* Retardataire * Pas encore trouvé - Pseudo : X
3 h 33. La rare insomnie est là, qui me fait t’écrire. Je morfle encore. Brûlure d’estomac, remâchage en boucle. Décidément, tu me coûtes beaucoup de nuits, pour le peu qu’on passe ensemble. Obsession. Obsession de toi. Hasard qui nous fit être à deux, une promenade et un verre. En partant, tu m’embrasses. On s’étreint longuement en sachant qu’il ne se passera rien ce soir. Pas le lieu. Même pas l’envie finalement. L’envie naît après ton départ. SMS : « Demain soir si tu veux ? bonne nuit ».
J’étais plutôt gaie ce matin. Tout expédié pour dégager mon aprèm, en attendant ton coup de fil. 14 h 49, je prends les devants :
— Tu me dis si tu es toujours dispo et quand ?
16 h appelle, connard ! 16 h 38, je craque :
— Bon, tu dois être retourné dans ton monde.
Tu me mets à l’amende et je ne sais pas pourquoi. Du coup j’en suis réduite à conjecturer et ça, ça rend fou. Oui, je suis fâchée. Écœurée, choquée, triste, en colère hébétée, torturée, curieuse, résignée, survoltée, déterminée, résiliente, déconcentrée, fataliste. Autant les râteaux, j’en ai pris mon parti, autant c’est le deuxième vent que tu me mets, et là ça me rend triste, parce que parmi tous les sentiments qu’on ne comprend pas entre nous, il me semblait qu’au moins le respect était un truc sûr, non ? Amitié, confiance, tendresse, plaisir… cocher les mentions adéquates ?
J’avais fait à manger pour ce soir. Toi qui disais la semaine dernière « pas facile de vivre en couple » après ma première entière, laborieuse, nuit chez toi. Tu t’arranges pour me laisser dans le noir et puis tu reviens la bouche en cœur sans t’excuser… pour à nouveau disparaître. On n’a aucune prise sur le silence. C’est la meilleure des défenses. L’animal fait le mort pour se protéger. Mais au bout de trois ans, le tour est éventé, les ficelles sont trop grosses. Déçue, oui. Surprise pas du tout. Tu sais que tu vas me perdre ? Je pensais être suffisamment forte pour supporter tes absences… parce que tu m’aimais. Il semble que là aussi tu nous aies leurrés. Je l’espère, parce que si tu m’aimes aussi, alors c’est un pitoyable gâchis.
Tu me dis que je suis celle que tu attendais, tu me dis que cela vaut toujours le coup de s’accrocher, mais je ne peux pas m’accrocher, tu ne me laisses aucune prise ! je ne sais même pas ce que je suis pour toi : un coup quand l’opportunité se présente ? Quelqu’un qui compte dans ta vie ? Quelqu’un que tu imagines dans ton avenir ? Aucune idée. Dommage. Je crois que le moment est en train de passer. Je crois que tu n’as pas l’énergie de me faire une place. Je crois que tu me blesses pour m’éloigner. Que tu me forces à te quitter. Je crois que je vais dire oui à cette autre histoire dont je n’ai pas envie, mais qui me permettra de tourner la page. On pourra mieux vivre. Tu auras peut-être une vague de dépit que tu enfouiras à nouveau sous tes addictions : boulot, alcool, shit et musique. Je ferai la même chose, avec mes drogues à moi. Ce sera rassurant. Ce sera dommage.
Bye.
Je regretterai les leçons de musique, je regretterai les concerts. Je regretterai John et Phil, et le copain Franck dont je n’ai pas fait la connaissance.
Je regretterai le plaisir que tu sais me donner. Ta douceur, ta douleur, ta vulnérabilité cachée, ton désir, ta touchante application à me faire plaisir.
Je ne regretterai pas le personnage que j’avais fini par endosser : forcé, sous contrôle, inactif, muet, à l’affût du moindre de tes changements d’humeur, tendu vers l’abandon programmé. À force de me contrôler, pour ne pas te perdre, je ne suis plus moi. J’essaie de rentrer dans ta vie, mais le costume est trop étroit. Tu nous revendiques en tant que couple, mais tu refuses de rentrer dans la mienne.
Regardé mon téléphone à l’instant. 4 h 17. Aucun message. Allez, dodo. J’ai une vie à vivre. Et tu m’en empêches.
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