103XP

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Sur ma 103 Xp, je me promène dans les ruelles acerbes de Lorient. Lorient est triste comme une aspirine trempée dans du café au lait avarié depuis que Mathilde ne me donne plus de nouvelles. Mathilde a décidé autre chose pour sa vie que finir avec un croupion comme moi. Elle me l'a fait savoir. Et puis, bien qu'elle me l'a fait. Je la comprends, en même temps, mais p'tain ça fait mal, ça m'retourne les neurones. Je me sens depuis comme une poule dans un supermarché de Nontron, coursée par mille-deux clients dans les coursives.Condamné ! Mathilde et moi, nous nous étions rencontrés, là, enfin à quelques mètres d'ici. Elle était jeune, j'étais déjà vieux. Ou l'inverse, je ne sais plus très bien. Elle promenait son cochon, je cherchais une pièce de monnaie de collection dans le caniveau. J'avais relevé la tête lorsqu' Souvanouphong me versa sa truffe sous le nez. Souvanouphong, c'est le petit nom de son cochon, en hommage...Je me souviens très bien du comment ça m'avait tourné la tête. Quand je l'ai vu. Dans mon cadre. Jogging adidas marron et lunettes de soleil roses. Sourire blanc. Elle ne m'a pas trop laissé le temps de m'en remettre, à l'époque. Elle m'avait souri, j'avais éructé. Souvanouphong m'a pris pour un de ses collègues. S'excuser et la laisser filer en me remettant la truffe, enfin je veux dire le nez dans le caniveau à chercher cette foutue pièce de 1976, éditée à 200 exemplaires, la tête de Michou dessus.Puis elle était repassée, je venais juste de me résigner. Elle m'a proposé un café, nous avons bu jusqu'à la nuit. Puis, jusqu'au jour. Sans retenue. Des canettes à partir de 2 heures du matin. Nous nous sommes promenés, comme ça, le long du bitume, la poignée du peugeot au taquet. Sautés les trottoirs,bousculées les poubelles pleines. Elle, moi, et Souvanouphong sous son manteau. Nous avions peut-être un peu trop bu. L'ice tea pêche au printemps à Lorient, ça peut faire mal. Droits dans le mur. Que nous allions. Que nous sommes allés. Triple fracture du pouce pour elle, traumatisme de l'auriculaire pour moi, peanuts pour le cochon. Vindiou. Que nous en avons ri, ensuite. Je veux dire du temps que nous nous sommes mis à nous aimer, ensemble. Du moins. L'autre a ri, aussi, le cochon jusqu'au jour où il n'a plus ri. Elle l'avait égorgé comme ça, dans un coup de folie, avec un fil à couper le beurre. Le sang encore chaud avait l'odeur du sang encore chaud dans la cuisine. Il n'y avait plus de musique. Elle était là, assise, à pleurer et à rigoler en même temps. Me regardait de temps en temps. Mais pas plus. Merde, ce que ça fait mal quand ça s'écroule. Huit mois d'Amour, effacés en un coup de fil à couper le beurre. Casse-toi pov'con qu'elle m'a dit. "Je te déteste ! Je t'ai toujours détesté ! sale porc !" Sale porc ? Je n'ai jamais compris ce qu'il lui avait pris exactement ce jeudi 26 mars, au 3 rue Base-en-dix, à 17 h 34. Je n'ai jamais cherché, non plus, remarquez. Toujours est-il que je me suis barré, net avant de me prendre un coup de poêle dans la che-tron.

Depuis...depuis...j'erre, je cherche du regard, de temps en temps, dans la ville, une fille qui pourrait lui ressembler. Je m'emmerde. Je m'ennuie. J'ai arrêté de chercher cette foutue pièce. J'ai d'ailleurs tout arrêté. Sauf les fleurs. Enfin. Les roses. Jaunes. Les roses. J'en lance une chaque jour, dans le port, à 17 h 34. Ca me ruine. Mais ça m'éclate. Vraiment ! Je veux dire. Je prends une tête de colonel solennel. Je regarde autour, puis droit devant l'horizon. Lis un poème à haute voix. Toujours le même. Paul Eluard. Le sourd et l'aveugle

Gagnerons-nous la mer avec des cloches
Dans nos poches, avec le bruit de la mer
Dans la mer, ou bien serons-nous les porteurs
D’une eau plus pure et silencieuse ?

L’eau se frottant les mains aiguise des couteaux.
Les guerriers ont trouvé leurs armes dans les flots
Et le bruit de leurs coups est semblable à celui
Des rochers défonçant dans la nuit les bateaux.

C’est la tempête et le tonnerre. Pourquoi pas le silence
Du déluge, car nous avons en nous tout l’espace rêvé
Pour le plus grand silence et nous respirerons
Comme le vent des mers terribles, comme le vent

Qui rampe lentement sur tous les horizons.

Inlassablement, depuis 564 jours, avant de la jeter dans le Blavet. A me demander où elles s'en vont. A me demander, si un gonzue la retrouve sur une plage ce qu'il en penserait, si il se demanderait d'où qu'elle vient et tout le tintouin. Ca passe le temps, ça attend.

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