en tient qu'à vous ne pas perdre votre licence, alors, quelle est votre décision ? Allez-vous continuer de protéger le préfet ou bien votre honneur et votre droit d'exercer ? Que redoutez-vous le plus ?
— Vous ne comprenez pas. S'il apprend que...
— Je le sais, hausse-t-elle à son tour après lui avoir coupé la parole. Mais, je vais vous dire ceci afin que vous ne l'oubliez pas, poursuit-elle sur un ton déterminé. Personne n'est intouchable et je prouverai au monde entier que monsieur Henri Parker ne fait pas exception à la règle. Il paiera pour son crime. Soyez-en certain. En revanche, sans votre aide, cela me sera impossible. Je ne pourrais rien faire pour protéger Lily-Rose qui continuera d'être en danger. Alors, je vous le redemande pour la dernière fois. Que comptez-vous faire maintenant ? »
Le médecin ne perd pas un mot de ce que lui dit la procureure. Il semble réfléchir et tandis que les secondes défilent, il se décide enfin à agir. Il sort une clé de la poche de sa blouse et ouvre l'un des tiroirs de son bureau. Il saisit une clé USB qu'il tend à la jeune femme, qui l'observe, dubitative.
« Qu'est-ce que c'est ? Demande-t-elle, tandis qu'une infime lueur d'espoir grandit dans son esprit.
— Les preuves que vous recherchez pour arrêter cette pourriture, crache-t-il amèrement. En contrepartie, vous devez m'aider à disparaître parce que dès lors que le préfet apprendra que je suis celui qui l'a dénoncé, il me tuera, confirme-t-il alors qu'un rire nerveux s'échappe d'entre ses lèvres. Promettez-moi de me protéger.
— C'est promis, affirme-t-elle avant de s'avancer vers le bureau. »
Elle attrape un pense-bête et un crayon, puis commence à écrire dessus avant de tendre le bout de papier à son interlocuteur.
« Qui est-ce ? Demande-t-il après avoir lu le nom et l'adresse inscrite.
— Dites-lui simplement que vous venez de ma part. Que j'ai trouvé une autre âme égarée. Il comprendra et vous aidera, soyez-en sûr. »
Le médecin acquiesce d'un signe de la tête. Hanna le remercie et le salue poliment avant de quitter son bureau. Elle range précautionneusement la clé USB dans un endroit où personne n'ira chercher, l'intérieur de son soutien-gorge. Il s'agit probablement de la seule preuve tangible pouvant relier Henri Parker aux actes méprisables commis sur la petite Lily-Rose. Elle ne peut donc prendre aucun risque et doit tout faire pour protéger cette clé.
Tandis que Hanna quitte le bâtiment, soulagée et confiante quant à la tournure des événements, elle retourne directement au travail, sans savoir réellement ce qui l'y attend.
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