Notes 5
Notes du Marquis en date du 29 septembre 1995:
« Ce récit, je l’ai retranscrit ici sans en avoir vraiment le droit.
C’est la seule histoire qui me laisse un goût d’amertume. Celle-ci, je l’ai un peu volé.
Il y a quelque temps, j'ai dû faire face à un constat simple: je n'y arrivais plus seul. Le manoir était trop grand, trop difficile à entretenir et j'étais trop vieux. Et puis, je ne la supportais plus, cette solitude. Moi, qui avais passé ma vie à vadrouiller sans attaches, je n'arrivais plus à surmonter cette pesanteur de n'avoir personne. Alors, j'ai pris la décision d'engager un homme à tout faire. J'ai publié une annonce dans le journal local et Théo est apparut un aprés-midi sur le pas de la porte.
Elle fut un soutien de tous les instants. On s'habitue vite au confort d'être choyé. Comme une ombre, elle s'était glissée dans chaque recoin de mon quotidien. Sans s'imposer, avec attention et retenue. Et puis un jour elle ne fut plus là.
Et ce récit est l’unique chose qui me reste d'elle.
Les quelques feuilles noircies de son écriture nerveuse s’étaient glissées sous son armoire. Je les ai découvertes quelques mois après son départ. J’ai attendu plusieurs jours encore avant de les lire et je pense l'avoir compris un peu mieux. Elle, dans toute sa complexité et cette décision de partir sans un mot.
J’ai lu et je me suis vu à travers ses yeux: vieux, bougon et excentrique. C’était étrange et un peu vexant. Mais drôle et vrai.
Je n’ai que très peu côtoyé Salamander Hermingus-Reffel et je me suis surpris à le regretter: il semble être de ceux qui marquent une vie.
Théo me manquera. Pas à la manière d'une amie, mais comme ces belles personnes que l'on n'oublie pas.
Où qu'elle soit, je lui souhaite d'être heureuse.
Ce qu'il me restera avant tout c'est cette douceur qui accompagnait son regard. Et cette histoire qui lui appartient tout entière. »
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