La grande b.

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« Waouh ! C’est grand ! »

En entrant, les enfants furent vivement impressionnés, ce qui les calma pour de bon quelques instants. À l’intérieur en effet, le bâtiment était de toute beauté. Passé le seuil de l’entrée, on pénétrait d’abord dans une salle qui servait d’antichambre. Le sol en marbre, les colonnes vénitiennes, le plafond d’une hauteur vertigineuse, entièrement peint, et les deux statues colossales qui siégeaient de chaque côté imposaient immédiatement un respect muet, surtout pour des enfants peu habitués à ce genre de décor. Cette pièce seule donnait l’impression de pénétrer dans le temple sacré d’un roi ou d’une divinité géante. Pourtant, une surprise plus grande encore les attendait de l’autre côté de la seconde porte, curieusement de taille modeste par rapport aux dimensions de la pièce.

Immense.

La salle du rez-de-chaussée était immense. L’allée principale semblait fuir au loin, en se rapetissant à l’infini, à travers les innombrables rayonnages de livres aux contre-allées labyrinthiques. Quatre gigantesques lustres tentaient de compléter la faible clarté apportée par les fenêtres étroites et plongeaient cette nef silencieuse au mobilier de bois sculpté dans une lumière mystérieuse, donnant à l’ensemble une dimension encore plus imposante. Enfin, à chaque extrémité de cette cathédrale de livres, trônaient deux escaliers massifs qui s’élevaient en hélice vers les trois étages supérieurs.

Cette bibliothèque était d’une beauté à couper le souffle, à n’en point douter l’un des édifices les plus nobles et les plus enviés où détenir l’art et la connaissance, la mémoire et la quintessence livresque de toute une société.

Tandis que Nicole se dirigeait d’un pas rapide vers l’imposant comptoir où huit personnes attendaient déjà livres en mains, les trois garçons prolongèrent leur concert de « Waouh ! » en s’avançant timidement dans la salle.

Zut, pensa Nicole, madame Pélissier.

Ce n’était pas qu’elle fût vraiment méchante cette brave dame, mais au royaume des pipelettes, elle aurait sûrement été la reine incontestée. Il était trop tard de toute façon, car Henriette Pélissier avait déjà levé la tête. Nicole était cependant bien décidée à rendre ses livres et à signifier qu’elle n’avait pas le temps, manque de convenance ou pas. Elle se mit à la queue et appela les enfants avant qu’ils ne lui échappent du regard.

– Stéphane, Claude, Hubert ! Venez ici s’il vous plaît !

– Oui maman, on arrive.

– Waouh ! T’as vu le plafond comme il est haut !

– Ouais, et tous les livres… Je vous parie qu’il y en a plus que cent milliards.

– Hé, n’importe quoi, ça existe pas cent milliards, d’abord.

– Si, ça existe, c’est mon père qui me l’a dit.

– Et moi je dis qu’il y a en a un million cent mille…

– Les enfants, dépêchez-vous, venez ici.

Le trio se décida enfin à rejoindre le comptoir, toujours impressionné par le gigantisme de l’endroit.

– Bonsoir, madame Mallard…

Ça y est, la Pélissier attaquait ; par-derrière, comme souvent. Nicole se retourna en feignant la surprise embarrassée.

– Bonsoir, madame Pélissier, comment allez-vous ?

– Bien merci, et vous ?

– Ça va, on fait aller. En fait, je suis pressée ce soir, il faut que je sois chez moi à six heures et demie parce que…

– Bah figurez-vous que moi aussi j’étais pressée, mais apparemment, les gens ont tous décidé de venir s’inscrire pour la première fois ce soir, alors on n’est pas prêtes de passer.

– Mince alors…

C’est bien ma chance, pensa Nicole en se penchant pour voir la fin de la file. Elle entendit madame Monneaux expliquer le règlement intérieur à un monsieur qui remplissait les papiers d’inscription.

– En plus il fait froid, vous ne trouvez pas ?

– Oui, c’est vrai.

– Remarquez, ça ne doit pas être évident à chauffer une salle comme ça.

– Ah non, c’est sûr.

– Moi, je connais des amis qui ont fait installer le chauffage par le sol et ils sont ravis. Vous vous chauffez à quoi chez vous ?

Nicole regarda les enfants en tentant de trouver une issue.

– Hein ? Heu… Oh, le chauffage ? Électrique, des radiateurs électriques et nous en sommes contents.

– Ah… Mais c’est pas votre mari qui est électricien au fait ?

– Oui, c’est vrai.

– Ça doit être pratique, surtout quand…

– Maman, on peut marcher jusqu’à là-bas ?

– Non, vous restez avec moi, on n’en a pas pour longtemps.

– Moi je vois, ma voisine, son mari est plombier… Bah c’est toujours à lui qu’on fait appel lorsqu’on a un problème de tuyauterie à la maison…

– Maman, s’te plaît ?

– Non Stéphane, c’est une bibliothèque, ce n’est pas fait pour faire les imbéciles.

– Mais on va pas faire les imbéciles !

– Non, j’ai dit non.

– Vous connaissez les enfants de madame Boutel ? Ah, ils sont exactement pareils, toujours à vouloir faire les fous à droite, à gauche.

– Maman, s’il te plaît, on va juste là…

– Bon d’accord, allez-y, mais vous restez sages et vous ne me faites pas attendre quand je vous appelle, c’est compris ?

– Non, c’est bon, t’inquiète pas.

Autant les laisser partir, c’est déjà pénible assez avec Henriette, pensa Nicole. Pourvu que ce soit vite mon tour...

– Qu’est-ce que vous avez lu ? Moi, je vous recommande ce livre, surtout si vous aimez la grande littérature. Vous aimez la grande littérature ?

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