Mystère 2: Papi fait de la résistance - suite et fin
Alexandre parcouru les documents contenus dans le dossier en s’attardant particulièrement sur une lettre. La lecture de celle-ci achevée, il monta quatre à quatre les marches de l’escalier pour saisir son téléphone et appeler Cannelle. Répondeur.
Pourtant, il fallait absolument qu’il lui fasse part de ses découvertes : Il venait d’apprendre que Lancient, avant d’être chercheur pour l’entreprise Protectil, avait été, pendant de nombreuses années, professeur à l’Université. Grace à cet emploi, il avait accès aux laboratoires de l’établissement pour poursuivre ses recherches sur les Méta Matériaux. Ce terme était totalement inconnu du médecin, en revanche la notion d’invisibilité qui y était associé lui parlait beaucoup plus et l’avait incité à continuer sa lecture.
D’après ce qu’il avait pu comprendre, Lancient avait poussé ses recherches bien au-delà de ce qui avait été fait jusqu’à lors et avait même crée un sérum qui, combiné à des rayons particuliers, pourrait, en théorie, rendre un homme invisible. La lettre qui l’avait tant interpellé était celle d’un de ses laborantins qui avait découvert que le professeur s’injectait régulièrement le sérum. Il l’avait alors dénoncé à la présidence de l’Université, qui l’avait congédiée.
L’invisibilité. Et si Lancient avait réussi son coup ?
Le jeune homme referma le dossier avec une telle nervosité qu’il s’éparpilla sur le sol et c’est en le ramassant qu’Alex découvrit une carte sd. Sa curiosité était à son comble lorsqu’il introduit la carte dans son ordinateur. La vidéo démarra presque immédiatement sur un monsieur Lancient rajeuni d’au moins vingt ans. Le peu de cheveux qu’il lui restait était en bataille, une barbe de trois jours recouvrait son menton et les cernes qui entouraient ses yeux témoignaient d’une extrême fatigue.
Il marchait de long en large de la pièce en marmonnant des choses inaudibles. Soudain, il fut troublé dans son manège par l’ouverture d’une porte, juste dans l’angle de la caméra. Un homme apparu alors et malgré les années perdues, Alexandre le reconnu immédiatement comme étant l’un des acolytes de Lancien aux Chardons Bleus.
— Mais enfin Barnabé, que t’arrives t’il ? Cela fait maintenant trois jours que tu es enfermé ici, s’inquiéta le nouvel arrivant.
— Gustave, je touche au but, je touche au but je te dis. Je le sens dans mes veines, répliqua Lancient en lui montrant les veines de son bras, violacées par des injections à répétition.
— Mon dieu, Barnabé, que t’es-tu infligé ? Perds-tu l’esprit ?
— Tu ne comprends pas, il ne me manque plus qu’à trouver quelle source d’énergie il me faut et je deviendrais le premier à le faire ! Je suis si prêt d’y arriver, mais tu ne devineras jamais…Ce petit con m’a balancé à la présidence.
— Quoi. Quelqu’un t’a vu ? Mais tu risques ton poste là. Qui est-ce ?
— Cédric. Ce petit merdeux m’a dénoncé, je suis convoqué demain. Ils vont confisquer tous mes travaux ou pire…Les détruire.
— L’ordure. Ton laborantin te balance pour prendre ton labo probablement. Mais quand je vois ton état, ce n’est peut être pas plus mal que tu t’arrêtes un temps.
— J’en étais sûr, tu es dans leur camp, salopard, sors de mon labo tout de suite sale traite, hurla Lancient en jetant sur son interlocuteur une rangé de tubes à essais.
Gustave, la mine déconfite, n’insista pas et sorti aussitôt. Enfin seul, Barnabé se tourna face caméra et s’avança vers elle tel un aliéné, au point qu’Alexandre eu presque envi de reculer de l’écran.
— Nous sommes le quatorze janvier mille neuf cent quatre vingt douze, je m’appelle Barnabé Lancient et quoi qu’il arrive, quoi qu’il m’en coute, je serais le premier homme…Invisible.
La vidéo se terminait ainsi mais Alexandre mit plusieurs secondes avant de pouvoir faire un mouvement. Le regard fou de Lancient l’avait choqué et finalement ce film n’apportait pas de réponses mais plutôt des tonnes de questions. Comme par exemple, qui avait transféré ce film sur carte ? Car en quatre vingt douze, les caméscopes étaient à cassettes.
Pourquoi voulait-on qu’il voit ce passage en particulier ?
Lancient devait aussi enregistrer ses expériences et pourtant il n’y en avait aucune trace sur la carte. Lorsqu’il la sorti de son ordinateur, il remarqua que la page du doc-spy-cotte.com était toujours ouverte. Par curiosité il y jeta un œil et vit que le fil de messages instantanés avait bougé, signe que de nouveaux messages avaient été postés. Étonné, lui qui pensait que jamais personne n’utiliserait cette option, il déroula le fil des conversations:
« lutin farceur 23h02: C’est pas vrai, l’alarme silencieuse de mon magasin vient de se déclencher. J’espère que ce n’est pas le gang des hommes invisibles ! La police devrait être là bas d’une minute à l’autre, j’y vais tout de suite aussi. »
« Cannelle 23h05: Quel est votre magasin ? »
« lutin farceur 23h06 : le magasin de prothèses auditives et d’optique près de la Mairie. J’y vais. »
« Cannelle 23h08: moi aussi»
Et moi aussi, pensa Alexandre tout en s’habillant.
Vingt minutes plus tard, le médecin arrivait près de la Mairie, là où les pompiers venaient de prendre en charge deux personnes sur des brancards. Il n’eu pas le temps de voir de qui il s’agissait mais il avait déjà sa petite idée.
En face de la devanture qui venait d’être fracturée, se trouvait Cannelle en compagnie de plusieurs policiers et d’un homme en civil qui semblait être le propriétaire des lieux, d’après son visage crispé. En voyant Alexandre s’approcher d’eux, la jeune journaliste vint à sa rencontre. Elle avait le regard qui pétillait. Indéniablement, un scoop était en vue.
— Duce ! Mais qu’est-ce que tu fais là ? lui lança t-elle.
— Ne m’appelle plus comme ça Véronica Mars et je te dis comment je suis au courant.
— Ok, ok j’arrête mais là, je te jure que c’est du lourd. Tu as vu les pompiers partir ? Et bien ils avaient à leur bord les deux compères de Lancient. Apparemment, ils se sont évanouis après avoir fracturé ce magasin.
— Je m’en doutais un peu pour être honnête, rétorqua Alex, volontairement mystérieux.
La mine intriguée de Cannelle n’avait pas de prix pour lui et il était hors de question qu’il poursuive son histoire avant qu’elle ne l’ai supplié.
— Bon allez, vas-y, Alexandre peux tu s’il te plait me dire ce que tu sais ?
L’intéressé lâcha un rire de satisfaction. Il allait alors expliquer ses découvertes à Cannelle lorsque le propriétaire du magasin vint à leur hauteur :
— Bon ben, ils n’ont rien pu prendre du coup. La porte d’entrée et quelques vitrines ont été forcées mais ça aurait pu être plus grave. Je dois me rendre au commissariat demain matin pour porter plainte contre les deux vieux. C’est pas croyable ! Comme ils ont été attrapés dans le magasin, la police ne m’a même pas demandé à voir la vidéo surveillance…finit-il un rictus aux lèvres.
— Allons-y ! Rétorquèrent en cœur ses interlocuteurs.
Laurent, le propriétaire, les fit entrer dans l’arrière boutique, là où se trouvait son ordinateur. Il lança l’enregistrement de la soirée avec appréhension et l’avança jusqu’à l’heure de l’effraction. Soudain, ils purent voir la porte d’entrée frémir puis s’ouvrir sans que personne ne semble être là. Ce fut ensuite au tour de deux vitrines d’exploser, toujours sans que quelqu’un semble intervenir. Les appareils auditifs et plusieurs montures de Lunettes se mirent à flotter dans les airs et là, deux rires d’hommes éclatèrent.
« Y a pas à dire Gustave, c’est poilant ! » purent-ils entendre.
« Ne m’appelle pas par mon prénom, imbécile ! »
« C'est la fête au village, les parents, les enfants, ont avalé leur potage… » se mit à chanter le second.
Les trois visionneurs se regardèrent, interloqués par ce qu’ils entendaient, avant de se rendre compte qu’une main apparaissait maintenant à l’écran puis, progressivement, tout un bras.
« Pour s'amuser, pour danser, pour chahuter… » poursuivit le chanteur.
— Oh my god, mais c’est quoi ces conneries, c’est immonde, je crois que mes yeux sont morts ! cria Cannelle, dégoutée.
— Ah non mais ça ce n’est pas possible, renchérie Laurent en tournant la tête.
« En chantant des airs bien de chez nous. Houhou...! » continuait le vieil homme en se trémoussant.
— C’est fou, Lancient a trouvé le moyen de rendre le corps humain invisible mais pas les fibres, ça doit être pour cela qu’ils sont nus, en déduit Alexandre, moins dégouté par la scène de part son métier.
Sans s’en rendre compte les deux voleurs avaient perdu leur invisibilité et donné ainsi à la caméra une scène surréaliste d’un vieil homme fripé se déhanchant nu comme un vers dans le magasin pendant que le second, tout aussi nu et fripé, vidait les vitrines. Alexandre, le seul des trois à pouvoir encore porter son regard sur la vidéo, pu voir ce dernier se retourner et réaliser que son compagnon était visible avant de s’effondrer en tenant sa poitrine.
— Cela semble être une crise cardiaque, lança t’il.
Puis le second se jeta à son chevet et s’effondra à son tour. Quelques minutes plus tard, la police arrivait sur les lieux.
— J’ai envie de pleurer tellement que mes yeux ont mal, dit Cannelle pour détendre l’atmosphère.
— Moi aussi mais d’un coté, cela faisait un moment que je n’avais pas entendu cette chanson, ironisa à son tour Laurent.
— C’est étrange, il semble que lorsqu’ils redeviennent visibles, ils fassent un malaise cardiaque. J’aimerai vraiment bien les examiner.
Alexandre prit son téléphone et s’éloigna du groupe pour composer le numéro de l’hôpital le plus proche, là où les deux voleurs devaient être transportés. Il revint à peine une minute plus tard, contrarié.
— Non mais c’est quoi cet hôpital, ils ne sont même pas au courant qu’on leur amène des blessés ! Ou alors les pompiers ont oublié de les prévenir…J’appelle la caserne pour voir.
Laurent et Cannelle s’approchèrent de lui, eux aussi interpelés par cette annonce.
— Comment ça personne ? Un de vos camions, avec quatre pompiers, vient de les emmener vers l’hôpital. Mais si. Je les ai vu je vous dis et les gendarmes aussi…Allo ? Allo ? Le visage d’Alexandre devint alors blême.
Il rangea son téléphone et se tourna vers les autres.
— Figurez-vous qu’aucun pompier ou camion de pompier n’est sortit ce soir, lâcha t-il.
— C’est une blague ? Mais on les a tous vu, s’indigna Cannelle. C’est vous Laurent qui les avaient appelés ?
— Non, c’est l’un des gendarmes, avec un drôle de regard…Il est parti tout de suite après d’ailleurs quand j’y pense, se remémora le propriétaire.
— Un gendarme avec un regard de psychopathe ? Ca me rappelle celui que l’on a vu aux Chardons Bleus, dit Cannelle en direction du médecin.
— Putain. Mais ça veut dire qu’on ne les retrouvera jamais …Et que les flics sont dans le coup en plus, réalisa ce dernier.
— Euh…Vous croyez que c’est crédible si je dis à mon assurance que j’ai été vandalisé par deux vieux exhibitionnistes invisibles ? demanda le propriétaire, sous les regards éberlués des deux autres.
ф ф ф
— Aaaah. J’ai mal.
— Ne t’inquiète pas Barnabé. Ce sont les produits que j’ai dû t’injecter. D’ici quelques heures, tu iras mieux.
— Bystruckla ? Mais, mais ce n’est pas possible, où suis-je ?
Lancient jeta un œil autour de lui et réalisa qu’il se trouvait dans une pièce blanche, extrêmement éclairée et pourvue en tout et pour tout d’un lit d’hôpital dans lequel il était allongé. Il regarda sur sa gauche ce qui semblait être une fenêtre et la fixa longuement pour tenter de glaner des indices sur sa localisation, mais il se rendit compte après quelques minutes qu’il s’agissait d’un décor et non pas d’une vraie fenêtre.
— Calme-toi, tout va bien. Tu as failli mourir d’une crise cardiaque mais j’étais là et je t’ai secouru.
— Non ! Je suis dans les sous sol, c’est ça ? insista le malade, suppliant.
C’est alors que le sas de verre derrière Bystruckla s’ouvrit.
— Ah, enfin ! Docteur Lancient…Barnabé…Comment vous sentez-vous ? demanda le nouveau venu. — Toi ? Mais comment ? Tu n’as pas bougé d’un pouce en vingt ans, c’est, c’est impossible.
— Tout comme nous pensions l’invisibilité impossible, Barnabé. Ce n’est pas bien de mentir à ses employeurs. Je croyais ton sérum inefficace mais tu as probablement oublié de nous préciser quelques détails avant de partir en retraite. Heureusement que nous gardons toujours un œil sur nos investissements.
— Mes employeurs ? Foutaise, je n’ai jamais travaillé pour toi ! Tu m’as dénoncé à la présidence, j’ai perdu mon emploi à cause de toi.
— Et tu as ensuite pu poursuivre tes recherches chez Protectyl…Le destin fait bien les choses n’est-ce pas ? Alors, comment as-tu fais ?
— Un coup monté, c’était un coup monté ? Je ne te dirais rien sale chien ! rétorqua Lancient, déboussolé.
— César ?
— Oui monsieur Cédric.
— Assurez-vous que notre ami Barnabé nous explique comment il a fait. Je dois m’entretenir avec ses compagnons de chambré, annonça t-il en tirant sur les manches de sa veste de costume.
Cédric s’éloigna ensuite du lit, laissant César gérer les protestations de Lancient. La porte automatique de verre s’ouvrit et il se retrouva dans un couloir tout aussi éclairé, avec de chaque côté des cellules de verre, identique à celle de Barnabé.
Tout en sifflotant, il fit quelques pas et s’arrêta devant une vitre.
— Gustave ! Vous souvenez-vous de moi ? Je crois qu’il faut que l’on parle tout les deux.
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