Chapitre 2 - avertissement aux lectrices, lecteurs et lecteurices.
Ces Chroniques ont été écrites entre 2019 et 2022, par une personne réelle – Mar, ma pomme – sur des événements réels. Dans une vie réelle, et avec des opinions (parfois bien trop) réelles.
Il m’arrive d’avoir le ton très assertif, en particulier quand je suis moi-même en train de digérer quelque chose. Cependant, en aucun cas, aucune des opinions énoncées ne saurait prétendre au statut de Vérité Générale (avec des majuscules). Elles n’engagent que moi, mon expérience propre et ne définissent pas les autres. Chaque expérience vivante est unique et ça vaut aussi bien pour les chênes ou les fourmis, dans ma petite cervelle.
J’ai tenu de nombreux blogs depuis 2001, quasiment toujours pour accompagner des transitions intérieures, et finissant inéluctablement par les supprimer. C’est qu’on change, quand on transitionne d’une situation à une autre. Ce qu’on a écrit cinq ans plus tôt n’est plus valable cinq ans après. C’est la première fois que je m’aventure à publier ce type de travail ; et c’est pour cette raison que je l’ai agrémentée d’une relecture avec des personnages imaginaires, non biographiques.
Ces trois années de blogging correspondent, en sous-main, à ma transition de genre (comprendre : l’acceptation, enfin, de ce qui a toujours été mon genre, à savoir non binaire et variant, une réalité qui me valait déjà mon lot de pointage et de mots durs dans la cour de l’école primaire), mon diagnostic d’autisme et de TDAH et le franchissement de l’afrontière[1] de mes quarante ans. Cumul de passages intérieurs donc, à ce détail près que moi, principal-e concerné-e, je n’étais pas exactement au courant que j’étais en train de sauter d’un caillou à l’autre au-dessus d’une eau vive. (Sauter est peut-être un peu présomptueux. Disons passer laborieusement d’un caillou à l’eau, à l’aide de deux bâtons de marche pour mamie Mar pour éviter de glisser, tout ça pour finir par mettre les deux pieds, chaussures, chaussettes, pantalon, dans la rivière pour remonter le courant – on va pas le suivre, non plus, le courant : les pieds mouillés ok, mais il ne faut pas pousser mémé Mar dans les orties quand même).
Je mets ces mots au monde aujourd’hui parce qu’écrire est ma manière de créer de relationner et d’être et d’interagir avec le monde. Certains parlent, construisent des trucs, font des fêtes, dansent. Je danse seule dans ma cuisine, casque sur les oreilles et son à fond, et j’écris. Avec des mots pour moi, j’ai réalisé que j’avais autant besoin de relation, de connexion humaine que les neuro-majoritaires. Simplement, ma modalité relationnelle passe principalement par l’écrit. J’habite l’encre, enfin, le pixel noir sur un document texte à ce stade, j’ouvre des pages comme on ouvre une porte. C’est qu’on me rencontre. Dans un premier temps, dans des cercles restreints, certains, certaines la franchissent et des relations se nouent ou se renforcent. D’autres qui étaient dans la maison, s’en vont. Certains demeurent sur le seuil et observent – peut-être n’était-ce pas la bonne porte, peut-être que le prochain livre l’ouvrira – ou pas.
Dans un deuxième temps, quand je publie le livre-maison, c’est ma relation au monde que je tisse. Elle est plus distante, moins intime, mais nécessaire aussi. Les oralisants tissent leur connexion au monde par la participation active aux foules, leur impact par des mots qui sortent de leur bouche, des actions qui touchent d’autres corps. La mienne passe par des mots posés sur des pages. Parfois des mots de l’imaginaire, parfois du réel.
Je veux témoigner des passages, de possibles joyeux nés d’abymes sombres ; fier-e et bien vivant-e, mieux debout aujourd’hui qu’avant. Parce que j’aurais aimé lire cela moi-même, je largue les amarres et laisse mon bateau-mots voguer. Comme c’était une maison quelques lignes plus haut, on dira que c’est une péniche. C’est bien, une péniche : lourd, lent, la ligne d’eau variant avec la charge, et un décalage de réaction. En haute mer, sous le vent de l’hyperfixation, elle se transforme en catamaran à [chercher]. En pleine tempête, c’est une capsule de survie orange gonflable : précaire, mais elle ne coule pas. C’est donc un bateau métamorphe, ça me va bien. Au 2 juin 2024, 21h18, c’est ma place dans le monde.
L’avertissement de lecture vient du fait que je publie des textes déjà anciens. Si, à l’époque de l’écriture des Chroniques, j’avais déjà largement travaillé la domination masculine, l’adultisme ou mon propre racisme intégré, avec lequel je me bats pied à pied chaque jour, les textes dans leur version originale comportaient encore leur lot de transphobie intégrée – trois à cinq ans plus tard, fier-e enby genderfluid, ou genderfuck au choix, ils me déclenchent moi-même des réactions épidermiques.
Les Chroniques d’entrapocalypse présentées ici ont donc été éditées afin d’éviter de reproduire les violences sur des minorisé-es conscientisées depuis. Je présente mes excuses aux personnes qui auraient pu lire les premières versions et en être blessé-es. I was uneducated and now know better.
Contenus sensibles
Par ailleurs certains sujets abordés peuvent être sensibles pour certain·es notamment [liste en cours d’élaboration, va évoluer pendant toute la beta-lecture] :
– errances et violences subies lors des parcours de transition de genre et de diagnostic de neurodivergence
– évocation (non détaillée) de violences éducatives et scolaires
– évocation du gynécide de la chasse aux sorcières
Booz le crapaud en bronze, Plast le renard, Chu, échappée du Dragonnier pour s’incarner ici, sont elle, eux, des personnages imaginaires. Ce sont des pipelettes sans nom, commères élégantes ou éhontées.
Afin de ne pas perdre mes lecteurs, lectrices et lecteurices, je me permets de vous donner les clés de leurs interventions :
- Quand les personnages sont « seul·es » dans un chapitre, leurs interactions sont romancées : mon objectif est la fluidité.
- Quand iels interviennent au milieu des chroniques originales, parce qu’iels ne peuvent s’empêcher de commenter la lecture, la forme de leur dialogue est théâtrale (Nom du personnage + indication de mise en scène eventuelle : texte du dialogue). C’est moins fluide : mon objectif est de ne pas allonger davantage les interruptions pour ne pas faire perdre le fil des textes originaux.
Je tiens à préciser que si parfois l’ambiance dans mon système multiple peut ressembler à ce genre de conférence, je n’ai cependant PAS mis en scène mes alters, ni leurs personnalités ni leurs interactions. Ces trois-là sont les personnages fictifs d’une mise en scène. Les opinions qui leurs sont prêtées ne sont pas (toutes) les opinions de l’auteurice : il s’agit d’un travail d’écriture. L’opinion de l’auteurice, en 2024, est à la merci de l’interprétation des lecteurs, lectrices et lecteurices à partir de l’effet général de l’œuvre.
Enfin, toute ressemblance de ces personnages imaginaires avec des personnes réelles ou ayant existé serait purement fortuite.
[1] Création. expliquer
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