L'observateur peut voir la crise, et sentir le poids sous-jacent dans une situation qui n'est pas la sienne. Il voit l'amour asymétrique, la mort imminente, les papillons noirs sous couvercle fragile. Il aimerait y faire quelque chose, faire taire sa peur, mais il n'y peut rien.

Il voit les papillons fourmiller de plus en plus demandeurs, prêts à exploser, à briser la cage de plastique et à répandre autour d'eux les maux de l'humanité en laissant derrière le papillon aux ailes bancales de l'Espoir.

Voir est impuissant et ne donne pas de droit ; voir n'est pas insupportable comme le viol de l'écoute, voir permet de ne pas agir. Il suffit de baisser la paupière.

Comme ces hommes qui sont des loups, ces regards fuyants sont l'ombre qui n'a pas le cœur de regarder sa propre réflexion - yeux bas et souvent perdus, presque absents.

« Mais ce qu'il voulait dire, c'était que mes yeux étaient bleus comme les siens, mes cheveux noirs, comme les siens et quand nous nous regardions les yeux dans les yeux, nous ne pouvions pas supporter tant de tristesse. En fait, quand nous nous regardions dans la glace, Dali et moi, c'était d'une intolérable tristesse. Pour lui, la tristesse est belle. » (1)

Pour lui, elle est attrayante. La perte de l'âme est un sacerdoce pour eux, l'observateur le sait, et il sait que le toit de la maison va bientôt s'effondrer sur les victimes de cette catastrophe. Elles ne pourront que constater l'échec. L'inutilité des choses entreprises, la rapidité de l'effondrement. Les papillons noirs proliféreront autour d'eux comme la vermine autour de la chair putride, et ils fermeront les yeux.

(1) Jack Kerouac, Les Anges Vagabonds

Le 28 Août 2019