Sophia passa sa première nuit dans sa maison sur un vieux lit encore en bon état. La maison était meublée, les placards et le frigo remplis avec le minimum nécessaire.

Elle prit son petit déjeuner et s'installa sur son bureau avec la mallette de documents. Elle fit l'inventaire de ses papiers et se connecta sur le net avec un vieux portable datant de Mathusalem. Lorsqu'elle consultât son compte en banque, elle crû qu'il y avait une erreur.

– Bordel ! Il y a combien de zéros ?

Avec cet argent elle avait de quoi se refaire une vie, c'était sûr. Elle se rappelait ce que Sacha lui avait donné comme conseil : créer son studio de danse. Elle avait largement la place de le construire au rez-de-chaussée. Sa maison était sur trois niveaux, elle se demandait justement ce qu'elle allait faire de tout cet espace à elle seule. Un grand espace qui donnait sur les quais directement. En effet, la maison donnait sur un lac privatif.

Elle prit des mesures avec un mètre qu'elle avait trouvé dans une caisse au fond d'un placard. Elle reporta les mesures et les informations sur les ouvertures, l'électricité et réfléchit toute la matinée sur son nouveau projet. Aller de l'avant, elle écouterait les conseils de son amie Eve, se promit-elle.

A midi passé, elle décida de faire un tour vers la ville la plus proche afin de faire quelques emplettes et trouver quelqu'un pour ses travaux. Le vieux Ford démarra au quart de tour, par contre, il n'avait pas la direction assistée, elle allait se faire les bras.

Elle roula vingt minutes environ avant de rejoindre la ville de Saint-Hippolyte, commune de huit mille habitants environ. L'église était en brique rouge, sa flèche blanche fendant le ciel. Des maisons en bois peints de toutes les couleurs longeaient certaines rues. Des commerces étaient regroupés dans un centre commercial, les uns à côté des autres. Les lacs étaient partout dans la région et le temps semblait bientôt partir à l'orage. Elle se stationna devant un magasin de bricolage. Une jeune jolie femme d'une vingtaine d'années était à la caisse. Elle était en train de s'occuper d'autres clients alors Sophia partit à la recherche d'une autre personne pour la renseigner. Elle finit par tomber sur un homme brun, visiblement bien bâti,  de dos, en train de faire la mise en rayon.

– Bonjour, excusez-moi de vous déranger.

L'homme se leva pour lui répondre et lui offrit un sourire tout à fait craquant. Beaucoup de charme se dégageait de lui, mais une charme naturel.

– Bonjour, que puis-je pour vous ?

Mouna fut surpris de constater que cet homme n'avait pas d'accent québécois, mais français.

– Oui, euh, je viens d'arriver en ville. J'ai acheté une maison à vingt-minute d'ici et je cherche un artisant pour des travaux.

– Quels types de travaux ?

– Ouvrir un mur pour installer une grande baie vitrée, poser un parquet au sol, des miroirs sur tout un mur et remettre aux normes l'électricité et la sécurité.

– La sécurité ?

– Oui pour les enfants. Parce qu'il y a le quai devant, je ne veux pas être inquiète pour ça.

– Vous avez des enfants ?

– Non.

Comprenant qu'elle s'était emmêlée dans ses explications elle recommença tout depuis le début.

– Je m'excuse, je vais être plus claire.

Le vendeur semblait amusé par cette rencontre et la fixait les bras croisés et le visage souriant.

– Je voudrais construire un studio de danse dans ma maison. Au rez-de-chaussée. Mais celui-ci donne sur le quai alors je voudrais mettre des barrières et un portail verrouillé. Connaîtriez-vous quelqu'un qui pourrait le faire ?

– C'est possible.

À ce moment-là la jeune vendeuse l'appela depuis l'autre bout du magasin.

– Lucas ! Je vais manger avec Emma ce midi, tu te rappelles ?

– Ah oui, c'est aujourd'hui. Tu ne seras pas là cet après-midi non plus ?

– Non, on se retrouve ce soir chez Romy ?

– OK. Bon aprèm' ma puce !

Sa copine claqua la porte en tournant l'écriteau d'ouverture en sortant. Dehors l'orage se mit à gronder fort à ce moment-là.

– Je suis désolé, vous êtes fermés. Je repasserai plus tard. S'excusa Sophia.

– Non, non restez ! Je vais examiner votre projet et vous établir un devis.

– Oui, alors j'ai pris quelques mesures et fait un plan avec un logiciel sur internet.

– Je préférerais voir le lieu du chantier pour me faire une idée réaliste.

– Oh oui, bien sûr. Je comprends. Quand seriez-vous disponible pour y jeter un œil ?

– Maintenant. Si vous êtes disponible.

– Maintenant ? Oui. Je voulais juste passer prendre quelque chose à manger pour ce midi. Je vous invite ?

– Volontiers. On peut passer chez mon ami Jacob qui tient un boui-boui. Il sert la meilleure Poutine de toute la région.

– Ça marche ! Je vous fais confiance.

Il attrapa sa veste en cuir et l'invita à sortir du magasin. Elle lui proposa de partir avec sa voiture. L'orage se rapprochait de plus en plus, assombrissant le ciel et les éclairs clignotaient de toutes parts.

Ils passèrent à quelques rues de là pour acheter la Poutine. Son ami Jacob avait la cinquantaine et des traits typiques d'Amérindiens. Il n'était pas très souriant, mais Lucas semblait l'apprécier beaucoup.

Il s'était présenté dans la voiture à la jeune femme et lui expliqua qu'il était bien vu de se tutoyer dans la région.

Elle se dirigea chez elle et en profita pour poser des questions à Lucas sur la région et la culture. Au moment où ils arrivèrent chez elle il se mit à pleuvoir à grandes eaux. Le temps qu'ils rentrent chez elle, ils étaient tous deux trempés en riant comme des enfants.

Elle lui proposa une serviette de bain pour s'essuyer. Il la remercie et enleva sa veste et sa chemise mouillée sans la moindre gêne. Sophia était allée chercher des assiettes et des couverts. Quand elle se retourna, elle resta bouche-bée. Il était tellement appétissant qu'elle vérifia si elle ne bavait pas. Robuste et musclé juste comme il faut. Il ne faisait pas de gonflette, mais il se dépensait beaucoup, ça se voyait. Elle tourna la tête pour pas qu'il voie les rougeurs sur son visage.

– Je suis désolé, mais je n'ai pas de vêtements d'homme à vous dépanner.

– Ça ira, l'orage risque de durer, mes vêtements auront le temps de sécher. Où est la pièce ?