XII.3 - 15h49
Conversation entre Shēng Mìng et Qiū Shù, membre de la faction Smissonnienne du Syndicat des Bûcherons (assassiné la veille du procès de Bài Tài Yang), menée il y a : quarante-quatre jours.
“Oui, Qiū Shù ? Ça va ? demande Shēng Mìng, débordant d’excitation.
— Nickel, et toi ? répond une voix tout aussi enjouée. Tu as besoin de quelque chose ?
— Je suis en train de rédiger l’appel à la manifestation.
— Des époux ?
— Oui, oui. J’aurais besoin de tes talents d’écrivain.
— Oh, tu sais, je ne suis pas Huī Ōu non plus.
— Il n’empêche que tu écris mieux que moi. Je te lis le message ?
— Vas-y. Je te coupe quand il faut reformuler.
— D’accord. Chers époux, si je vous écris aujourd’hui, c’est pour vous annoncer une grande nouvelle.
— Change “Chers époux”, c’est trop impersonnel.
— Qu’est-ce que tu mettrais ?
— Hm… tu veux en faire des Tiankongais, non ? Alors mets “Chères Tiankongais”, tout simplement. Tu les fais déjà entrer dans ton projet.
— Ok… Une grande nouvelle… Cela fait de nombreuses années que vous habitez dans notre ville…
— Cela fait de nombreuses années que vous faites partie de cette ville, il faut les inclure.
— Et pourtant, les autorités continuent de vous traiter comme des moins que rien…
— Continuent d’agir comme si vous n’existiez pas.
— Je note. Je trouve cette situation absolument inacceptable.
— Cette situation est inacceptable, ce n’est pas ton ressenti, mais une vérité générale que tu énonces.
— Je souhaite que cela change dès aujourd’hui. C’est pourquoi je vous invite à participer à un grand rassemblement, mardi prochain, au croisement des Trois Avenues, afin de faire entendre vos voix. Ensemble, nous pourrons remédier à cette injustice et vous garantir d’être enfin intégrés d’un point de vue légal à la ville. Venez nombreux !
— Remplace “je” souhaite par “il faut” et “je vous invite” par “vous êtes invitées”. Sinon, le reste me semble bon.
— D’accord, alors voici la version définitive. Chers Tiankongais, si je vous écris aujourd’hui, c’est pour vous faire part d’une grande nouvelle. Cela fait de nombreuses années que vous faites partie de cette ville, et pourtant les autorités continuent d’agir comme si vous n’existiez pas. Cette situation est inacceptable ; il faut que cela change dès aujourd’hui. C’est pourquoi vous êtes invitées à participer à un grand rassemblement au croisement des Trois-Avenues, mardi prochain, afin de faire entendre vos voix. Ensemble, nous pourrons remédier à cette injustice et vous garantir d’être enfin intégrés d’un point de vue légal à la ville. Venez nombreux !
— C’est tout bon, je pense. Quand est-ce que tu leur enverras ?
— D'ici à deux ou trois jours maximum. D’ailleurs, tu en es où dans tes mariages ?
— Cette semaine, j’en ai conclu trois. J’ai du mal à abaisser la rente autant que toi. Tu vas prendre des nouvelles épouses jusqu’à quand ?
— D’après mes calculs, au tarif actuel, je peux monter à cent vingt-six. Après, je commencerai à être trop déficitaire. Cette semaine, j’ai une dizaine de mariages à célébrer, et ça devrait s’accélérer dans les prochaines semaines.
— Cent vingt-six ? répète Qiū Shù en accompagnant sa remarque d’un sifflement. Si chacun d’entre nous prenait cent vingt-six femmes, nous pourrions aller cueillir la Mairie dès la semaine prochaine !
— Ne serait-ce qu’une quarantaine par membre, ce serait déjà suffisant pour peser très lourd dans la balance électorale. Je ne me fais pas de souci. À part ça, ta soirée d’hier, c’était comment ?
— Oh, tu sais, la routine…"
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