La vie de Pierre

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 Celui qui va me remplacer s'appelle Pierre. Pierre est formidable. Pierre n'est pas moi.

 Après quelques années de petit correcteur dans une grande maison d'édition, je me suis retrouvé, employé de La Poste, préposé aux colis, globalement l'extase absolue. Les grandes bourgeoises make-upisées, et les vieux messieurs, colis pour leurs petits-fils. Je dois vous avouer que ça me divertissait bien, tout cela, à venir et à partir, à regarder ces cartons s'enfuir dans des camions, à admirer l'impatience de ceux qui les reçoivent. Des bribes de mille vies, dans mon box.

 Et les samedis, les apôtres, et moi, à aller manifester. Nous aimions plutôt pas mal, cela nous, les manif's. A en manquer que très peu, sauf celle de La Poste, bien sûr. Les apôtres, c'était Simon et Jean, deux frères, rencontrés en ces soirées alcoolisées d'étudiants, à l'époque, que nous fréquentions. C'est eux, d'ailleurs qui m'avaient montré la combine. Pour les samedis, pour la distraction absolu, on a milité pour tout, " So-so-So-solidarité! Pour la paix dans le monde!", " Tous ensemble, Tous ensemble contre la misère". Nous étions prêts à se convaincre de tout, à gueuler pour la fin des spaghettis dans les cantines scolaires, crier contre le licenciement abusif d'un chien, chez Royal canin, chanter...Casimir t'es foutu, le peuple est dans la rue. Ou autres sujets passionnants. On fréquentait un peu, du coup, des gens, tout à fait bizarres. Pour se geler ses petites miches, un samedi de décembre, faut soit être désespéré, soit être fou. Nous étions un peu des deux.

 J'ai eu 37 ans, il y a deux semaines, et il faudrait peut être que je pense à avoir des préoccupations de mon âge. C'est à dire, investir en bourse, lire Figaro Magazine, et, accessoirement arrêter de me laisser pousser les cheveux. il y a un moment où on devient ridicule. Bertrand, mon co-équipier de box (toute une équipe), supporte de moins en moins, les blagues que je lui fais, il me lance son regard d'inquisiteur des colis..il me fout la trouille, parfois, avec son mètre quatre vingts et autant de kilos. J'attends le jour où il va sauter sur moi, en me hurlant dessus " PUTAIN! J'en ai MARRE de TA GUEULE et de TES JEUX DE MOTS à deux SOUS! ALOOOORS maintenant tu vas te la fermer, et arrêter de m'EMMERDER!" Bertrand, n'a pas toujours été con. Seulement, il a perdu sa vie à la gagner, et s'ennuie désormais à mi-temps à La Poste. Je ne connais pas grand chose de lui, mais ce que je sais, c'est qu'il est grand temps, pour ma sauvegarde physique, de ne plus échanger les noms des colis avec ceux des stars has been. Bernard Menez pour Michel de la Roche-Mottet...

 Cette semaine-ci, ce fut, Halte à la fourrure de chien, organisé par la SPA, Brigitte Bardot en tête de cortège. Simon, tout à l'heure, a été lui parler, lui dire Ô combien, il l'avait adorée dans Le mépris de Jean-Luc Godaaard et lui a tendu une invitation pour la corrida de Nîmes le week-end-end prochain. Elle l'a remercié, en le faisant virer par le service d'ordre, et quelques coups de pieds par les manifestants. Ils n'ont pas le sens de l'humour, ces gen-là, je trouve. Simon est plié de rire, un œil dans le tiroir, mais plié. Sa capacité à être volontairement con, et odieux.
Nous finirons par nous arrêter à un bar, avec un groupe d'anarchistes polonais. Pierre, lui, est beaucoup plus sage, distrait et discret depuis qu'il vient de se faire jeter dehors par son mec. Je le vois partir, là, à me faire un peu de la peine, mais il s'en remettra, il s'en remet toujours. Un vrai homo, d'avant la première gay-pride. Un puritain. Un caractère des chaussettes au chapeau.

 Aujourd'hui, Bernard Menez est venu cherché un colis, je me suis retrouvé un peu con, tout de même, du coup. Il m'a fait un autographe sur mon pansement. Oh Oh Jolie Poupée Puisque, je l'avoue, j'ai chuté en Velib' en revenant plein comme une queue de pie, samedi dernier, un trottoir mal maîtrisé et me voilà à l'hôpital, brûlé tout l'avant bras sur l'asphalte. Simon, m'a dit que j'étais un tout petit peu couillon de vouloir faire des cwonneries avec un vélo de 22 kilos 500, et il a appelé les pompiers ensuite. Avec le sang et tout. Simon a toujours le talent, de dire des choses aussi plates que véridiques dans des situations critiques. Je ne me suis pas accordé d'arrêt de travail, je n'aime pas la paperasserie. Bertrand me trouve de plus en plus con. Il a peut être raison. Je m'en fous, j'ai ma petite signature, maintenant. Une bonne journée. Ma mère m'a laissé un message sur le répondeur, elle part en Hongrie pour une conférence de musicologie, enfin, je crois.

 Pas de révolte, ce week-end-end-end-end end, aucune, bezeff, même pas une tite de quartier. On a tenté d'en organiser une à la va-vite, pour ne pas perdre le rythme, pour le retour de Dorothée à la télévision, sans grand sucés Soit tout le monde se fout de revoir le club do, soit, les gens préfèrent tout de même, rester à bronzer sur des herbes grasses. Ma foi, qu'est ce qu'on s'est ennuyé du coup...alors on a bu tout de même, on a fêté l'anniversaire de Macha, dans un restaurant indien. Nous nous sommes présentés, ils étaient déjà tous ivres, ou pas trop loin, en tout cas. Tous des cadres dans l'informatique, nous ne connaissions personne sauf Macha, sale coup, qu'elle nous avait fait là d'ailleurs. Nous sommes ressortis les derniers, à finir toutes les bouteilles et à chanter du Dave. Expérience enrichissante de vociférer Vaniiinnnaaaaaaa dans un décor bollywoodien.

 Aujourd'hui c'est Michel de la Roche-Mottet qui s'est pointé, il ne comprenait pas pourquoi il avait pas reçu le colis qui devait recevoir. Je lui ai dit, qu'il fallait être patient, avec les soucis de transport en ce moment, le manque d'effectif et tout le tralala. Il m'a remercié, tout de même, et est parti en marmonnant quelques insultes contre le Service Public. A midi, j'ai laissé Bertrand pour aller déjeuner avec Jean à la brasserie Farfalle. Jean est styliste chez H&M, la mode pour tous, c'est globalement lui. La bouteille de wattviller, entre nous, et à me raconter le stagiaire rencontré. Un jeunot qui ne sait pas encore qu'il est de la manchette. C'est ce qu'il m'a dit. Sa capacité, à reconnaitre qui est gay et qui ne l'est pas, c'est pas rien, pas rien du tout, même. On se donnera rendez-vous Samedi, à 14heures, place d'Italie, du lourd, qu'il m'a promis. Bertrand, est toujours assis, de la même manière, à croire qu'il n'a pas fait un geste depuis deux heures, figé, raide comme un Ken. Mais, faudrait que je raconte, comment? Comment, je suis passé de correcteur à réceptionnaire de La Poste. Si, si ça vous intéresse.

 Je fus donc, dix années durant, correcteur aux éditions Fleurus, section cuisine. Vous voyez le genre, quoi. J'ai adoré cela, au final, aussi, un certain temps, pas trop spirituel, pas trop contraignant. Toujours les mêmes fautes, toujours la même syntaxe, Éplucher les œufs, et faire bouillir les carottes, ou l'inverse. Je ne sais plus. Mais c'est un vrai boulot, tout de même, ne vous moquez pas. Et puis, bien payé et tout en plus. A l'époque, on était en pleine croissance, tout le monde voulait être Bocuse, ou Loiseau, même les étudiants en philo, c'est dire. Et le drame arriva, soudain, la cuisine ne se faisait plus, elle s'achetait, en surgelé, dans des poches de 2kilos. Je peux l'affirmer, de suite, Marie m'a tuer. Ou m'a sauver, c'est un peu la même chose au final. Toujours est il que je me suis retrouvé licencié économique. Hop, mon ptit carton, sous le bras, des petites indemnités tout de même. J'envisageais à l'époque, deux solutions, soit faire streap teaseur dans un bar gay, soit me chercher un boulot, aussi minable soit il. Etant donné, mon physique non-avantageux, j'ai opté pour la deuxième solution. Et me voilà, cet après-midi, avec Bertrand. Une vie passionnante. Et enrichissante, aussi. D'ailleurs, Bernard Menez est revenu. Pour renvoyer le colis, qu'il avait reçu, " Il y a du avoir une erreur, euh....parce que le colis là...enfin ce qu'il y a dedans...enfin, je n'ai jamais commandé, cela, moi" Et il sort, de tout cela, une tenue en cuir, avec des menottes, et tout le tintouin. On a ri, au moins, pendant 1 minute, du coup, Bertrand aussi. Il est drôle, en fait, Menez, et tout.

 Que je me réveille, un peu, de tout cela, de tout ce bwodel, dans mon ptit appartement, un Dimanche matin. Il ne m'avait pas menti, le con de Jean, c'est le moins qu'on puisse dire, en réalité. A gueuler pour la culture street, des cracheurs de feu, des jongleurs, des skaaaaaaateurs wesh wesh, des graffeurs sur corps, des pizzaïolo qui se sont plantés de manif', et le bazaar énoooOOorme des militants de la tecktonic. Tout cela, il y en avait du mouvement, et du génie. Pas trop loin de la révolution, en tout cas. On s'est retrouvé, d'un coup, un seul... au petit soir, droit, devant un mur, immense, et effrayant. Des hommes cagoulés et tout et tout. Avec des matraques. Et des boucliers anti-missile ou presque. Ils voulaient qu'on s'en aille, qu'on se disperse. Première sommation. On a gueulé et chanté encore plus fort. Les cracheurs de feu, devant, les danseurs fous ont arrêté leurs sonos, ont arrêté de danser, et ont surtout déguerpi comme pas deux, les djeun's. Nous, nous étions, au summum, au nirvana du manifestant, l'éden de la CGT spectacle, Et si il faut se sacrifier, on le fera.

 Avec le recul, d'aujourd'hui, nous étions tout simplement un peu saoul. Deuxième sommation. On a commencé à gueuler, bien plus fort, en pleine frénésie, les gens huaient, les passants ne faisaient pas long feu, la trouille qu'ils ont eu, la petite vieille avec son caniche joufflu et peint en vert, s'est évanouie. A charger. Et ils se sont rapprochés, les cracheurs s'en donnaient à cœur joie, de la lumière, des contrastes superbes, et le reflet de tout cela, sur leurs boucliers. En pleine admiration, quelques secondes. Puis, plus grand, chose, des gens à crier, moi, avachi sur le sol, des jambes à me piétiner, des coups sur mon pov' ptit dos. Putain, qu'est ce qu'on se sent seul dans ces moments. Comme un con. Les CRS se taisaient mais avançaient, nous nous gueulions encore, mais nous ne faisions plus que du surplace, ou pour les plus debout, de la marche arrière. Ils n'ont pas hésité, du tout. Les cracheurs ont arrêté de cracher, et les jongleurs de jongler. J'ai retrouvé un pizzaiolo, un peu k-o, au sol, pas loin de moi, il me regardait, avec ce ptit air..."Mais qu'est ce que je fous là??". Bien amoché, lui aussi. Pas pour essai, du tout. Les deux autres apôtres, là, ils étaient encore debout, je les apercevais, de temps à temps, à essayer de résister, de lutter, de se frictionner, un peu avec les schtroumphs.

 Au final, ça s'est calmé enfin, un peu, mais bon sang, pas loin de la révolution, je vous dis, moi. Jean et Simon, se sont foutus de moi, que j'étais pas trop résistant, tout de même. Et on a retraversé Paris, underground, les gens à me dévisager, enfin surtout ma chemise, pleine de sang, et toute cra-cra. Je souffrais, pas trop, fallait pas non plus en faire un drame, surtout, quand le médecin, là, a voulu venir, m'aider. J'ai pas supporté, je l'ai trouvé, con. totalement. Il faut toujours qu'il y ai un médecin, quelque part, pour vouloir sauver son prochain. M'énerve. La dévotion, absolu. J'ai jamais su, si c'était vraiment altruiste, ou juste pour se faire admirer, pour faire un truc bien, et tout et tout. C'est ça, qui m'énervait.

 Bref, me voici, un café immense, une douche gigantesque, Marie m'a laissé un message sur mon répondeur. Je ne connais pas de Marie. Elle me dit que la soirée au Queen était sensas', qu'elle n'a pas encore dormi, tellement c'était bien. Bisoux mon pot de fleur. J'ai rien compris, un faux numéro...enfin, elle a du entendre mon nom, tout de même. sur l'annonce. Ou alors, elle est conne, cette Marie, va savoir, je ne comprenais plus grand chose en fait. Et cette voix, si familière. Bah, tout de même. J'ai réussi à emerger, un peu. Et me suis rendormi, d'un coup. Sur mon canapé. Je n'irai pas à la messe, aujourd'hui, excusez moi, Monsieur le bon D.

 Lundi matin, j'aime bien, je suis seul, Bertrand ne travaille pas. Comme ça, j'ai le temps de me prélasser un peu, sans pour autant me sentir coupable. Toujours est il, que j'avais toujours ce colis-là, pour de la Roche Mottet, qui allait sûrement repasser, ce con. Alors, je me suis décarcassé pour remettre le tout dans un carton, bien comme il faut, avec son adresse et tout et tout. J'ai bien fait, il est arrivé, à 10h32, l'air sévère, le regard furax, enfin la totale, il m'a engueulé pendant 3 minutes, sans que je puisse placer un mot. C'est toujours comme cela, les bourgeois, ils se sentent obliger de ne pas vous laisser parler, pour l'air supérieur, surtout quand on commande des tenues en cuir, et menottes. J'ai souri, un peu tout de même, enfin, pas longtemps, ça me tiraillait un peu sur le visage. Il le savait pas lui, Bernard Menez. Je lui ai fait signé, le reçu, il a pris son colis, et hop, disparu, ni merci, ni au revoir, c'est comme cela, les bourgeois, ils se sentent obliger de vous mépriser. Ça doit pas toujours être facile, vous me direz. Pas une sinécure, loin de là même.

 Ce coup-ci, Marie, m'a appelé, sur mon portable, je commençais vraiment, à ne plus rien comprendre, du tout. Qu'elle se soit planté de numéro, sur mon fixe, je veux bien accepter, mais que là, sur le portable, ça faisait un peu too much. Surtout pour me dire, cela, des trucs pas folichons, et tout, des banalités banales, dans un supermarché, entre les lessives et les couches culottes. J'entendais Gerard Klein, derrière, si si, je vous le jure. Comme quoi j'abusais de ne pas la rappeler, qu'elle se faisait du souci, plein. J'ai appelé Simon, puis Jean...bezett, personne ne connait de Marie, d'ailleurs, un prénom ridicule, selon eux...pas tort. Tout de même.
Bertrand a pointé le bout de son nez, vers 14h30...demie heure de retard, et le regard alcoolisé. Pas le moment, de déconner, non! Il n'arrête pas de ruminer, d'engueuler les gens...pas bien, pas bien, le Bertrand. Dois je tenter...un ptit et toi comment te sens tu...bien placé, après une tirade égocentrique de mon faux malheureux week-end end....et qu'il m'engueule aussi. Voilà, voilà, il faut toujours quelqu'un pour couper court à mon altruisme. Zut et flûte de champagne. Si ça se trouve, il a perdu son chat, pendant le week-end end, l'a cherché partout le minou, et hop, dans un refuge...un bar.

 Nobody knows. Enfin, il m'inquiétait un peu, ce n'est pas que je l'aimais tant que ça, mais, à force de se retrouver dans un box...ça créé une certaine compassion. Si si, je suis plein de compassion, moi, Ô lecteurs, même pour vous, de me lire, de me laisser raconter mon destin de postier, et tout. Sans broncher, sans me dire que c'est ridicule.
Vous en remercie profondément, et sincèrement, d'ailleurs. Finalement, ça me botterait bien, moi cela, de suivre le chemin de l'autre, dans un bar, à boire jusqu'à la boue, jusqu'au bout...juste comme cela, sans désespérance, sans joie. Boire, s'enivrer...Et je m'engouffre, Au bar du château...lieu si rassurant, en soi. Bien en tout, et les bières se sont mises à dégouliner. J'ai envoyé un message à Sara, pour qu'elle vienne. Sans réponse. Je me suis rabattu sur Stéphanie. Sans réponse. J'ai abandonné, et Jean est venu. Finalement, c'est lui qui a tout compris. J'aurai peut être du m'y mettre moi aussi, à aimer les hommes, à m'aimer, tout simplement. Ouais, ouais...faudra que je vois cela. "Pourquoi?" je lui ai lancé, comme cela. Je n'avais jamais pensé à lui demander, cela, je le voyais, je le savais, homo...je n'ai jamais cherché à comprendre, à réaliser, un fait établi..juste. Et le silence...ensuite. Petit, mais tout de même. Je m'en suis tout de suite voulu, je ne le regardais plus, lui, juste le verre qui se vide de son sang.

 Et nous avons fini saouls comme chaque soir, comme chaque nuit, à gueuler dans les rues chics de ce Paris perdu, « Les bourgeois c'est comme les cochons plus ça devient con, plus ça devient.... », tagguer au POSCA les 4x4 de ceux contre qui on gueulait. Rue des trois frères, sur le retour. « Parce que j'ai trop souffert avec les femmes » qu'il me balance comme cela, Jean. « c'était la réponse à ta question de tout à l'heure, dans le bar ». Désemparé.. « Mais c'est pas une réponse ça! Franchement, ça t'arrive aussi de souffrir avec des hommes, c'est n'importe quoi!! » Rigolant. « Mais ce que tu comprends pas c'est qu'avec les hommes je n'attends rien de bien grand...donc, bien sûr je souffre, mais à ptite mesure, par rapport à tout le bazaar des femmes, c'est rien, c'est ridicule même, total! ».Perplexe mais convaincu. « T'as peut être raison au final...Je me suis toujours posé la question... » « Je t'arrête tout de suite...tu ne l'es pas du tout et tu aimes beaucoup trop souffrir pour! »... et on s'est mis à rigoler comme des cons, tout fort, la rue déserte, et les chiennes savantes de pigalle qui dorment déjà.

 La porte a claqué derrière moi, le silence dedans. Juste la lumière du répondeur qui s'était mise à clignoter dignement, Marie, encore....bien sûr. Toujours. J'ai hésité un instant. Et la touche rappel enfoncée. Une sonnerie. Deux sonneries. Trois sonneries. Sa voix qui m'arrivent. Le silence. Se trouver con. Et bafouiller enfin quelques mots. « Bon...bonsoir, euh, je vous appelle because depuis quelques temps, vous me laissez des messages...c'est un peu ennuyant...non pas vos messages, hein...juste parce que je crois que je vous connais pas. Ça me perturbe. Vous voyez quoi? Surtout que vos messages sur mon portable ET sur mon fixe, ça m'intrigue.. » Le petit silence. Et un grand rire énorme comme un baobab (si si ça existe!). « Han, mais tu te fous de moi? C'est ça? T'as encore bu comme un ours toi!!! » Je ne comprenais plus rien, là enfoncé dans mon fauteuil, les éléphants valsant dans mon esprit...qui est elle... « Bon, bon c'est vraiment très ennuyeux tout ça....je ne vous connais pas... » Un silence, encore. « Moi je te sais! » Et qu'elle raccroche ensuite....Le vague absolu. Mon petit esprit et la tequila qui s'est remise à emporter cette tempête en moi, ce non sens de la vie, cette mélancolie qui me colle au corps depuis toujours, cachée derrière ma cwonnerie. Comme quoi je me suis jamais senti adapter à la vie que je mène. Trop petit tout ça. Et je me suis mis à chialer, chialer tout entier. Et sans cesse. Je pissais des larmes sur le bouquin que j'avais essayé d'ouvrir juste avant, à vouloir tout arrêter. Net. Sécher le machin. Et me relever. Mais rien n'y a fait, tout ça a continué. Flux ininterrompu de ce temps qui manque. Le sursaut dans mes yeux embrumées. La sonnerie du téléphone. Que je décroche...alors. Elle bien sûr. « Douce nuit mon cher » voilà tout, rien que ça . Et raccrochée. M'endormir assommé et bavant devant le téléviseur.

 Dégueulasse en tout. En rien. Les barbares peuplant mes rêves. L'invasion pourtant si belle.

  Je suis arrivé le lendemain avec un ptit quart d'heure de retard, mon super chef m'a engueulé. Je lui ai rigolé dans les narines. Et ai été vomir ensuite. J'étais là, devant une vielle horrible, bien répugnante, à ne pas l'écouter, en rien. « Excusez moi madame... je vais pas pouvoir vous aider, je suis chauve. » Son regard destructeur. Et j'ai sauté par dessus mon tit comptoir. Couru...énorme! Jusqu'à l'épuisement. Jusqu'à me retrouver en Ouzbékistan. Enfin si j'avais pas téléphoné avant de partir à cette fameuse Marie, en lui donnant rendez vous dans 10 minutes dans le rayon boucherie du super U de mon quartier.

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