Lettre de Clarisse

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Lettre de Clarisse Potaulaid, reçut le 5 janvier 1989:

"L'idée de vous écrire ne me plaît pas: vous êtes prévenu.

Vous ne trouverez ici, qu’un ramassis d'anecdotes étranges. Trop pour que vous y prêtiez une réelle attention. Et cette missive finira certainement au vide-ordures.

C’est ce que j’ai dit aux autres. Mais, ils ont insisté.

Y paraît que vous aimez ça, vous, les histoires étranges.
Je ne sais pas quel type d’expertise vous vous targuez d’avoir dans le bizarre, mais pour moi, toute cette histoire n’est qu’une perte de temps.

Mon avis je l'ai imposé toute ma vie. Les autres n'en voulaient pas toujours. Je peux avouer qu'en général, ils avaient des raisons de ne pas l'apprécier. Le tact n'est pas un domaine dans lequel j'excelle. J'étais comme ça avant, l'événement n'y a rien changé.
Je ne suis pas la personne la plus facile à vivre.

Cécile est bien plus efficace pour arrondir les angles et rendre la réalité plus douce. C’est son manuscrit que vous trouverez joint à cette lettre. Je me suis débattue pour qu’elle se contente de rapporter les faits. Mais elle a tout de même trouvé le moyen de les romancer jusqu'à frôler l'écœurement.

Enfin, ce sera toujours mieux que les élucubrations de Robert. S'il y a un conseil que je peux transmettre c'est bien de ne jamais prendre au sérieux les hypothèses de Rob. C'est un homme bien. Mais il aime véritablement trop les ovnis.

Il n'y avait aucune raison particulière pour que tout ceci arrive. En y repensant, il n'y en avait surtout aucune de compréhensible.

La date, l'endroit, l'heure exacte. Rien. Aucun indice préliminaire.

C'est juste arrivé.

Il y a des insolites dans une vie, qui vous rongent de questions. Mon insolite à moi, c'est celle-ci.

Donc, à mon avis (et il est toujours à prendre en compte) tout ceci n'était finalement qu'une illusion. Une sorte d'hallucination collective due à un quelconque psychotrope expérimental. Reste à savoir lequel et à en trouver la trace. Je m'y attelle depuis presque quatre ans.
J'ai eu d'autres théories sur le sujet. Celle-ci me paraît la plus vraisemblable.

Finalement, il y a quelque chose qui reste de tout ça.

Pas de sagesse particulière. Ni une joie ou une peine démesurée.

Pas une vie meilleure en soi.

Je ne pense pas m'avancer en affirmant que, par la suite, les autres et moi avons continué une vie relativement banale.

Aucune grâce ne nous a touché. L'incident n'a eu que peu de répercussion sur nos existences respectives.

Mais il reste peut-être un bonheur latent. Un petit pincement au creux du ventre que nous avons baladé toute notre vie. Une petite boule de "savoir" logée dans l'estomac. Pas un savoir absolu. Juste une miette de plus que les autres. Une miette d'espoir.

Et une question qui, je le crains, ne possède aucune réponse.

Pourquoi nous ?"

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