Le départ

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Je suis mortifiée. Je ne savais pas que Carine était rentrée. Je ne respire plus en espérant qu'elle parte rapidement.

- Si, si. Désolé pour le bruit, c'était un porno, crie-t-il à sa mère.

Je ne sais pas ce qu'il m'a pris à ce moment là... Est-ce la situation, sa réponse ou le stress d'être découverte dans cette position ? Toujours est-il que j'éclate de rire, en tentant d'étouffer le son de ma voix.

- Ouais, c'est ça un porno ! Allez bonne nuit, répond-elle.

C'est vraiment loupé pour la discrétion. Demain, il devra trouver un sacré bon mensonge pour expliquer la présence d'une femme dans sa chambre, en pleine période de confinement !

- T'aurais pu me dire qu'elle était rentrée !

- Tu serais quand même venue si je te l'avais dit ?

- Bien sûr que non ! Dis-je en me rhabillant. Que vas-tu lui raconter demain ?

- Que c'était un cam-live avec Ava.

Je déglutis, je l'avais presque oubliée celle-là. Je me prends une claque magistrale dans la tronche quand ma petite bulle de naïveté explose grâce à ces deux mots : « avec Ava ». Heureusement, qu'il fait sombre et que je suis toujours en train de chercher mon peignoir... Sinon, il pourrait voir mes yeux s'emplir de larmes. Je ravale ma tristesse, je digérerai tout ça plus tard quand je serai seule. Je remets ma « poker-face », ne rien laisser paraître.

- Ha oui. Ava... Comment va-t-elle ?

Mal j'espère !

- J'en sais rien en fait. Ça fait un moment qu'on s'est plus parlé.

Ha bon ? Un moment comment ? Du genre trois heures ? Trois semaines ?

- Hooo.

Bien... En dire le moins de mots possible pour ne pas trahir le flot de question qu'il me vient à l'esprit.

- Et quoi ? Finalement, tu dors ici ou tu repars ?

D'ju, j'avais oublié la tendance masculine à répondre uniquement aux questions explicites. Ces primates ne donnent jamais d'informations de manière pro-active partant du principe « t'as pas demandé, c'est que tu veux pas savoir ». Sauf que... Sauf que moi, et peut-être les femmes en générale, si je ne me renseigne pas, ce n'est pas par un manque d’intérêt... Mais pour milles autres raisons, qu'ils seraient beaucoup trop long d'énumérer. Et maintenant ? Je fais comment pour revenir sur le sujet qui m'intéresse réellement ?

- Je repars. C'est le décalage horaire qui pose problème ?

Tentative...

- Non.

...échouée. Il ne semble pas vouloir en dire plus. Logique, j'ai pas posé d'autres questions ! Combien puis-je en poser avant de passer pour une petite amie jalouse ? J'ai l'impression que la réponse est « pas une de plus ».

- Bon. Alors bonne nuit, dis-je en enjambant la fenêtre pour le trajet retour.

- T'as pas oublié quelque chose ? Me demande-t-il.

- Quoi ? Ton bisou ? Dis-je en souriant bêtement.

- Non, la capote. J'arriverai pas à faire croire à ma mère que j'ai craché dedans alors que j'étais seul.

Il est d'une logique implacable ! Au revoir le romantisme. Je la prends et retourne chez moi, drapée dans mon peignoir, et un reste de fierté. J'arrive à réintégrer mon lit sans me faire surprendre par Mathis. Où en est-il avec Ava finalement ? Et nous, qu'est-ce qu'on est ? Un passe-temps en période de confinement ? Et moi, qu'est-ce que je veux ? Trop de questions ! Dors Gaby, tu réfléchiras plus tard.

***

Le lendemain est difficile. Fini les parties de jambes en l'air à pas d'heure ! J'ai besoin de mes huit heures de sommeil moi. Par contre, un qui semble plus frais c'est Mathis. Jeudi après-midi, il est même allé faire les courses de lui-même. Je n'ai pas du faire de liste ou lui demander quoique ce soit. Bon... J'avoue que j'ai failli m'étrangler en voyant ses achats. On a de quoi faire un apéro tous les soirs, mais pas un seul bout de viande ou des légumes ! Pour ne pas le vexer, j'y retournerai lundi. Ça partait d'un bon sentiment, ne pas tuer l'effort dans l’œuf.

- Tu as l'air de bonne humeur aujourd'hui, lui dis-je en rangeant les courses.

- Ouais. Peut-être bien, me répond-il avec un petit sourire.

- C'est grâce aux bons soins de ta mère chérie ?

Il rigole pendant une bonne minute avant de se reprendre.

- Amélie. Elle m'a envoyé un message hier soir. On a passé la nuit à discuter.

La nuit ? Complète ? Et il rayonne quand même ? Je déteste vieillir ! Mais passons...

- Et ? L'encouragé-je.

- Et... On s'est remis ensemble en fait.

- Ensemble ? Ensemble-ensemble ? Ou ensemble-séparé ? Lui-demandé-je un peu déboussolée.

- Elle est bizarre ta question.

- Ben... Ensemble du genre vivre avec elle ? Ou ensemble mais vivre avec moi ?

- ...

- N'en dis pas plus. J'ai compris. Avec elle, évidemment.

- Tu ne m'en veux pas hein ?

Mon cœur saigne à l'idée de le voir repartir une nouvelle fois. Mais je ne peux pas lui imposer une telle culpabilité.

- Bien sûr que non, mon ange. Tu l'aimes.

- Oui. Et toi aussi quand même, dit-il en me prenant dans ses bras.

« Quand même » : j'espère bien, oui !

- Et le re-déménagement est prévu pour quand ?

- En fait... Mes sacs sont déjà dans la voiture.

Déjà ? Mais j'ai rien entendu !

- Hey ! C'est pour ça que tu as fait les courses ? Pour que je sois de bonne humeur avant ton départ.

- Peut-être que oui...

Et moi qui pensait que mon discours de l'autre soir sur le partage des tâches ménagères l'avait motivé ! Que nenni, c'était uniquement son Amélie.

- Allez ! File. Retourne auprès de ta dulcinée !

- Merci M'man. Je t'aime.

Au moins, cette fois, il l'a dit !

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