Chapitre 4
Frère François nous conduisit jusque sur les pentes de la Croix Rousse, non loin de la cour des Voraces. Là, il se gara sur un trottoir et nous emmena par une traboule jusque dans un dense et labyrinthique réseau de passages sinueux où l’on ne savait jamais vraiment si on était à l'intérieur ou à l'extérieur, sous terre ou en hauteur, dans un palais en ruine ou dans les prémices d’un bidonville. Il nous fallut ensuite escalader les marches fissurées d'un bâtiment en apparence abandonné avant d'arriver devant l'entrée du logement de notre sauveur.
"Bienvenue dans notre humble repaire : Le monastère de la traboule !" Annonça fièrement ce dernier en en poussant la porte branlante et sans serrure.
Humble, c'était le mot. Le monastère était un squat froid, vétuste, poussiéreux et mal éclairé. C'était un grand appartement au plafond particulièrement haut divisé en quatre pièces : une cuisine, une chapelle, une chambre et un atelier dans lequel un petit moine ventripotent, lunettes sur le nez, bricolait un curieux assemblage de rouage sans même sembler remarquer notre arrivée. Des objets en tous genres étaient entassés de façon anarchique un peu partout et des crucifix, des armes de collection, des portraits de Rosa Luxembourg, de Bob Marley et de Jésus se partageaient les murs de cette curieuse demeure.
"Il faut que j'aille garer mon carrosse à Gerland avant de revenir en métro. Faites-vous un café ou un thé en attendant, il y en a dans la cuisine. Si vous avez froid il y a un tas de vêtements là-bas, vous trouverez sans doute quelque chose à votre taille. Si vous voulez refaire le pansement de madame, il y a une pharmacie dans la chambre. Faites comme chez vous !"
Sur ces mots, il s'en alla. Nous laissant seul avec la crasse et l'étrange bonhomme qui, penché sur son établi, continuait de manipuler son étrange création.
"C'est quoi ce délire..." Souffla finalement Angela. "J'en ai plein le cul de ces conneries, je veux rentrer chez moi..."
"Pas une bonne idée." Commenta le moine obèse sans quitter son ouvrage des yeux.
"Hein ?"
"Si vous rentrez chez vous, ils vont vous retrouver, et s'en prendre à vos familles. Vous devez rester ici."
"Rester dans cette décharge ? Et jusqu'à quand ?" S'insurgea Angela.
"Je sais pas. Frère François vous dira."
Il fallut quelques secondes à mon amie pour se calmer. Elle était épuisée, tant physiquement qu'émotionellement. Contrairement à moi, elle n'avait pas encore tout à fait compris qu'après les événements de la nuit dernière, elle ne retournerait jamais à sa vie d'avant. Je la fit s'installer sur un matelas qui traînait dans un coin puis j’ai fouillé dans la "pharmacie” pour y chercher de quoi la soigner. Les moines disposaient d'une quantité impressionnante de médicaments, pour la plupart périmés, destinés à soigner une multitude de maladies. Je n’eu pas de mal à trouver mon bonheur.
Je suis ensuite retourné auprès de Angela qui somnolait déjà. J'ai changé le pansement de son moignon, mais aussi celui de son oreille et des nombreuses coupures qu'avaient laissées la séance de torture qu'elle avait enduré. Utilisant la voie veineuse toujours branchée à son bras, je lui ai ensuite administré des anti-douleur, un somnifère et un médicament pour limiter les saignements avant de lui brancher une poche de soluté. J'ai emmitouflé son corps dans des draps pas trop sales qui traînaient ici et là et je l'ai laissée se reposer.
Je suis allé me préparer un thé dans la cuisine. La pièce ressemblait à un mix entre une épicerie et un restaurant : il s'y trouvait une dizaine de frigos et de glacières, des étagères pleine à craquer de conserves périmées, toute une collection de casseroles rouillées et plusieurs fours et réchauds à gaz. J'ai choisi une infusion parmi les nombreuses disponibles, puis je suis retourné une tasse dans chaque main auprès de la jeune fille qui ronflait bruyamment. Au-dessus de sa couchette était suspendu un poster représentant un christ à la peau mat et aux cheveux bouclés, le sourire aux lèvres et les bras grand ouverts. “Aimez-vous les uns les autres !” disait un texte blanc mal incrusté. Pendant mon enfance au Yémen, avant que l’absurdité du monde ne me fasse perdre la foi, mon prophète de l’Islam préfèré avait toujours été Issa Al-Masih, le fils de Mariam, l’incarnation de la parole de Dieu qui avait, par sa douceur et sa foi, adoucit le monde. Saadia, elle, lui préférait des personnages guerriers et puissants comme David ou Ali. Mon regard descendit sur Angela et j'eu un pincement au cœur à la vue de son visage atrocement tuméfié. Dehors le jour commençait à se lever et la lumière du soleil envahissait l'appartement par d’immenses fenêtres sans volets. Malgré toutes les incertitudes qui m’habitaient, j’étais au moins rassuré par le fait que notre poursuivant, si il était encore en vie, ne pourrait jamais nous retrouver dans cet endroit improbable perdu au cœur d'un labyrinthe urbain.
La porte de l'appartement s'ouvrit et un autre moine entra. A son imposante carrure, je compris que c'était frère Caïn, celui qui était venu à notre secours déguisé en Khadafi. Il me salua d'un signe de tête, puis tendit son immense mitrailleuse à son confrère bricoleur qui s'empressa de la démonter pour la nettoyer. Le colosse s'approcha ensuite de moi.
Si la colère avait eu un visage, ça aurait été le sien : un visage serré, fermé, couvert de cicatrice, un crâne et une barbe rasés de près au millieu dusquel brillaient deux yeux aux globes presques jaunes et aux pupilles d'une intimidante severité.
Il ramassa quelques couvertures qu'il balança sur un matelas non loin puis, sans un mot, me fit signe de m'installer. J'obéis sans protester. Avec une tendresse surprenante, il me borda, puis me salua d'un simple signe de tête avant de se rendre dans la chapelle.
Le sommeil ne tarda pas, la nuit avait été éprouvante, et pour la première fois depuis bien longtemps j'ai à nouveau rêvé de Saadia. Cette fois-ci, je parvenais à lui mettre un garrot avant qu'elle ne meure, mais l'homme à crête arrivait soudain et le lui enlevait sans que je puisse bouger. Il me laissait ensuite la regarder se vider de son sang, un sourire narquois sur les lèvres.
Il était un peu plus de huit heures du soir lorsque l’appétissante odeur d’aliments en train de cuire qui se dégageait de la pièce voisine me réveilla. me réveilla. Angela était déjà levée. Elle avait enfilé un sweat-shirt trop grand pour elle et, assise en tailleur sur sa couchette, elle regardait fixement le pansement entourant son moignon.
“J’ai plus de main Almir.” Lâcha-t-elle finalement, les larmes aux yeux”.
Il me paraissait en effet peu probable que la rafale d’AK-47 qui avait détruit la glacière la contenant ait laissée sa main en état d’être greffée. Avec tout ce qui s’était produit la nuit dernière, c’est seulement à son réveil qu’elle avait réellement pris conscience du fait qu’elle était désormais infirme.
Frère François nous proposa de nous joindre à lui et ses confrères pour le dîner. Ils avaient fait un peu de place sur la grande table au centre de l’atelier pour que l’on puisse s’y installer. On nous servit nos assiettes, puis les moines entonnèrent une prière avant de commencer à manger.
C’était délicieux. J’appris plus tard que tous les aliments que nos hôtes utilisaient pour préparer leurs repas avaient été récupérés dans les poubelles, souvent fermées par un cadenas, des restaurants et de grandes surfaces. Nous mangions des déchets volés, et c’était excellent.
“Passons aux choses sérieuses.” Déclara finalement François une fois notre faim apaisée et tandis que Caïn allait chercher le dessert en cuisine. “J’imagine que vous avez des questions, jeunes gens.”
“Oui quelques unes.” S’empressa de répondre Angela. “Par exemple : Vous êtes qui ? Qui c’est ce taré qui m’a séquestré et torturé ? Pourquoi il tenait absolument à retrouver ce putain de vase ? Pourquoi vous l’avez volé ? Pourquoi tout le monde pense que c’est moi ? Et qu’est-ce qui m'empêche d’aller au comico le plus proche pour vous balancer et réclamer une protection policière ?”
“Du calme, du calme…” Tenta de temporiser le moine. “Nous avons toute la nuit devant nous et il faut savoir prendre son temps pour répondre correctement à ce genre de questions. Commençons par la première : qui sommes-nous ?”
Il se leva de sa chaise juste au moment où Caïn apportait les assiettes de tarte aux pommes, puis déclara sur un ton théâtral.
“Nous sommes de nombreuses choses, nous sommes des hommes, nous sommes de pieux chrétiens, nous sommes une congrégation de moines Franciscains ayant réalisé que les prières ne suffisent plus et que le meilleur moyen de combattre le malin et ses nombreux serviteurs mortels, c’est de le faire les armes à la main. Nous sommes également la cellule locale d’une organisation internationale visant à accélérer la redistribution des richesses de ce monde : the Union of Transpartisan Organisations for a Powerful International Action, l’UTOPIA.
Le colosse poussa un long soupir en nous servant le dessert. Je compris que la tendance de François à s'emporter dans des discours grandioses était un vice connu et récurrent.
“Ca fait un moment que j’ai pas été au catéchisme hein, mais il me semblait que la religion chrétienne interdisait l’usage de la violence.” Commenta Angela.
"Très pertinente remarque jeune fille. Si la bible est très claire sur le fait que tuer est un crime, rien dans la parole des prophètes n'indique qu'utiliser des cartouches de chevrotines modifiées pour tirer des balles en caoutchouc afin d'handicaper momentanément des mécréants soit un péché. Il s'agit là soit d'un oubli de la part du tout puissant, soit cela signifie que le seigneur n'y voit pas d'inconvénients. Ce serait du blasphème que de penser que notre très parfait créateur ait pu omettre de préciser un détail d'une aussi haute importance, c'est pourquoi je choisis de croire que cette seconde option est la bonne.”
J'ai haussé un sourcil : de toute ma vie, je n'avais jamais entendu une explication aussi alambiquée pour justifier la légitimité de l'usage des armes à feu. Je lui fit remarquer que la mitrailleuse que je les avais vu utiliser la nuit dernière m’avait paru tout à fait létale.
“Disons que Frère Caïn a une philosophie… Particulière.” Répondit François. “C’est un ancien enfant soldat de l’armée de la lumière du seigneur, un groupe de fanatiques religieux qui se livre à de nombreuses exactions en Afrique centrale. Il est persuadé d’être condamné à l’enfer en raison des crimes qu’il a commis et souhaite “rentabiliser” sa damnation en tuant, mutilant, torturant pour la bonne cause. Il pense que quelques péchés supplémentaires ne rendront pas plus brûlante les flammes de l’enfer et est prêt à tout faire pour servir la cause de Dieu. Si je ne cautionne ni n’encourage ses pratiques, je dois admettre que celles-ci sont efficace : il a par exemple à son actif la castration de plus d’une cinquantaine d'ecclésiastiques s’étant rendu coupables d’attouchements sur mineurs et le démantèlement de plusieurs réseaux de trafiquants d’armes. Ses anciens maîtres lui ont coupé la langue il y a des dizaines d’années, mais cela n'empêche pas Frère Caïn de répandre la parole divine par ses actes mieux que bien des prêtres avec leur voix.”
De ses immenses mains, le principal intéressé saisit sa part de tarte et la porta à sa bouche. Je n’eu aucun mal à croire ce que racontait François, il se dégageait de lui un immense aura de calme et de puissance mêlé. La savoir près de moi me donnait l’impression d’être protégé.
“Et donc, pourquoi vous avez cambriolé mes patrons ?” S’impatienta Angela. “Pourquoi ils pensent que c’est moi qui ai fait le coup et pourquoi ce putain de taré tenait à ce point à retrouver ce putain de vase ?”
“Redistribuer au peuple une partie des richesses que la bourgeoisie a acquise à ses dépens est à notre sens le meilleur moyen de lutter contre ces suppôts de satan que sont les capitalistes. La plupart d’entre eux n’en sont pas conscients, mais leur égoïste quête de richesse sert le Malin par la misère sociale et les catastrophes environnementales qu’elle provoque. Cela fait des années que nous cambriolons les nombreuses demeures secondaires des familles les plus riches du pays, tant afin de redistribuer le fruit de ces larcins aux plus miséreux que dans le but de priver les puissants d’une partie de leur richesse, et donc de leur pouvoir. La plupart du temps nous nous contentons de voler des couvertures, de la nourriture, des médicaments et quelques objets de valeur que nous vendons ensuite au marché noir pour financer nos activités, mais pour ce qui est des De Saint-Amour, vos employeurs, ce fut différent. Nous nous sommes rendus chez eux pour nous emparer d’un objet précis, un objet ayant une valeur inestimable à leurs yeux, tellement précieux qu’ils ont été jusqu’à faire appel à leur plus féroce mercenaire pour les aider à le retrouver : Gald la Hyène.”
Entendre ce nom me fit frissonner. C’était donc ainsi qu’il s’appelait.
“J’ai souvent entendu parler de cet individu mais, avant la nuit dernière, je n’avais encore jamais eu le malheur de croiser sa route. On ne sait pas grand-chose sur lui, sinon qu’il est le chien de garde préféré de la bourgeoisie. Il est très réputé parmi les puissants de ce monde pour son efficacité, son absence de scrupules et sa roublardise. Cet homme n’a pas de morale, pas de conscience politique, pas d’ambition autre que celle d’encaisser sa prime après chaque meutres avant de tout dépenser en drogues, en alcool, en prostituées et en jeu d’argent. Il est l’esclave qui fouette ses semblables pour une ration supplémentaire, le bagnard qui active la guillotine, un traître à sa caste ignorant avec un don pour la violence. Il a échappé à Frère Caïn, mais son heure viendra bientôt.”
Il me fallut quelques secondes pour digérer l’information : l’homme à crête et aux longues bottes était en vie. Il était quelque part, dehors, à nous chercher.
“Et pourquoi est-ce que ce type est à ce point persuadé que c’est moi qui ai volé ce… Ce truc là ?” Demanda encore Angela.
“Je dois admettre que nous avons notre part de responsabilité là-dedans… Les talents exceptionnels de Frère Pierre” il désigna de la tête le troisième gros moine “en matière de sécurité nous ont permis d'accéder à leur appartement sans déclencher l’alarme et sans la moindre effraction. Il est par conséquent persuadé que le coupable est quelqu’un qui avait la clef du logement, ce qui est votre cas. Qui plus est, le fait que vous ayez profité de notre larcin pour vous servir à votre tour dans les biens de vos employeurs ne joue pas en votre faveur, et comme nous n’avons pas jugé nécessaire de percer le coffre fort des De Saint-Amour, car nous savions que l’objet que nous cherchions ne s’y trouvait pas, mais était seulement caché à l'intérieur d’un banal vase, ils pensent que le vol était sans doute l’oeuvre d’un cambrioleur amateur. Tous ces éléments ont amené Gald à penser que c’est vous, jeune fille, qui avez volé ce vase et son précieux contenu.”
“Je vois très bien de quel vase vous parlez.” Fit Angela. “Il est hyper moche, tout petit, et planqué au sommet d’une commode. Je l’aurais jamais vu si j’avais pas fait la poussière là-haut. Je vois pas pourquoi quelqu’un aurait volé cette merde, ni ce qu’il peut bien contenir d’aussi précieux.”
Les trois moines échangèrent un regard.
“On ferait mieux de pas leur dire.” Conseilla Frère Pierre.
“Avec tout ce qu’ils ont traversé par notre faute, ces jeunes gens ont le droit de connaître la vérité.” Rétorqua fermement François.
Caïn acquiesça.
“Voyez-vous jeunes gens, les puissants de ce monde ont depuis toujours bien plus redouté la mort que nous autres petites gens. Sans doute savent-ils au fond d’eux qu’il leur faudra rendre compte pour les nombreux péchés qui ont contribué à leur richesse une fois leur heure venue. Après tout, notre seigneur et sauveur Jésus-Christ n’a-t-il pas dit qu’il serait plus facile pour un chameau de passer par le chas d’une aiguille que pour un riche d’entrer dans le royaume de Dieu ? Toujours est-t-il que, dès l'apparition des premières civilisations, les élites ont cherché à retarder autant que possible l'inévitable rencontre avec leur créateur. Le plus ancien récit connu à ce jour, l'épopée de Gilgamesh, nous conte par exemple l'histoire d'un roi summerien en quête d'immortalité. On ne sait pas qui des Egyptiens ou des Babyloniens furent les premiers à concevoir une pierre philosophale, cet outil qui, par le pouvoir de la transmutation, permet par exemple de changer le plomb en or et de prolonger la jeunesse. Un objet bien pratique qui aurait apporté beaucoup de bien à l'humanité s' il n’avait pas nécessité d’être rechargé avec des sacrifices humains. Quelques-uns des puissants souverains de l’âge de bronze parvinrent à en créer quelques-unes et la totalité du Moyen-Orient se mit soudain à chercher partout où ils le pouvaient des captifs à sacrifier. C’est cette folie meurtrière qui motiva les peuples antiques à se soulever contre leurs monarques et qui conduisit à l’effondrement d’une bonne partie des empires de l’époque. Les pierres continuèrent cependant d’être utilisées avec plus de précautions et de parcimonie, notamment par les puissants de la ville de Babylone et ce jusqu’à ce que notre Saint Messie, Cyrus le Grand, le légendaire fondateur de l’empire perse Achéménide, ne la conquiert.
Cyrus fut horrifié en découvrant l'existence des pierre et fonda un ordre destiné à traquer et à détruire tout ce qui se rapportait de près ou de loin à elles, afin que plus personne ne sache jamais comment les concevoir ou comment les utiliser.
On n'entendit plus parler ou presque de ces artéfacts démoniaques avant le début de notre deuxième millénaire de notre ère, lorsque Al-Hassan, le grand maître de l’ordre de Cyrus converti à la foi Ismaélite, décida d'utiliser les archives de son organisation pour fabriquer une nouvelle pierre, estimant que Nizar, descendant direct du prophète Muhammad, candidat à la succession de l'imamat et du califat Fatimide, méritait d'en posséder une. La situation a bien évidemment dégénérée en un terrible bain de sang qui ne s'est conclu qu'une fois que Saladin eut pris le contrôle de l'Égypte et restauré l'ordre de Cyrus, mais durant cette période, des textes qui auraient dû demeurer disparu ont refait surface. Certains sont arrivés entre les mains de croisés qui les rapportèrent en occident où ils se répendirent rapidement parmi les sociétés d'alchimistes. Quelques siècles plus tard, finalement, c'est un certain Nicolas Flamel qui parvint à confectionner une nouvelle pierre philosophale, pierre qui, après être brièvement passées entre les mains du célèbre Gilles de Rais, avait disparu des radars jusqu'à nos jours…"
Je n'essayerais pas de vous faire croire que je me souviens mot pour mot de ce que Frère François nous a raconté ce soir-là. Il m'a fallu me plonger dans plusieurs ouvrages ainsi que dans mes propres souvenirs pour écrire le texte que vous venez de lire, qui n'est qu'une reconstitution approximative de ce que le moine a réellement dit. Je me souviens en revanche très bien de la réaction qu'a eu Angela :
"...Putain !"
Il faut que vous compreniez que l'étrange et invraisemblable récit de Frère François représentait un bouleversement pour nous. Soudainement, les humbles jeunes défavorisés tout juste sortis de l’adolescence que nous étions somme devenus des acteurs d’une histoire vieille de plusieurs millénaires, à la frontière entre la légende et le vraisemblable et aux enjeux démentiels.
“Vous êtes en train d’essayer de me faire croire que Mr De Saint-Amour, mon employeur, avait dans son appart un truc de Harry Potter là ?” Reprit Angela. “Vous vous foutez de nous ? Vous êtes un genre de secte c’est ça ?”
Avec leurs étranges accoutrements moyen-âgeux, leurs histoires acadabrantesques et leur foi d’une ferveur peu commune, les moines ressemblaient à s’y méprendre aux membres d’un culte.
“Ça parait à peine croyable n’est-ce pas ?” Rétorqua François. “Je suis sûr qu’il y a plein d’autres choses que vous ne soupçonniez pas concernant votre patron. Savez-vous qu’à l’heure ou je vous parle, une de ses sociétés négocie déjà avec les taliban pour s’accaparer à moindre coût le cachemire afghan une fois qu’ils auront repris le pays ? Qu’il est de notoriété publique qu’il soudoie les autorités indiennes pour que les producteurs de coton qu’il emploie dans le Maharashtra continuent d’utiliser des pesticides hautement toxiques tant pour l’environnement que pour les salariés et les populations environnantes ? Qu’il a selon toute vraisemblance payé une bande de voyous pour qu’ils torturent, violent et décapitent une employée un peu trop syndicaliste d’une de ses usines au Bangladesh ? Il exploite pour une misère des ouvriers du tiers-monde à qui il fait produire des textiles de mauvaises qualité dans des conditions désastreuses pour la planète, puis revend ces même produits trois à quatre fois plus cher que ce qu’ils lui ont coûté à produire, et avec les immenses bénéfices qu’ils se fait, il achète des oeuvres d’art volées au marché noir et finance des organisation à moitiées nazies qui se revendiquent chrétiennes et catholique. Et le pire dans tout ça, c’est qu’une partie de ces dons sont déduits du peu d'impôt que ce fraudeur invétéré daigne payer en France car certains de ces groupes sont considérés comme des associations caritatives. Vous êtes vraiment surpris qu’un individu aussi abjecte que Artaud de Saint-Amour puisse chercher à se procurer un artéfact occulte qui lui permettrait de prolonger sa vie au dépend de celle de milliers d’autres ? On parle là d’un homme qui a donné son propre prénom à son fils aîné je vous rappelle !”
Je lui fit remarquer que si il avait réussi à nous convaincre de la nature sournoise du patriarche De Saint-Amour, nous n'étions toutefois pas crédules au point de le croire sur parole quand à l'existence d'un objet magique comme la pierre philosophale.
"J'imagine dans ce cas que vous êtes athé ?" Supposa Frère Pierre la bouche encore pleine de sa troisième part de tarte et une pointe de mépris dans la voix. "Vous êtes du genre à ne croire qu'en la science pure et dure, hein ? A ne pas admettre l'existence de phénomènes magiques ou divins, mais par contre je suppose vous croyez aveuglément en des mythes comme la méritocratie, la main invisible d'Allan Smith ou même la théorie du ruissellement. Lorsque les scientifiques vous disent que quatre-vingt-dix-neuf pourcent de votre propre corps est composé d'un vide dans lequel flottent des microparticules électriques, lorsqu'ils vous expliquent que les petites étoiles que vous voyez briller dans la nuit sont sont en réalité de gigantesques boules de feu souvent plus grosses encore que notre soleil, vous les croyez sans vérifier. Vous accorderiez-nous plus de crédit si nous portions des blouses blanches et avions fait de longues études ?"
"Frère Pierre a des convictions peu conventionnelles." Le coupa François, visiblement embarrassé par son confrère. "Je comprends tout à fait que vous puissiez avoir des doutes lorsqu'une bande d'inconnus vous affirment sans aucunes preuves des choses aussi invraisemblables, je veux juste être sincère avec vous. Il faut simplement que vous sachiez que des gens mal intentionnés pensent que vous avez volé un objet très précieux à leurs yeux et qu'ils seront prêt à tout pour le retrouver."
"Et qu'est-ce qui nous empêche d'aller voir les flics pour leur dire que c'est vous qui avez fait le coup ?" Demanda Angela sur un ton de défi.
"Et bien quatre choses à vrai dire : La première c'est que vous êtes une jeune femme racisée issue d'un milieu populaire, avec un casier judiciaire et ayant réellement volé une partie biens de votre patron. La deuxième, c'est qu'avant d'avoir massacré une dizaine d'agents de police et de soignant, Gald la Hyène a prit le soin de couper toute les caméras de l'hôpital et comme il n'a laissé aucun témoins en vie, vous êtes les principaux suspect dans ce carnage et vous n'avez aucune preuve de votre innocence. La troisième, c'est que l'unique raison pour laquelle votre poursuivant n'a pas encore prit vos familles en otage c'est qu'il pense que vous avez été enlevé par un groupe employé par d'autres bourgeois qui veulent vous interroger pour savoir où vous avez caché votre butin. La quatrième et dernière raison, et pas des moindre, est que pour que Gald ne vous laissera tranquille qu'une fois qu'il aura trouvé ce qu'il cherche et malheureusement, cette pierre, nous ne l'avons pas. Lorsque nous avons cambriolé l'appartement des De Saint-Amour, le vase avait déjà été volé.
Annotations
Versions