Épisode 1. À la recherche de Sébastien
- Non mais pourquoi on va là-bas ? demanda Marc en râlant. C’est super loin, et en plus il commence à pleuvoir.
- Je m'inquiète pour Seb, répondit Sophie en ouvrant un parapluie avec une tête de panda. Il devait nous rejoindre hier, mais il n’est jamais venu, et il ne répond pas à mes appels.
- Il a oublié, rien de plus. Allez, on rentre, dit Marc en tentant de la rassurer.
Sophie se retourna vers Étienne.
- À vrai dire, il ne répond pas non plus à mes appels, ajouta-t-il.
Marc, Sophie et Étienne, trois jeunes d’Amay, avançaient sous la pluie en cette soirée automnale. Marc, 18 ans, était petit, un peu rond, toujours habillé de noir et les yeux maquillés, comme s’il voulait afficher un style que « les autres » ne pouvaient comprendre « les autres » ne désignant pas ici les habitants de l’île de Lost, mais bien ses parents.
Sophie était un peu plus grande que Marc et un peu ronde, mais elle s’en moquait, du moins en apparence. Elle avait 19 ans, portait ses cheveux blonds et se promenait toujours avec des vêtements couleur pastel, souvent roses. Son parapluie panda et ses accessoires kawaii faisaient qu’on la remarquait toujours. Elle affirmait qu’un jour, sa photo illustrerait le mot « mignonne » dans le dictionnaire, mais ses amis lui rappelaient que plus personne n’en achetait, et ils n’avaient pas tort.
Étienne, lui, était un grand échalas avec sa tignasse rousse bouclée. À 19 ans, il était intelligent, préférant la compagnie des livres aux aventures qu’il se savait incapable de vivre. Côté look, il n’avait pas d’effort particulier : il portait invariablement un jean impeccable et un t-shirt à l’effigie de personnages de jeux vidéo.
Ensembles depuis l’enfance, ils se retrouvaient chaque semaine au Mordor, un bar d’Amay où ils participaient à une campagne de jeu de rôle avec leur ami Benoît, le barman.
- Bon, on va trouver Seb et tu verras que tu t’inquiètes pour rien, dit Marc. Puis-je m’abriter sous ton parapluie ?
- Pas peur qu’on te voie sous Monsieur Panda ? répliqua Sophie en riant.
- Il n’y a pas un chat dehors, alors, si on pouvait se dépêcher…
- On est arrivés, annonça soudain Étienne.
Ils se tenaient devant une petite maison.
- Il habite là, Sébastien ? demanda Marc.
- Ben oui. T’es jamais venu ici ?
- Il ne m’a jamais invité, répondit-il, boudeur.
- Normal, vu qu’on invite rarement un vampire chez soi, lança Sophie en riant.
- Oui, mais le chewing-gum rose, aucun problème, hein ? marmonna Marc.
Étienne frappa à la porte. Après quelques secondes, une jeune femme plus âgée leur ouvrit. Elle était brune, avec une frange, et portait un t-shirt Nirvana et un pantalon de pyjama blanc couvert de lapins roses.
- Chouette le futal ! lança Sophie.
- Qu’est-ce qu’elle dit, la Barbie ?
Étienne intervint pour éviter le pire.
- Salut Johanna, est-ce que ton frère est là ?
- Nan, je ne l’ai pas vu depuis hier. Il est parti avec son appareil photo.
- Ok… tu sais où il est allé ?
- Je suis sa sœur, pas sa mère. Maintenant, allez-vous-en, j’ai une série en pause, et elle est plus intéressante que vous.
La porte claqua, laissant les trois amis perplexes.
- Charmante, dit Marc.
- Une vraie peste, ajouta Sophie.
- Hé, parle pas d’elle comme ça ! Tu as dit qu’elle s’appelle comment déjà ?
- Pas possible… répondit Sophie en levant les yeux au ciel.
***
Devant la maison de Sébastien, Marc et Sophie passaient en revue les lieux où il aimait traîner, alors qu’Étienne tapotait sur son téléphone.
- Je crois savoir où il est allé, finit-il par dire en les regardant.
Les deux autres s’arrêtèrent, curieux.
- Il a posté plusieurs photos de la gravière ces derniers jours, expliqua Étienne. S’il est parti avec son appareil, c’est sûrement là-bas qu’il est allé.
La gravière, un lac en périphérie d’Amay, était entourée d’espaces verts et d’un sentier où des espèces d’oiseaux se mêlaient à celles de l’autre côté du Voile. Ah, oui, le Voile. Si vous n’avez pas suivi l’histoire des Ombres d’Amay, ce mot ne doit pas signifier grand-chose pour vous. Le monde, tel qu’on le voit, n’est pas complet. Un enchanteur du 6ᵉ siècle a jeté un voile sur la réalité, cachant un monde merveilleux et nous protégeant des pires dangers. Certains rares individus, comme Tristan Renard, le nouveau détective qui emménage au Mordor, voient à travers. Mais je m’égare… revenons à notre trio.
***
La gravière, plongée dans l’obscurité, entourait les jeunes d’un épais silence, brisé seulement par leurs pas dans la boue. Les animaux nocturnes jetaient des regards curieux aux trois humains.
- J’en ai marre, c’est vraiment une soirée pourrie, grommela Marc.
- On fait le tour et, s’il n’est pas là, on rentre et on essaie de le joindre demain, répondit Étienne en se baissant pour éviter une branche basse.
Ils avaient parcouru presque un kilomètre quand Sophie les arrêta.
- Là ! Regardez !
Au pied d’un buisson, un appareil photo était posé, en piteux état.
- Mince, c’est son appareil ? demanda Marc.
- On dirait bien, mais il a morflé, répondit Sophie.
Elle alluma l’appareil et passa en revue les photos.
- Regardez ça.
Sur l’écran s’affichait une photo du lac sous un croissant de lune, avec, en arrière-plan, un cerf blanc immense aux bois formant des arabesques. Les yeux de l’animal étaient de perles bleu clair.
- C’est magnifique, souffla Étienne.
- C’est quoi, comme animal ? demanda Marc.
- On dirait un cerf, mais je n’en ai jamais vu de pareil.
Sophie continua de défiler les images. Tout à coup, une série de clichés flous, comme si Sébastien les avait pris en courant, apparut. Puis, plus rien.
- Faut prévenir la police, dit Marc.
- Et leur dire quoi ? Qu’on a trouvé un appareil photo près du lac ? Ils s’en moqueront, répondit Sophie.
- D’accord, mais on fait quoi alors ?
- Si je ne me trompe pas, le nouveau locataire de Benoît est détective. Allons voir ce qu’il en dit.
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