L'aurore sans Aurore
La lande ; son labyrinthe de tourbe, marécageux. Ses nombreuses fleurs, l’odeur de l’humus et la brume nocturne présente dans l’éther, à hauteur d’homme, opaque. Angoissante. Des pas rapides sur le sol spongieux. Une respiration oppressante. Un fantomatique rayon de lune, quelques nuages noirs, malsains, et deux silhouettes.
L’une derrière l’autre. L’une, après l’autre.
Un cri ! Sa cheville lancinante et un rire amusé. Moins vite, beaucoup moins vite. Plus près ! Si près... Une fuite éperdue. Ses pleurs, ses sanglots, sa douleur. Des applaudissements, des encouragements ? Un espoir ? Les nuages devant la lune. Plus aucune clarté. Une course à l’aveugle ? Pas pour tout le monde. Deux respirations, l’une haletante, la deuxième calme. Un souffle sur sa nuque. L’épuisement, la détresse et sa cheville, temple de la souffrance. Son frein, la trahison de son corps.
Toujours l’une derrière l’autre. L’une, après l’autre.
Un nouveau cri, plus faible, plus douloureux ; un énième trou d’eau, un dernier piège, la chute de son être conscient et physique. L’aboutissement de la chasse. Le prédateur déçu. Déjà ? Inadmissible ! Et le plaisir de la traque, alors ? Là, au sol, devant elle, sa victime. Des sanglots... Encore des sanglots... Toujours des sanglots, au milieu de la partie, à la fin. Rarement au début...
L'une sur l'autre, l'une contre l'autre.
La faim, le reflet de l’ivoire dans le sang. La blessée toute à sa souffrance. Beaucoup de sang... Moins de sang... Plus assez pour la vie de la proie. Plus aucune sensation. Le néant. Un doux sourire, puis un demi-tour.
Demain, un nouveau jour... L’aube... Sans Aurore... Une Aurore de toute façon vide, froide, en un mot, éteinte comme la nuit. Sa nuit. La dernière de sa vie.
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