4.2 Le spectre

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Le cœur de Vaillance palpitait contre sa poitrine et ses yeux suppliants cherchèrent ceux de ses parents. Aucun des deux ne répondit à la détresse de leur fille. Verin, le visage neutre, observait la table fixement alors que son épouse cachait ses larmes entre ses doigts. Seul Jasper affichait une mine triste pour l’aîné de famille, mais il se garda de tout commentaire.

— Que se passe-t-il ? demanda Liane, affolée par la scène. Pourquoi faites-vous cette tête ?

Verin ignora sa fille et se leva.

— J'ai un appel à passer. Jasper, amène les filles dans leurs chambres.

Les mots du maitre de maison sonnèrent tel un marteau contre l’acier, aucun des deux enfants n’osa les contester. Glissant hors de leurs chaises, elles suivirent le majordome sans un bruit. Vaillance n’était plus que l’ombre d’elle-même. Elle marcha derrière le vieil homme, bras ballant et main tremblante en essayant de comprendre la situation. Liane, qui ne supportait pas d’être mise de côté, tentait d’attraper son attention. Comme ni ses parents ni son serviteur ne souhaitaient lui répondre, la cadette agrippa son aîné par la manche.

— Vaillance ! Que se passe-t-il ? Je veux savoir !

— Mais vas-tu te taire ? Cria-t-elle, pleurs dans la voix.

Liane recula, horrifiée par les mots de son aîné. Vaillance ne la laissa pas parler davantage et partit se réfugier dans sa chambre où elle s’enferma pour que personne ne la voie. Son visage déformé par les larmes, elle tituba jusqu’à son lit et s’y écroula, tremblante à chaque sanglot. La tête enfoncée dans son coussin, elle laissa libre cours au chagrin qui se déversa en une rivière salée. Tout le futur qu’elle s’était imaginait avait été balayé en l’espace de quelques lignes. Sa vie tranquille qu’elle aimait tant se changerait bientôt en souvenir, remplacé par un enfer de douleur. Plus de sieste de début d’après-midi dans son lit de coton, de doux mets concocté par Jasper et plus personne pour partager de longue conversation construite. Les pleures laissèrent place à la frustration, une boule qui gonfla dans sa poitrine, l’asphyxiant. Sa main trouva le fragment de métal qui pendait à son coup, son poing se serra autour. Elle retira le collier et posa ses yeux brulant dessus. Axia, la haute gardienne qui l’avait tant impressionné le jour d’avant, pouvait-elle être derrière tout ça ? Dans l’esprit de l’adolescente, il était certain que oui. Elle sera le poing de colère.

— Un cadeau ? Demanda la fille à haute voix, c’est plutôt une malédiction !

D’un grand geste, elle l’envoya voler à travers la pièce avant de retomber dans son matelas pour pleurer de plus belle. La boule dans sa poitrine s’amenuisa pour un temps, jusqu’à ce qu’elle tourne un œil vers l’acier bleu incrusté dans le mur.

Gwën ! songea-t-elle. Gwën devrait savoir que faire, elle doit s’y connaitre en haïkadens !

Elle ouvrit son holocommunicateur et fit apparaitre le numéro de la noble argentée, se stoppa à un clic de l’appeler. Les mots du jour d’avant, les horreurs qu’elle avait prononcées à son visage lui revinrent en mémoire. C’était évident que la fille n’accepterait jamais de l’aider. Pire, elle se réjouirait surement de son triste sort.

L’une des vieilles remarques de sa grand-mère résonna alors dans la tête de Vaillance. Qui sème le vent récolte la tempête. Était-ce là son juste châtiment ? Le prix pour avoir brisé le cœur de son amie, de s’être moqué de son rêve? Désorientée et abattue, elle se roula en boule au sol. Doucement, l’amas de sentiment et la fatigue de la veille alourdirent les paupières de la jeune fille qui se laissa entrainer dans un sommeil agité par de doux cauchemars.

Armures géantes, scène de bataille, douleur et joie peuplèrent son périple. Les images, bien que fugaces, restaient en mémoire telle une histoire qu’on lui aurait murmurée. Ce n’était pas elle qui combattait, mais des personnes tout autres, des guerriers sans égaux ayant jadis traversé les étoiles. Des êtres auquel elle ne pouvait attribuer ni sexe, ni race, pas même un visage tant ils étaient nombreux. Avant qu’elle ne le réalise, elle était pleinement consciente de son rêve, enfermé dans un songe qui prenait des allures de prisons.

Un bourdonnement vrilla l’arrière de son crâne et les récits légendaires s’effacèrent pour un endroit bien différent. Le ressac murmura dans ses oreilles et une odeur d’iode emplit ses narines. Vaillance étudia ses alentours, elle se trouvait sur la côte d’une mer qu’elle n’avait jamais vue. Au-dessus de sa tête, deux lunes scintillaient dans le ciel nocturne, illuminant les eaux d’un éclat tumultueux. Elle ne se trouvait plus sur Sol IV, mais l’atmosphère magique du lieu fit remonter d’obscurs souvenirs. Vaillance ravala la bouffée d’angoisse qui grimper le long de sa gorge et se détourna de l’horizon crépusculaire. Derrière l’adolescente, un sol aride peuplé d’herbe vert-bleu s’étendait à l’infinie. Parmi les mirages vivaient les silhouettes longuement oubliées des soldats d’antan. Elle reconnut des orcas, fantômes d’une époque oubliée, recouverts de sable et de plantes. Ils l’entouraient, à genoux, priant silencieusement pour leurs propres saluts. Le bourdonnement résonna de plus belle, forçant Vaillance à se masser la tempe. Elle sentit ses cheveux se dresser, quelque chose venait d’apparaitre. Doucement, elle fit face à la présence. Une silhouette blanche en constant changement. Tantôt homme, bientôt femme, jeune puis âgée, se transformant entre les centaines de races ayant un jour foulé du pied les étoiles.

— Qui êtes-vous ? demanda Vaillance en reculant d’un pas. Que me voulez-vous ?

L’apparition toucha terre à quelques pieds de Vaillance. Ses métamorphoses se ralentir jusqu’à stopper totalement, il imitait à présent la silhouette de l’adolescente jusque dans le moindre détail. Sa jumelle leva le bras droit, tendant sa main en face de son visage, paume vers l’extérieure. Aucune parole ne fut prononcée, mais Vaillance sut ce qu’il était attendu d’elle. Elle s’immobilisa, s’aligna avec la forme éthérique avant de recopier ses mouvements. Leurs peaux se touchèrent et un frisson grimpa le long de son dos. Celle de l’apparition était ou gelée ou brulante sans que Vaillance n’arrive à choisir. Il referma ses doigts sur sa main et les étranges maux de tête reprirent.

— Tu n’es pas encore prête, prononça une voix forgée d’un millier d’autre. Mais si les étoiles le veulent, ton chemin te guidera à nous jeune Vaillance. Nous attendrons, cachés dans les profondeurs, qu’à nouveau tu brandisses la lame du changement. Que la poussière te guide, jeune guerrière, car toi seul pourras nous sauver.

La forme s’évanouit en une pluie de filaments électriques qui se dispersèrent au gré des alizés, ne laissant que le lointain fracas des vagues sur la roche qui berça l’adolescente à travers ses rêves.

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Quasar point :

Les sul’doths sont l’une des proéminentes, les cinq races les plus courantes dans la galaxie.

Leur nom est composé de Sul => [Pied / marcher] et de Doth => [abysse / noyade ]. Ils sont donc par extension les marcheurs des abysses ou encore les voyageurs abyssaux. Les vlin’ns les appellent Sul’dot’ns qui se traduirait par le peuple qui voyage en mer.

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