La Valse du second temps : Futur
Le jour où Alice fêtera ses quatre-vingts ans restera gravé nulle part. Personne ne lui rendrait visite, tout le monde continuera à dire en passant devant sa maison délaissée presque en ruine, toutes les rumeurs de folie de cette vielle femme depuis l'enfance et un jour, elle tombera dans l'oubli total.
Alice, après sa fête de mariage, se réfugiera encore plus chez elle, discutant avec son mari Tim qui, pour elle, ne changera pas d'un pouce. Il restera toujours aussi élégant, portant cette tenue blanche qu'elle aimait tant depuis leur mariage, avec ce lys bleu, synonyme de pureté, de jeunesse, de beauté et de renaissance...
Elle l'écoutera faire son monologue, assise sur une chaise assortie à sa table à manger en bois de bouleau presque blanc, coudes sur celle-ci, tenant son visage entre ses vielles mains ridées et tremblantes, les yeux charmés et rivés vers son doux amant, bercée par le son de sa voix presque inaudible, elle paraitrait venir de loin, très loin. Ensuite, il lui demandera de danser la belle et tendre valse de leur fête de mariage. Cette danse qu'elle avait parfois envie d'oublier, surtout cette tristesse qu'elle avait ressentie à la fin quand tout le monde était parti et dont elle ne comprendrait jamais... Juste qu'on la nommerait pour toujours la "folle".
Elle se lèvera et avancera vers Tim, doucement et tremblante vu son âge avancé, lui offrant sa main droite et mettant la gauche sur son épaule. Un, deux, trois, un, deux, trois... Et ils repartiraient sur ce doux rythme musical, virevoltant comme dans un rêve où les nuages les entoureraient, flottant dans cet infini bleu ciel qu'Alice gardera pour toujours dans sa mémoire. Plus aucun meuble, plus aucune pièce de la maison ne stopperait leur valse, aussi fluide que douce, qui ralentissait par moment de rythme comme si elle finissait. Mais Alice ne voudra plus jamais arrêter et la danse continuera comme ça un bon et très long moment. Elle voudra cette mascarade aussi éternelle que son amour pour son amant.
Elle chantonnera ce morceau musical, continuant à valser dans son salon, jusqu'à ce que tout devienne noir, que la poussière vole sous ses pieds maladroits, que les toiles d'araignées viennent s'emmêler dans son chignon gris, que son rythme cardiaque s'estompe au son des dernières notes qu'elle chuchotera et qu'un vent glacial se fasse sentir et emporte le dernier souffle qu'il lui reste... La pauvre Alice tombera lourdement dans un sommeil sans fin, là où la vie n'aura plus sa place, là où elle pourra enfin se libérer et dire : "Je suis à toi et pour toujours Tim..."
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