Voyager
La voiture file dans la nuit, l'asphalte se dérobe sous les roues.
Depuis cent soixante treize kilimètres, ils ne se disent rien, juste se tiennent la main, le levier de vitesse pour alliance. Ils ne se disent rien, mais parlent leurs corps, suent l'amour et la fornication. Ils n'avaient pas prévu de voyager cette nuit, ils n'avait pas prévu de partir.
Lorsqu'elle est revenue de son boulot, lorsqu'il l'a vue revenir de son boulot, son visage derrière la porte ; l'évidence ne s'est pas faite attendre.
Il y avait sur son visage l'air usé de ceux qui ont vu, qui n'ont pas pu, qui n'en peuvent plus.
Ce genre de choses arrivait aléatoirement depuis quelques mois. Comme une soupape de sûreté qui cracherait aussi haut que possible, ils embarquaient un sac dans la voiture et filaient ainsi, aussi loin que possible, aussi loin qui le fallait.
A la radio, ils diffusaient du Nolwen Leroy lorsque la seat heurta le poteau électrique.
Le fracas cessa net quelques millisecondes plus tard. Les deux corps pleuraient le sang chaud, les yeux gorgés d'amour se cherchaient, ne se quittaient plus. Ils restèrent comme ça quelques minutres encore immobiles, à se jauger, à savoir si ils étaient encore vivant.
Le froid nocturne, humide et cinglant, remplit peu à peu leurs corps d'un blanc étincellant. Eux n'osaient toujours pas parler.
Lorsqu'ils finirent par s'extirper de la carcasse en grinçant tout à fait, des rires éclatèrent au milieu de la vallée, au milieu de la nuit.
Ils étaient vivant, heureux, amoureux
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