Le lézard du désert
Cet ultime trajet n’était pas le plus long
Ils parvinrent promptement à destination
Une mer de gravier rouge comme le feu
Qui s’étendait jusqu’au contact des cieux.
La chaleur y était palpable,
Elle émanait de chaque grain de sable
Cette fois-ci, son épreuve serait double,
Car, je vous le rappelle, la chaleur le trouble.
Il n’était pas à l’aise dès qu’il faisait chaud
Les flashs de l’incendie lui revenaient soudain
Les flammes ardentes qui prirent sa femme trop tôt,
Un brasier violent qui à une vie mit fin.
Mais cette fois-ci, il n’avait pas le choix.
Il voulait, non, devait revoir Phylia.
À cet espoir, il s’accrochait sans cesse
Pour, dans cette quête, ne pas sombrer dans la paresse.
Lorsqu’il posa ses pieds dans le désert,
C’est le moment où tous ses doutes s’éveillèrent.
Était-il de taille pour trouver un être
Que même les immortels ne pouvaient reconnaître ?
Ses peurs étaient trop fortes et s’emparèrent de lui
Lorsque le temps salvateur lui accorda de la pluie.
La fraîcheur apportée par cette intempérie
Lui firent reprendre confiance et cesser sa folie.
Il devait vite trouver l’objet de sa quête
Car dans le désert en journée, sa malice s’arrête
La chaleur du sable chaud l’accablait
Et, de correctement penser, l’en empêchait.
Il profita de ces gouttes de pluie
Pour réfléchir posément à une stratégie.
Il ne pouvait pas, sur le lézard, se concentrer
Uniquement à la fin de la journée.
Il utilisa la toile de Bianca
Pour, au-dessus de sa tête, fabriquer un toit.
Le tissage, vraiment résistant,
Emprisonnait tout, la pluie et le vent.
Une fois la météo plus clémente
Il replia la toile qui lui servait de tente.
Il pouvait reprendre sa traque de l’animal,
Dernière étape de sa chasse infernale.
Il profita des accalmies pour couvrir du terrain
Le désert Egart lui paraissait sans fin.
Mais il marchait sans dévier
Le moindre grain de sable, il devait scruter.
La journée, il se mettait à l’abri
Sa toile improvisée lui accordait du répit.
Ça l’embêtait de ralentir ainsi,
Mais cette chaleur étouffante figeait son esprit.
Un énième soir, lassé de ce rythme saccadé,
Il demanda conseil à Bianca l’araignée.
Un peu ronchonne de s’être faite capturer,
Elle était, dans un premier temps, mécontente de lui parler.
« Je suis désolé Bianca, mais tu dois me comprendre
Pour la potion des deux autres, il me faut ta toile.
Les apparences sont contre moi, c’est à s’y méprendre
Mais tout cela fini, tu pourras mettre les voiles.
Si ça peut te convaincre, envers toi je m’engage.
À la fin de l’aventure, je te ramène sur ton île
Et je construirais un immense barrage
Pour qu’aucun autre aventurier ne te mette en péril.
Tu ferais vraiment ça, tu me le promets ?
Mais oui Bianca, je ne tiens pas à te peiner.
Alors dans ce cas, je veux bien t’aider
Et les capacités de mes fils, t’enseigner les secrets.
Tu le sais déjà, mes toiles sont peu ordinaires,
Elles emprisonnent tout ce qu’elles touchent, n’importe quelle matière.
Mais une fois l’élément prisonnier,
Elles en font ce qu’elles veulent, peuvent même le libérer.
N’importe quand, n’importe où,
Elles peuvent relâcher ce qui était sous leur joug.
Pour ça, il suffit de demander,
L’élément que tu veux délivrer.
Alors ça c’est pratique, répliqua Gyron.
J’ai déjà une idée de leur utilisation.
Lorsqu’il pleuvait, j’avais fait un abri grande taille
Des belles gouttes d’eau doivent être prises dans leurs mailles.
Je te remercie Bianca, c’est une info utile
Même la journée, je pourrais traquer le reptile
Quant à toi, tu retrouveras ton abri
Et il sera protégé, je te l’ai promis. »
Il reprit sa marche jusqu’à l’arrêt du vent,
Jusqu’à ce que l’air se fasse trop étouffant.
À ce moment, il appliqua la technique apprise
Pour, de ce mercure élevé, se libérer de l’emprise.
Pensant n’avoir capturer que les gouttes de pluie,
Il fut enchanté de voir jaillir l’ombre de la nuit.
Mieux, un superbe vent de fraîcheur,
Vint alléger la poursuite de son labeur.
Néanmoins, sa tâche n’était toujours pas aisée,
Il sillonna le désert pendant une éternité
Passant, repassant par des coins déjà visités
Sans pour autant apercevoir l’animal convoité.
Sa traque dura longtemps, peut être plusieurs jours,
Plusieurs semaines ou plusieurs mois, elle dura toujours.
Si bien qu’à force, ce désert sans fin,
Il le connaissait aussi bien que le dos de sa main.
Nul part il ne vit l’ombre d’un terrier,
D’une grotte, d’une caverne, d’un endroit où s’abriter.
Rien qui attestait l’existence de sa cible
N’était-elle qu’une chimère ? C’était de plus en plus possible.
L’ange et le démon se jouaient-ils de lui ?
Et pour s’en débarrasser, l’auraient envoyé ici ?
Mais pour quoi faire, dans quel but,
Seraient-ils venus jusqu’à sa hutte ?
Il voulut appeler Pyro et rentrer chez lui,
Dire à ses commanditaires qu’il n’avait pas réussi
Lorsque, malheur, il réalisa
Que son ami le dragon ne viendrait pas.
À trois reprises, il était déjà venu,
Pour Bianca, Meluka, et ces terres perdues.
Même le lézard en main, il serait coincé
Et la montagne noire, il ne pourrait gagner.
De désespoir, il s’écroula sans tendresse
Se laissant inonder par une incroyable tristesse
Il ne savait pas quoi faire, ni quoi penser
Pour se tirer de là, il n’avait aucune idée.
Il resta allonger pendant des heures,
À fixer le ciel, son tombeau.
Il ne ressentait rien, n’avait même pas peur,
Finalement, il reverrait sa femme bientôt.
Il ne réfléchissait pas, était résigné,
Tant qu’il ne voyait pas, à côté de lui, le sable bouger.
Une petite créature pointa le bout de son nez
Et se mit proche de lui pour lui parler.
« Et bien alors petit elfe, tu as arrêté de me chasser ?
C’est dommage pourtant, on rigolait bien.
Ça m’amuse de voir des gens tourner et tourner,
Pour espérer me trouver, en vain.
C’est donc toi l’animal des légendes ?
Celui qui échappe à tous, même aux célestes ?
Peux-tu me laisser seul, je te le demande,
Tu le vois bien, j’ai échoué au test.
Tu ne tournes même pas la tête pour voir mon visage ?
Alors ça, ça ne m’était jamais arrivé.
On est en plein désert, tu dois être un mirage
Quelqu’un qui a cette chance, pourquoi s’en priver ?
À quoi bon te voir, ma mission est impossible.
Te capturer toi, qui est constamment pris pour cible.
J’aurais pu faire le tour du monde sans finir mon labeur
Ta technique de camouflage résiste à tous tes chasseurs.
Il n’y a rien de plus satisfaisant que de les voir partir
La queue entre les jambes, se demandant si j’existe
Alors que je ne suis jamais loin, je les observe pour rire
Tous ces marchands, braconniers, arrivistes.
Mais toi tu n’es pas pareil, tu es différent.
Tu attises ma curiosité, tu es intéressant.
Dis-moi donc petit elfe, pourquoi es-tu là ?
Qu’es-tu venu faire aussi loin de chez toi ?
Ce n’est pas ma volonté de te mettre la main dessus
Mais celle de deux êtres maudits, presque déchus.
Une histoire entre une ange et un démon
Malheureusement frappés par une malédiction.
Ils veulent te rencontrer, parler avec toi
Pour apprendre tes secrets, échapper aux divines lois.
Tu résistes depuis tellement longtemps à tous les yeux
Qu’user de la même technique serait utile pour eux.
Quel est ton intérêt à toi, dans cette histoire ?
Quelle serait ton prix en cas de victoire ?
Je ne peux pas croire que tu viennes pour rien,
Ou simplement pour aider des êtres divins.
Tu as raison, j’ai effectivement un intérêt,
Ils m’ont promis, en échange, une incroyable récompense.
Je pourrais, pour quelques instants, voir ma bien-aimée
Avec les yeux de l’amour et de l’insouciance.
C’est donc ça ta motivation, l’espoir d’un regard ?
Tu n’es pas comme les autres, avide d’argent ou de pouvoir ?
Tu ne fais ça que pour une occasion ?
Sachant que ce temps ne sera pas long ?
L’argent ne m’intéresse pas, j’en ai suffisamment.
Le pouvoir est nuisible, je vis simplement.
Depuis presque 520 ans,
Je vis privé de celle que j’aimais tant.
Pour toi, c’est sans doute du gâchis,
De faire tant d’effort pour un si petit prix
Mais cette promesse est ce qui fait battre mon cœur
Et qui m’empêche de sombrer dans la torpeur.
Son regard parfait, ses cheveux d’or
Son sourire hypnotique, son superbe corps.
Nos cœurs en osmose, nos deux âmes liées
Tu ne peux pas comprendre ces sensations enflammées.
Ce sentiment, je ne l’avais jamais eu,
Celui qui, malgré toi, te fait te sentir nu
Lorsque des yeux azurs plongent dans les tiens,
Et qu’une personne au cœur pur te prend par la main.
Ce n’est même pas des montagnes que tu pourrais déplacer.
Lorsqu’elle te sourit encore, sans le poids des années.
Le temps n’avait aucune emprise sur notre passion
La flamme brûlait ardemment, sans interruption.
Je l’ai aimé, je l’aime et je l’aimerai.
Aucun force dans l’univers ne pourrait changer ce fait.
Si on m’offre de la revoir, même pour quelques secondes
Je te jure que, sans hésitation, je déplacerais le monde.
Tu es dans ce désert, vivant seul depuis toujours
As-tu seulement, dans ta vie, connu le grand amour ?
Celui pour qui tu vis, la raison de te lever ?
Celui pour qui, sans l’ombre d’un doute, tu pourrais crever ?
L’explication te paraît futile, si tu n’as aucun ami
Si tu te méfies de tous, que le monde est ton ennemi.
Mais ne juge jamais de la détermination
Lorsqu’elle est motivée par une telle raison.
C’est vrai que je suis seul depuis l’aube de ma mémoire.
Des amis, une famille, je n’en ai jamais eu l’espoir.
Je ne fais que fuir ce qui me pourchassent
Ne laissant personne, dans mon cœur, avoir sa place.
Je ne saisi pas ta motivation, mais ça a l’air magnifique
Et tu me vois navré que ta vie ait viré au tragique.
Comme je te l’ai dit, tu es différent, tu m’inspires confiance.
À toi et toi seul, je vais accorder une chance.
Je vais te suivre de loin, jusqu’à ta destination,
Tu ne me verras pas, je serais dans tes talons.
Car là est mon secret, je me cache juste sous votre nez
Là où personne ne pense jamais à regarder.
J’apprécie ton aide, mais ça ne sert à rien
Car je suis bloqué ici, dans ce désert sans fin.
Celui qui me transportait ne peut plus venir
Car s’il apparaît encore, je risque de mourir.
Donc tu es venu chez moi pour rien ?
Sans plan B, sans, pour partir, un autre moyen ?
Moi qui te prenait pour un elfe malin,
Je me rends compte que tu n’es qu’un crétin.
C’est l’effet de l’amour, j’étais trop enthousiaste
Trop excité, je n’ai pas pensé aux détails.
J’avais un objectif, je n’ai pas vu plus vaste
Que ma rétribution à la fin de ce travail.
Donc tu vas mourir ici, c’est ça la fin de l’histoire ?
Tu vas t’allonger dans le sable et attendre ta fin ?
Même pas un petit combat, une élan de désespoir ?
Une ultime idée pour que ça finisse bien ?
Dans tous les sens, j’y ai pensé
J’ai même songer d’y aller à pied.
Mais la destination est tellement lointaine,
Que ça me prendra bien plus que quelques semaines.
Je n’ai aucune idée, aucune solution
Rien qui pourrait m’aider dans cette situation.
À moins que tes tours te permettent de voler
Ou à la vitesse de l’éclair, de te déplacer.
Malheureusement non, je ne suis qu’un lézard
Qui use de ruse pour échapper aux regards.
Je n’ai aucun autre secret dissimulé,
En tout cas, rien pour, dans le ciel, m’envoler. »
Mais alors que tout espoir était perdu,
Se produisit un événement inattendu.
Un vrombissement sourd se fit entendre au loin
Qui s’approchait d’eux rapidement, ils en étaient certain.
Gyron scruta l’horizon et vit un être de merveille,
Une forme qui ressemblait grandement à une abeille
Il fut pris d’une joie immense et cria sa joie
Lorsque se dessinèrent les traits de Meluka.
La reine des abeilles était venu jusqu’à lui
Avait-elle, au loin, entendu son dépit ?
Peu importe le pourquoi, il était trop heureux
De cette aide inespérée pour quitter ce lieu.
« Je me suis inquiétée lorsque je ne vous ai pas vu
À l’endroit du rendez-vous, à l’heure convenue.
Vous m’aviez mentionné votre escale ici
C’est la raison de ma venu, voir s’il y avait un souci.
Ta présence est salvatrice, tu tombes à point nommée
Jamais, je ne pense, je pourrais te remercier.
Tu l’as déjà fait, espèce de gros bêta
Te rappelles-tu que tu as sauvé mon toit ?
C’était plutôt à moi de te venir en aide.
Rendre la pareille à mon ami bipède.
Allez, grimpez vous deux, allons-y promptement
J’ai encore à nourrir des milliers d’enfants.
Le reptile se cacha dans le sac de Gyron
Il l’aidait, certes, mais ne voulait attirer l’attention.
Le trio prit la route loin de ce territoire
Pour rejoindre ensemble la montagne noire.
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