LA RENCONTRE
Montauban, le 21 juin 1910
Cher Jean,
Depuis notre dernière rencontre dimanche au bal de Montbeton, vous occupez toutes mes pensées. Vous ne pouvez pas vous figurer quelle fut ma joie lorsque je vous ai vu apparaître au milieu des danseurs, j'ai compris à votre regard pur, que vous aviez reçu ma missive et que vous n'aviez, envers moi, ni rancoeur, ni courroux.
Pourtant je n'ai osé vous demander des nouvelles d'Adèle, pour tout vous dire, je n'avais pas envie de gâcher ce bel après-midi !
Je vous revois encore vous avancer vers moi me tendant votre main pour m'inviter à partager dans vos bras cette valse, ma préférée en plus, "La valse brune". Je crois bien à cet instant précis que je suis devenue toute rouge ! Mais par courtoisie vous n'avez dit mot et je vous en remercie.
J'étais dans vos bras, si j'avais osé je me serais pincée pour y croire, mais ces choses-là ne se font pas, j'ai quand même une éducation. Vous aviez remis votre beau canotier, et moi j'étais là entre vos bras, j'aurais aimé que cette première valse, celle de notre rencontre, ne finisse pas, et que le tourbillon de la danse m'emporte à jamais, tellement j'étais bien.
Quel excellent danseur vous êtes Jean, je comprends que la plupart des filles des alentours souhaitent danser dans vos bras . Mais, dimanche il n'y en avait qu'une, c'était moi !
Je vous en prie, envoyez-moi un petit mot chez Mme DANGLARD à Montauban, je me meurs de vous lire et de vous revoir. Quand redanserons-nous ensemble ? C'était si bon.
Je dois prendre congé car le travail m'attend, j'espère à très vite.
Yvonne
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