3 - Xenthores
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Réveil en pleine forme depuis des lustres. Enfin, j'avais la motivation de faire quelque chose, et le fait que Xenthores me soutienne me donnait des ailes.
Il m'est en réalité difficile de travailler sérieusement lorsque je suis chez moi. Pour continuer à travailler, il m'était plus aisé de... Retourner chez Breakthrough Knowledge. Au lieu de prendre le bus, j'ai décidé d'y aller en vélo. J'étais si apaisé et je m'étais levé si tôt que je suis même arrivé en avance, pour la première fois depuis que j'ai fini mon stage.
Sur le chemin de mon bureau, je rencontrai Edward Rigo, du département de chimie :
-Matt ! s'exclama-t-il. Comment ça va ?
-Mieux que jamais ! Tu as reçu mon message ?
-Oui. Tu es... sûr que ça va ?
-Oui, ne t'inquiètes pas. Je suis désolé, mais si tu veux en savoir plus sur mon état, il faudra attendre un peu.
-Quel est donc ce projet dont tu m'as parlé ?
-Edward, c'est si titanesque comme découverte que je la garde top secrète pour le moment. Désolé de te laisser comme ça, dans l'incompréhension, mais c'est mieux de cette manière. Je te laisse, j'ai du boulot.
-Quoi que tu fasses, je te souhaite bonne chance.
-Merci !
Et je le laissai sur ce mot, direction mon bureau. Pour y aller, soit je passais devant l'office de Mr. Therier, soit je faisais un énorme détour. Je décidai de tenter ma chance.
Les dieux ne devaient pas m'avoir à la bonne aujourd'hui, puisque pile au moment où je passais devant, la porte du bureau s'ouvrit, me laissant nez-à-nez avec mon patron.
-Numéro 58 ! fit-il, feignant la surprise, un sourire aux lèvres. Où en êtes-vous dans vos recherches ?
-Hem... j'ai, euh... J'ai d'abord orienté mes recherches sur les batteries.
-Ah ? Et qu'est-ce que vous voulez faire, avec ?
-J'avais pour plan de revoir leur vitesse de chargement, ou leur capacité.
J'ai toujours détesté mentir. Proférer des mensonges inventés de toute pièces me font culpabiliser. Alors, pour cacher la vérité, je la dévoile, mais pas entièrement. Je cache les choses qu'il faut cacher, derrière des faits véridiques. Que j'aie orienté mes recherches sur les batteries, c'était vrai ; mais, derrière mon utilisation semi-habile du passé, Therier avait peu de chances de se douter que j'avais opté pour autre chose.
Je n'avais pas oublié les mots de mon collègue : Therier est un salaud, lui parler de projet top secret serait équivalent à s'exposer à de grands ennuis.
-Vous n'êtes pas sérieux ! s'écria mon patron. Ce n'est pas en faisant des bêtes piles que nous allons nous faire connaître !
-Sauf si cette amélioration est suffisante. Imaginez seulement, si, grâce à mes travaux, on pourrait stocker l'énergie de la foudre !
Ses yeux s'illuminèrent.
-Intéressant, en fin de compte ! Vous avez intérêt à respecter cette promesse.
-Ce n'était pas du tout une promesse, monsieur. C'était une hypothèse. Ce serait déjà bien de pouvoir faire le quart de la chose.
-Mouais, vous avez raison. Vous avez intérêt à faire fort, 58 !
-Bien sûr, monsieur.
Et je repartis vers mon bureau, satisfait d'avoir bien caché mon jeu, sans mentir complètement.
Je m'installai sur ma chaise. Avant de pouvoir travailler complètement avec Xenthores, il me fallait faire certaines choses... Comme affiner les plans, définir la quantité de matériaux et de composants nécessaires à la machine, vérifier quelques trucs.
On avait un seul gros problème. L'argent. Tout les matériaux ont un prix, et ce n'était pas avec mon compte en banque presque à sec que j'allais financer tout ça.
Pour ça, il me fallait d'autres contacts. Et je savais exactement qui appeler. J'effectuai un nouveau tour du côté de Discord, afin de joindre Witz.
Witz, c'est un gars sympa. Ses blagues ne sont peut-être pas toutes de bon goût et il arbore souvent un rictus simplet, mais c'est le genre de personne sur lequel on peut compter.
Ses talents ? L'archerie, en particulier. D'abord peu enjoué pour ce sport, il a ensuite commencé à le pratiquer de plus en plus souvent, et même à participer à des concours ! Concours dans lesquels il n'arrive jamais sur le podium, mais tout de même ! Jamais je ne pourrai atteindre son niveau...
C'est étonnant qu'il soit devenu aussi riche, après les modestes études d'éducateur qu'il a faites. Lorsqu'une fois, je lui posai la question, il me répondit que sa fortune faisait part d'un héritage... Mouais ! Je soupçonnais plutôt un tirage gagnant à la loterie.
Mon ami fut bien plus facilement raisonnable que Xenthores. Il fallut tout de même argumenter un peu, cependant il fut bien plus vite décidé à investir dans notre projet. "Bof, de toute façon ce n'est pas comme si cela pouvait me ruiner", disait-il.
Ensuite, il fallait convaincre mon meilleur pote, Atherach. M'était avis qu'on allait avoir besoin d'un informaticien pour créer cette machine. Lui, comme Xenthores, me proposa d'aller me reposer, avant que je ne lui parle du projet plus en avant et qu'il me conseille d'aller voir un psy. Quand je lui ai dit que Xenthores et Witz étaient prêts à investir leur temps et leur argent dedans, il écrivit juste un petit "OK" dans le fil de la discussion. Puis un autre message : "Ouaip, bah... appelle-moi dès que t'as besoin de moi..."
Ce à quoi je lui répondis : "pas tout de suite ! J'ai encore du travail à faire en solo, et ensuite je viendrai m'installer temporairement chez Xenthores."
En écrivant cette dernière phrase, je me rendis compte que je n'avais pas demandé la permission de logement à mon ami pyromane ! Je réparai cette erreur. Quatre minutes passèrent, avant que Xenthores me donne son approbation.
Ces détails réglés, je pouvais enfin me concentrer sur la machine ! J'ouvris mon logiciel d'infographie, et me mis à retranscrire numériquement les plans que j'avais faits. Ce n'est pas avec ma main maladroite que je pouvais me permettre de faire des schémas précis !
Je travaillai sur ces détails pendant une semaine. Et cette semaine, nom de Zeus... fut la pire de ma vie. Une semaine entière de calculs mathématiques en masse. Mais si ce n'était que ça ! Therier m'espionnait, au sens littéral. Le deuxième jour, alors que j'étais parti chercher une tasse de thé à la cafétéria, je le trouvai dans mon bureau, accoudé de manière étrange juste devant mes tiroirs, l'air comme si de rien n'était. Je m'étais débarrassé de tous mes plans papiers, heureusement ; tout avait été recopié plus ou moins proprement dans mon ordinateur. Tout ce qu'il y avait dans mon tiroir, c'étaient du matériel de bureau, et des feuilles de calcul qui ne voudraient rien dire, aux yeux d'une personne ignorante.
Mais dès le quatrième jour, après la pause de midi, je retrouvai mon portable ouvert, encore allumé. N'importe qui aurait pu se dire "Ah, tiens, j'ai oublié de l'éteindre !", mais pas moi. Depuis le début du projet, je faisais attention à fermer correctement mon ordinateur à chaque fois que je m'en allais... Cela signifiait que Therier rôdait dans les parages.
Ce qui arriverait si il voyait mon projet... Je n'osais l'imaginer. Serait-il capable de tuer un de ses collaborateurs, dans l'espoir de s'accaparer ses découvertes ? je me raisonnai. Non, ce n'est pas possible. Personne ne le ferait, pas même lui. C'était juste un peu de paranoïa, et rien d'autre.
Toujours est-il que je sentais son regard soutenu, à chaque fois qu'il passait devant la fenêtre de mon bureau. Les premières fois, cela ne me dérangeait pas, je n'avais qu'à prétendre qu'il n'était pas là, en changeant de fenêtre numérique pour ne pas qu'il voie mes travaux. Mais, voilà... Le temps et la répétition peuvent être un moyen de torture, les chinois l'avaient compris. Eh ! Le supplice de la goutte semble être anodin, au départ ! Une goutte d'eau, qui tombe sur le front du condamné, de manière régulière. Si la goutte est inoffensive au début, il paraît qu'après un certain temps, chaque goutte fait aussi mal qu'un coup de marteau.
Bref, plus le temps passait, plus je devenais parano. J'en étais au point de prendre mon ordinateur partout où j'allais, même pour aller aux toilettes.
Une semaine de travail plus tard, je pris mon ordinateur, mes outils, quelques livres et de quoi vivre, je compressai le tout dans une valise et un sac à dos, et, tranquillisé, je pris le premier train en direction de la Belgique.
Là, ce n'était qu'une question de temps avant que je ne retrouve l'adresse de Xenthores, et que je m'y rende. Quelques trains et bus plus tard, j'étais à l'entrée du village où il habitait. Les épaules meurtries par le poids de mon sac à dos, je me dirigeai vers son adresse, et sonnai à sa porte.
Le village en lui-même n'était pas exceptionnel ; ni vieux, ni contemporain. Quant à la maison, elle n'était ni trop moche et petite, ni trop pétante et grande. Une maison comme on en imagine souvent, quoi. Le temps d'observer les alentours, les pas de Xenthores se firent déjà entendre à travers la porte.
-Salut, gars ! fit-il, les bras écartés comme pour faire un câlin.
-Comment ça va ?
-ça va, ça va... Viens, entre ! Pose tes valises, tu dois être crevé !
Je le remerciai, avant de retirer mon sac à dos de mes épaules, en poussant un cri de soulagement. Je me permis d'explorer un peu la maison.
-C'est charmant, ici ! Comment t'as fait pour déjà avoir une maison comme ça ? tu as deux ans de moins que moi, et je galère à gérer mon apart' !
-En fait, je l'ai pas acheté... Je l'ai loué, il y a deux mois, expliqua Xenthores. La proprio est partie pour des vacances à long termes, et elle a eu l'idée de rentabiliser le logis.
-Ah... Et elle revient quand ?
-Elle m'a dit qu'elle voyageait pendant un an, voire plus. Donc t'inquiètes, les six mois seront respectés, on va pas être virés en pleine construction.
-Le problème, c'est que ça va sans doute prendre plus que six mois...
-Mais... Et ton job ? demanda mon pote. Après six mois, t'es viré !
-Mon job ? Pff ! Dès qu'on aura réussi, je pourrai me rendre chez Breakthrough Knowledge, me poster devant le bureau de Therier, et gueuler les vérités que personne n'ose proférer sur lui, que tout le monde m'entende lui donner la raclée qu'il mérite. Il pourra me supplier pour revenir dans la boîte, je m'en foutrai royalement ! Avec le mérite que me donnera la construction de cette machine, je pourrai enfin accéder à des jobs qui ont des patrons moins tyranniques.
-Ah, ouais, carrément... T'as pris tes données avec toi, au moins ? Tes plans ?
-J'ai tout dans mon ordinateur ! Et j'ai quadruple-check avant de partir. Tiens, je le sors maintenant...
-Ah, aussi, t'as pensé au problème de l'argent ? Je sais que t'es pas en bonne situation, et je suis pas riche non plus...
-Ne t'inquiètes pas pour ça, Witz est OK pour investir. J'ai presque fini de calculer les matériaux qu'il nous faudra au minimum, il ne reste qu'à lui envoyer les données.
-Eh ben ! fit mon pote, surpris de mes méthodes.
-Où est-ce qu'on peut commencer la construction ?
-Le garage devrait être bon... Tu disais que c'était quelle taille en hauteur, la machine ?
-Deux mètres.
-Le garage en fait environ trois, ça devrait aller. Y a de l'espace, la proprio est partie avec sa voiture et je n'en ai pas.
-PARFAIT ! fis-je, satisfait.
Avant de me concentrer sur mes calculs, j'ai pris mes aises. J'ai cherché dans la réserve de mon pote, voir s'il n'y avait pas de bonnes boissons... Il n'y avait pratiquement que de l'eau, un ou deux softs et des boissons alcoolisée. Xenthores prit une bière, pour un "verre de l'amitié", comme il l'appelait, et moi j'ai juste pris un soda.
Un petit apéro entre amis... ça faisait longtemps ! ça faisait du bien, aussi. Je me suis juré de rendre visite à mes parents dès que j'en aurais eu le temps. Eux aussi seraient contents de me voir !
Comme le soir tombait, Xenthores m'a déplié le canapé-lit et y a installé les quelques coussins et couvertures dont il disposait. Le tout était peu confortable, mais peu importe. J'avais un endroit où dormir, dans la maison même où j'allais travailler les prochains mois, et c'est tout ce qui comptait. Je logeais gratuitement, cependant j'insistai pour payer ma part des courses hebdomadaires, afin de ne pas être en reste.
Quelques jours plus tard, moi et Xenthores avions fini de calculer la quantité des matériaux nécessaire. Pour être sûr que nous aurions la quantité requise, nous avons même arrondi notre résultat vers le haut ! En tout cas, ce qui était certain, c'était qu'on aurait jamais pu financer tout ça de nos poches... J'appelai Witz, et lui communiquai nos calculs. C'est lui qui achèterait les ressources, et qui les ferait livrer chez Xenthores. Un premier problème résolu ! Il ne restait plus qu'à attendre.
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