4. Préparation et questionnement.

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Après tout ce temps passé à se questionner sur ses origines, à souffrir de ses différences, Ephrem était content de savoir qu'il allait bientôt rencontrer ses véritables parents. La vie à Yggdol ne fut pas si pénible, au contraire, se fut même souvent agréable. Mais à part Mélusine et Selfyn, il sentait que les autres Elfes préféraient garder leur distance avec lui. Après tout, à choisir entre l'indifférence et l'hostilité, le choix d'Ephrem se portait évidemment sur l'indifférence.

La nuit avait jeté son beau manteau de velours piqué d'étoiles scintillantes sur Yggdol, et Ephrem était dans sa chambre, occupé à rassembler ses affaires afin de partir très tôt le lendemain. Très petite, sa chambre ne contenait qu'un lit, sous lequel il rangeait pêle-mêle ses vêtements, et parfois quelques petits objets. Sa chambre ne laissait pas deviner ses goûts et activités favorites. Aucune décoration sur les murs, des draps et couvertures grises, des vêtements sans motifs avec très peu de couleur...

N'ayant jamais entrepris de voyage, il n'avait aucune idée de ce que l'on devait prendre avec soi pour se garantir une expédition agréable et sécurisée. Alors il fourra tout ce qui était à porter de main dans son sac et s'estima satisfait, puis le posa près de son lit avant de s'y allonger sur le dos. À ce moment, Mélusine entra et lui demanda s'il voulait de l'aide pour préparer ses affaires. Il la remercia en montrant son sac au pied du lit et l'informa qu'il avait déjà tout préparé. Mélusine haussa un sourcil derrière ses fines lunettes aux montures vertes ouvragées en se disant qu'elle trouvait ce sac plutôt minuscule pour un voyage qui allait durer peut-être plusieurs semaines. Après l'histoire de Selfyn sur la venue des parents d'Ephrem à Yggdol, elle n'arrêtait pas de penser qu'Ephrem allait peut-être les quitter définitivement. Il avait de bonnes raisons pour cela. Cette pensée l'attrista, et elle savait qu'il en était de même pour leur père, qui s'était empressé d'aller dans sa chambre.

Mélusine avait pour habitude d'inventer des histoires de héros invincible qu'elle racontait à Ephrem, qui les écoutait toutes en bons spectateurs. Elle s'assit sur le lit, proche de lui, et commença l'histoire de Fairway, l'Elfe invulnérable ! Elle voulait faire plaisir à Ephrem en lui racontant cette histoire. En même temps, elle serait obligée de se concentrer, et ainsi elle oublierait sa peine. Du moins le temps que dureraient les aventures de « Fairway » ! Ephrem ne prononça aucun mot et ne pensa à rien pendant tout le temps que dura l'histoire de ce héros qui n'avait peur de rien.

L'histoire terminée, Mélusine se leva enfin, bâilla puis s'étira, et conseilla à Ephrem d'aller se coucher s'il voulait être en forme pour son aventure demain. Elle se pencha vers son frère et l'embrassa sur le front avant de se redresser rapidement, et sortit de la chambre. Elle n'était plus visible aux yeux d'Ephrem, qui ferma les yeux en pensant qu'il ne tarderait pas à faire de magnifiques rêves, peuplés de personnes heureuses de le voir, lui, le fils prodigue.

Au bout d'un certain temps cependant, il comprit qu'il n'arriverait pas à dormir. Il se demandait comment ses parents réagiraient quand il le verrait. Que penseraient-ils de lui ? Comment lui-même allait réagir quand il les reverra depuis tant d'années. Que devra-t-il leur dire et qu'est-ce qui sortira une fois le contact établi ? Il avait cinq ans quand ses parents étaient venus à Yggdol. Normalement il devrait se rappeler leur visage. Pourtant, il n'arrivait pas à les retrouver dans sa mémoire. Pourquoi ? Sa mémoire aurait-elle volontairement effacé toutes les données concernant ses véritables parents ? Dans quel but ? Les questions se succédaient dans sa tête en même temps que grandissaient doute, angoisse et malaise.

Dans sa chambre chargée de livres du sol au plafond, Mélusine se posait également des questions. D'abord elle se demandait ce qu'on pouvait bien ressentir quand on se retrouvait dans une situation pareille à celle d'Ephrem ! Comment se sentait-on quand on était entouré par des êtres différents de soi ? Ephrem aura-t-il envie de revenir une fois qu'il aura rencontré ses véritables parents et qu'il sera entouré de ses semblables ? Dans sa tête aussi les questions se bousculaient, mais en imaginant Ephrem en train de voyager, de découvrir le monde avec ses proches, elle fut envahie par la jalousie et l'envie. Elle était sans doute l'Elfe la plus curieuse d'Yggdol, et elle se rendit compte qu'elle voulait également découvrir le monde en dehors de celui-ci. Devant cette injustice qu'elle ressentait malgré elle, elle étouffa un cri dans ses épaisses couvertures vertes. Lasse, elle s'assit, enleva ses lunettes, les observa un instant, puis fut frappée par une idée qui de son avis était l'évidence même. Accompagner Ephrem dans son voyage !

« Oui ! chantonna-t-elle en se voyant déjà parcourir le monde à la découverte de ses innombrables merveilles. Je suis sûre que papa n'y verra aucun inconvénient si je lui annonce que j'accompagne Ephrem. De cette façon, il sera sûr qu'il nous reviendra. Nous pourrons veiller l'un sur l'autre, et en plus je pourrai satisfaire ma curiosité. Oui ! répéta-t-elle encore, tout excitée. »

De sa chambre, Selfyn entendait les bruits que faisait Mélusine, ce qui eut pour effet de le retirer de son léger sommeil. La perspective de voir Ephrem partir l'inquiétait beaucoup, mais il savait qu'il reviendrait, il l'avait lui-même garanti, et il préférait y croire. Il referma ses yeux, mais cette fois le sommeil ne vint plus. Il voyait des images de sa femme défiler dans sa tête. Une belle Elfe au visage fin et délicat. Il revoyait ses yeux pétillants remplis d'amour, et ses minces lèvres étirées par son éternel sourire. Elle aussi avait quitté Yggdol. Comme Ephrem, elle avait également dit qu'elle reviendrait. Elle avait dit que ça lui prendrait du temps, mais que tous les Elfes bénéficieraient du fruit de son voyage. Mais voilà, elle n'est pas revenue, et elle ne reviendra pas !

Alors qu'il tournait et se retournait sans cesse dans son lit, sans s'en rendre compte, sa respiration se faisait de plus en plus profonde. Il glissait vers le sommeil. Une voix féminine lui parla dans son esprit ! Cette voix, qui résonnait dans sa tête et semblait lointaine, comme des échos dans une grotte, lui disait de la laisser partir. « La ? répéta-t-il dans son esprit ». Il eut à peine le temps de se demander à qui ce « la » faisait référence, qu'il se sentit partir inexorablement, presque contre sa propre volonté, vers un sommeil qui s'annonçait profond et reposant.

Ephrem se prépare à un voyage qui pourrait bien changer le cours de sa vie, à la rencontre de ses véritables parents. Entre l'excitation de la découverte et l'angoisse de l'inconnu, il se demande ce qu'il trouvera de l'autre côté. Mélusine, quant à elle, oscille entre tristesse et curiosité, tandis que Selfyn se bat avec les souvenirs d'une promesse non tenue.

Ces moments de préparation et de questionnement sont souvent les plus révélateurs. Ils nous montrent combien le passé peut peser sur notre présent, mais aussi à quel point l'inconnu peut être à la fois effrayant et stimulant.

Et vous, avez-vous déjà ressenti cette ambivalence entre l'envie de partir à la découverte de nouvelles choses et la peur de ce que vous laissiez derrière vous ? Que choisiriez-vous entre partir à l'aventure ou rester dans un endroit familier ? Laissez vos réponses en commentaire, et partagez vos réflexions sur cette quête d'identité qui nous touche tous à un moment ou un autre...

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