3 - TROISIEME JOUR

Le troisième jour, à l’école, l’instituteur enseigna aux petits cloportes à se servir du télescope en bois. Nicolaï apprit que celui-ci permettait de distinguer nettement les microcosmes les plus minuscules. Immédiatement, il se dit qu’il lui en fallait un. Il demanda poliment la permission à son maître d’emprunter l’un de ceux de l’école, promettant corps et âme qu’il en prendrait grand soin. Devant son insistance, le professeur grandement surpris ne refusa pas mais rapporta la demande étrange à la mère de son élève, cherchant à découvrir quelles recherches celui-ci pouvait bien mener. La femelle cloporte ne put hélas pas le renseigner, mais lui assura qu’elle mènerait l’enquête.

Au lever du jour, Nicolaï prit bien moins de précautions que la veille pour simuler sa peur, tant il était pressé d’observer au microscope sa trouvaille. Son père fut ravi et sa mère suspicieuse mais elle ne dit rien.

Installant l’objet de science sur son bureau dans sa chambre de petit cloporte, Nicolaï parti chercher sa sphère et la hissa à son tour sur le panneau de bois. Il régla le microscope sur l’écart maximum et glissa sa découverte en dessous de la lunette. Il jeta un œil dans l’appareil et fit les derniers réglages afin d’obtenir une vision nette. Une fois celle-ci obtenue, il passa chacune des billes en revue, mais aucune ne lui réservait de surprises. Elles étaient exactement ce qu’elles paraissaient être : lisses pour la plupart, belles mais sans autres intérêts. Cependant, il avait gardé sa préférée pour la fin.

Et ce fut une révélation !

Non contente de s’être approprié le bleu et le marron le jour dernier, celle-ci adoptait maintenant de belles teintes vertes. Et, plus exaltant encore, une fois vu au microscope, sa surface se constituait de montagnes miniatures, de forêts, d’océans et de plaines. Extatique, le jeune cloporte régla le matériel sur sa puissance maximum et…fit un bond en arrière.

Il resta un moment à terre, parfaitement horrifié : il y avait des Etres qui se mouvaient sur sa bille.

Il regagna sa place à petit pas et contempla son installation d’un œil méfiant. Mais, même si cette vision n’était que le fruit d’une trop grande imagination et d’un manque de sommeil, il se devait de vérifier. Il réaligna son œil à la lunette et se concentra.

Il s’y attendait, pourtant le choc fut tout aussi puissant.

Néanmoins, cette fois il resta fermement planté devant le microscope. Il reprit peu à peu une respiration régulière et entreprit la tâche d’inventorier les êtres qui peuplaient sa bille : il vit essentiellement de gros reptiles de tailles et formes différentes. Il s’aperçut que ceux-ci naissaient et mourraient à une vitesse fulgurante, à peine le temps d’un claquement de mandibule pour lui. Il vit des prédateurs aux dents monstrueuses dévorer sans vergogne les autres habitants.

Il y avait beaucoup de violence maintenant sur sa petite perle, et cela ne lui plut pas. Vraiment pas du tout.

Nicolaï s’arracha à sa contemplation, les antennes frétillantes de colère : ces Etres n’avaient pas le droit de transformer sa création en monstruosité. Son regard capta un tout petit caillou trainant sur le sol en bois. Se hâtant de le ramasser il visa à nouveau la petite perle, tout à sa fureur. Le caillou traversa sans mal la paroi translucide. Lorsqu’il atteint sa cible, il y eut une explosion miniature et la protégée de Nicolaï se recouvrit d’une fumée grise. De dépit, le petit cloporte rangea violemment la sphère sous son lit et parti se coucher.