Lettre d'Yvonne
Montauban, le 28 juin 1910
Mon Jean,
Quel moment délicieux passé en votre compagnie ce dimanche dans cette guinguette. Nous avons tant dansé que j'en ai encore mal dans les jambes. Comme je suis heureuse. Je n'imaginais pas que le bonheur pouvait causer autant de trouble en moi, et vous seul en êtes la cause.
Je ne pense qu'à vous mon Jean, non seulement tous les jours mais toutes les heures, à tous instants, vous êtes partout.
Malheureusement, j'ai une bien triste nouvelle à vous annoncer, Mme Danglard s'installe dès la semaine prochaine dans sa résidence d'été d'Arcachon ; étant sa seule cuisinière, elle m'a demandée de l'accompagner avec Eugénie, sa lingère.
Si vous saviez comme je suis contrariée et furieuse. Partir ainsi loin de vous est un véritable déchirement. Je ne vous verrai plus, rien que d'y penser j'en suis fort triste et tourmentée.
Mme Danglard m'a fait savoir qu'elle resterait dans sa résidence jusqu'aux premiers jours du mois d'octobre. C'est trop long, je n'y tiendrai point. J'en ai le coeur brisé et ne cesse de pleurer.
Eugénie par contre est ravie, elle me dit que nous allons voir la mer. La pauvre idiote ! ça se voit qu'elle n'a pas d'amoureux. S'il en était autrement, elle serait autant peinée que moi. La mer ça m'est bien égal ! c'est de vous dont j'ai besoin, c'est vous que je veux voir, pas la mer. Tant de temps sans vous, je n'y survivrai point, c'est impossible, je vais mourir de chagrin.
Notre départ est prévu dimanche. Promettez moi de m'écrire tous les jours, et de ne point m'oublier dans vos pensées.
Je vous quitte car je dois aller préparer les valises de Mme DANGLARD.
Je vous aime Jean et je couvre ma lettre de baisers qui vous accompagneront lors de mon absence.
Votre Yvonne.
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