L'écriture est le reflet des trieb insurmontables de l'âme. Le philosophe aux manières bonhommes, aux airs épurés, le dit sur le ton de la vérité absolue.

• Un bon texte doit être une découverte. Si vous écrivez et que vous ne vous perdez pas tel le marin à la dérive, si vous ne poursuivez pas cette perte jusqu'à trouver, si vous abandonnez face à la mer noire et déchaînée qui se renverse sur vos têtes - vous ne découvrirez jamais ce qu'il y a au-delà.

Il toise les apprentis de ses regards presque ahuris , de ses cheveux grisonnants et virevoltants, il secoue frénétiquement la tête en attendant la réciproque. Les disciples hochent docilement. Il sait qu'il vient de gagner, alors il poursuit :

• Mes chers petits. Quand vous désirez un objet - qu'importe sa nature, fût-il un être, fût-il un concept, fût-il une chose, en désirez-vous seulement une partie ? N'en voulez-vous qu'un fragment, qu'un bris ?

Les jeunes disciples suspendus aux mots proférés, soudain mis face à leur absence, hochent inversement la tête, perplexes. Le philosophe explose :

• Non ! Ce que vous voulez, c'est l'absolu !

Nous désirons l'absolu, c'est donc cela la raison. Nous le suivons jusqu'à l'entière absorption de ses mots, de ses vérités qui jaillissent, vociférés comme un coup de poing donné sur une vitre. Une vitre qui éclate en une multitude morcellée, donnant sur un mur démesurément long. Démesurément long et entier.

Nous sortons de la salle pensifs, perdus dans les bris du verre cassé. Et nous comprenons - un peu seulement - que nous ne sommes que dans un moindre morceau de cette traversée.

Aux environs de décembre 2019