La civilité débute par le meurtre
Parfois, lorsque je croise des yeux hagards dans la rue, une bouche entrouverte, un air bovin inscrit sur le visage d'un accouplement entre un fœtus mal formé et une couvée de singes, quand j'entrevois par la grille le jardin des voisins, entend une bribe de leurs conversations, des échos de leurs vies pathétiques, j'hésite. Une brique. Une brique c'est lourd, contondant, trois ou quatre coups bien placés suffiraient. Ou alors un couteau. J'en ai toujours un rétractable dans mon sac, au cas-où. Avec un peu de force, la strangulation pourrait suffire aussi. Cela implique plus de contact peut-être, plus de chaleur.
Il faut voir cela comme un service, d'humain à humain. Hegel disait qu'on ne devenait pas homme sans cela, qu'il fallait prouver son humanité par le surpassement de la peur de la mort. Et puis, ce n'est pas moi qui ai demandé, c'est eux, leur embourbement dans le non-sens, leur acceptation d'une vie répétitive, lassante et sans enjeu. Ils l'implorent en permanence, ils ne peuvent pas l'accepter, ni eux, ni leurs idéaux misérables.
- Tue-moi.
L'humanité doit bien s'entraider après tout. C'est ainsi que cela a commencé. On dit souvent dans les mythes, que la fondation civile a commencé par un fratricide. On en dépeint l'horreur. On en oublie trop souvent la bonté.
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La question du meurtre est le fil conducteur de l'humanité. Comment la civilisation finit par se retrouver contre elle-même et se détruire, là où elle a été élaborée pour se protéger contre le meurtre ? Car celui qui a commencé la civilisation la termine par cet acte. La voici, l'histoire de l'humanité : nous allons du meurtre au meurtre.
Le 30 Août 2019
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