Comme chaque soir, à l'aube du sommeil, elle toqua à la porte. Ou devrais-je dire, elle la fracassa. Ses entrées, autrefois si spectaculaires, ne m'inspiraient désormais que de la résignation. Comme depuis maintenant plusieurs semaines, j'avais cessé de lui adresser la parole. Et elle avait fait de même suite à mon silence obstiné.
Tristesse était belle. Magnifiquement belle. Je ne saurai vous décrire sa beauté tant elle est perturbante. La première fois que je l'ai vu, ses yeux m'ont envoûté. Et comme son nom l'indique, j'ai été horriblement triste. Bouleversée même, au point que je me suis mise à pleurer. Pleurer comme je ne l'avais pas fait depuis des années. Silencieusement, face à elle jusqu'à ce que le sommeil m'emporte.
A mon réveil, elle n'était plus là et je me suis donc dit que ça ne devait être qu'un stupide rêve. Quelle fût ma surprise quand je la vis revenir chez moi, le soir même, puis le lendemain et ainsi de suite.
Tristesse ne m'inspire plus grand chose. Hormis un vide et une fatigue infinie. J'ai l'impression de parfois sombrer, de tomber dans ce trou béant qu'est le vide et Tristesse me regarde depuis là-haut, avec pitié. Comme un vulgaire animal blessé au bord de la route.
J'aimerai la haïr mais toute force m'a quitté. J'aimerai la jetter dehors et lui hurler de ne jamais revenir. De lui crier que je n'ai jamais voulu d'elle, que je suis fatiguée de cette routine, de sa présence, de tout.
Mais comme chaque soir, je la laisse s'allonger et je la regarde. Je la laisse m'envahir et résignée, j'attends que Morphée vienne me prendre dans ses bras.