La fille
" Nous sommes patients..."
Et nous sommes efficaces.
Il y eut des mains fracassées, des épaules disloquées, des ongles arrachés...
Il y eut des nuits et des jours sans sommeil, nu dans le froid des cellules...
Il y eut les questionnements, sans cesse répétés, et les gifles à en briser des mâchoires...
Il y eut des chasses à l'homme, des captures couvertes de succès et des échecs vertement réprimés.
Il y eut enfin LA piste !
Et ce fut le début.
La chaleur collait la chemise au corps. C'était désagréable au possible mais la journée avait été longue. S'octroyant une cigarette, il se permit une pause.
Un café.
Quelques instants de vide pour son esprit sans cesse agité.
Mais à peine avait-il fermé ses yeux, si fatigués, qu'on frappa à sa porte.
La paix était illusoire.
Sans attendre de réponse, on entra dans son bureau et il eut le déplaisir de voir son adjoint le plus proche.
L'homme était extatique et arborait un sourire béat qui le rendait niais.
Plus que d'habitude !
Ce qui était un bel exploit.
" Les hommes sont enfermés dans les cellules mais il y a aussi des femmes ! Trois !"
Il ne répondit pas, il préféra fumer en attendant la suite que ce libidineux collègue allait lui proposer.
" Avec les camarades, on va les voir. On s'était dit que, peut-être, vous voudriez..."
Il n'aimait pas son camarade, il n'aimait pas ces gens avec lesquels il était obligé de travailler. Dévoyés, ivrognes, stupides.
" Non," fut sa seule réponse.
Froide et sèche, comme il se devait.
" Allez ! Vous n'avez pas pris de repos depuis des jours. Vous avez réussi à trouver la piste de XXXX. On s'occupera de ces salopards demain mais les filles..."
Il ajouta en souriant :
" Vous méritez bien...
- Il ne s'agit pas de ce que je mérite ou pas, claqua l'officier supérieur à son adjoint. Je vous laisse vous empiffrer et violer des gamines. J'ai mieux à faire !"
Il fallait dire à sa décharge que le camarade était insistant. Il se pencha au-dessus du bureau de son officier et murmura, tentateur :
" La plus jeune a 15 ans."
Cela l'intéressa. Il dressa l'oreille et demanda :
" 15 ans ?
- Et vierge ! Une belle soirée en perspective, non ?"
Un regard rempli de luxure et de volonté de nuire, mais l'officier supérieur ne voyait pas cela.
Il entrevoyait une possibilité.
" Très bien, admit-il. Je veux la fille mais je la veux ici dans mon bureau et pour moi uniquement."
Le collègue fut déçu puis il acquiesça.
Ce fut cette même nuit, alors que l'aube n'était plus très loin, que les deux officiers se retrouvèrent.
Pour une cigarette.
L'aspect de l'officier chargé des interrogatoires était impressionnant. Jamais on ne l'avait vu si débraillé, veste d'uniforme ouverte, chemise froissée...
Ses cheveux, si bien peignés habituellement, glissaient dans tous les sens.
Il fumait tranquillement.
Son collègue n'était pas mieux, le plaisir encore chaud dans les tripes, il se sentait bien. Il se sentait le maître du monde !
Comme il se devait !
" Alors la gamine ?, demanda l'homme.
- Elle fut...utile...," reconnut l'officier.
Et ce faisant, il approcha la cigarette de sa bouche et les taches de sang qui constellaient ses mains, ses poignets furent visibles.
" Utile ?, s'amusa l'indécrottable bavard.
- La gamine avait 15 ans, elle était encore jeune et tendre.
- Tendre ?, se mit à rire l'adjoint du bourreau.
- Elle s'était nécessairement rapprochée de la mère et de son enfant."
Et la compréhension fit disparaître le sourire narquois.
" Ha ! La femme et l'enfant de XXXX. Vous avez quelque chose ?"
Ce fut à son tour de rire.
" Nous avons toujours quelque chose !"
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