Chapitre 18 : Notre voyage à Paris
Je me réveille avec une humeur exquise, bercée par la douce lumière du jour qui s’infiltre à travers les rideaux.
À mes côtés, je sens un corps chaud s’étirer avec langueur, tandis qu’un bras vient doucement s’enrouler autour de mon ventre. Une tête s’installe sur ma poitrine, recouverte du tee-shirt que Brandon m’avait prêté la veille. Avant que vous n'ayez des idées, je vous devine déjà. Non, il m’a seulement prêté son tee-shirt par simple gentillesse. Certes, j’aurais pu enfiler l’un de mes propres pyjamas, mais qui peut refuser un tee-shirt imprégné de l’odeur de son homme ? Cette odeur familière, rassurante, a un effet calmant sur moi, comme une promesse silencieuse de sécurité.
— Bonjour, toi, murmure Brandon en respirant profondément contre moi.
— Bonjour, dis-je en souriant.
— Tu as bien dormi ?
— Comme un bébé.
— Petit-déjeuner ?
— Oui, mais laisse-moi d’abord me rafraîchir un peu et me brosser les dents. Il est quelle heure, d'ailleurs ?
— 7 h 45.
— Si tôt ! On pourrait encore traîner un peu au lit, non ?
— J’aimerais bien, mais on a rendez-vous avec le client à 10 h 15, et il y a une bonne demi-heure de route jusqu’au salon de thé.
— Oh ! Bon, d’accord, allons manger alors.
— Je t’attends ici.
Je me lève, me dirigeant vers la salle de bain. Comme la veille, je me prépare rapidement, sous la douce caresse de l’eau chaude de la douche. Pas de commentaires cette fois sur mes dents, promis ! Je sais bien que ça vous a déjà assez ennuyé.
En un quart d'heure à peine, me voilà prête. Je dois admettre que ce matin, je suis étonnamment rapide. Peut-être parce que j’avais pris soin de préparer ma tenue la veille. Oui, c’est l’une de mes petites habitudes du matin : choisir mes vêtements à l’avance pour éviter tout stress inutile. Une organisation qui, je dois le reconnaître, m’a souvent évité bien des contretemps.
Ma tenue du jour ? Une chemise à carreaux bleu marine, un pantalon slim noir - un basique, mais incontournable pour nous les filles - et une paire d’escarpins noirs. Simple, direz-vous. Et vous auriez raison. Une tenue sobre pour un rendez-vous professionnel. Une personne plus conventionnelle aurait peut-être choisi de « sortir le grand jeu », mais ce n’est pas mon style. Je préfère rester authentique, moi-même, même lors d’une rencontre avec un client important. Après tout, Brandon m’a prévenu que ce client en particulier n’apprécie que les femmes au caractère simple et naturel.
Je rejoins Brandon dans la chambre, prête à affronter la journée.
— Alors, comment tu me trouves ? Demandai-je en tournant sur moi-même pour lui montrer ma tenue.
— Magnifique, comme toujours, me répondit-il avec un sourire doux.
Flattée, je prends mon sac à main et nous descendons ensemble à la salle à manger de l’hôtel pour prendre un petit-déjeuner copieux. C’était sans doute l’un des meilleurs petits-déjeuners que je n’aie jamais eu l’occasion de déguster : des viennoiseries légères, des fruits frais, des jus pressés à la minute... Un véritable festin matinal.
— Attends, tu as quelque chose au coin de la bouche, me dit Brandon en riant.
Je m’arrête, confuse, tandis qu’il s'approche pour m’essuyer délicatement le coin des lèvres avec une serviette.
— Du chocolat, précise-t-il en souriant.
— Ah, merci ! Dis-je, un peu embarrassée.
Nous terminons le repas dans un silence complice, avant de monter dans la voiture pour nous diriger vers notre rendez-vous. L’idée de cette première rencontre professionnelle me stresse un peu. C’est la première fois que je me retrouve dans ce genre de situation, et je ne suis pas tout à fait à l’aise avec le protocole à suivre. Pourtant, je suis déterminée à bien faire.
Brandon gare la voiture dans un parking à proximité du salon de thé. Il coupe le moteur, puis se tourne vers moi.
— Tu es stressée ? Ça se voit un peu... Me dit-il en souriant légèrement.
— Tant que ça ? Dis-je, en tentant de masquer mon malaise.
— Un peu, ouais. Mais t’inquiète, ça va bien se passer.
— Mes mains sont moites... Ce n’est pas très professionnel.
— Regarde-moi, Vic.
Je tourne la tête, plongeant mon regard dans le sien.
— Tu vas assurer à ce rendez-vous, j’en suis convaincu. Tu sais, pour moi, c’était pareil au début. Tiens, je vais te raconter une anecdote. Lors de mon tout premier rendez-vous professionnel, j’étais tellement angoissé que, même avec mon père à mes côtés, je n’ai pas réussi à calmer mes nerfs. Dès que je me suis assis à la table, j’ai... Vomi. Oui, sur tous les documents éparpillés sur la table. La honte de ma vie !
— Tu as vomi ?! Dis-je, éclatant de rire malgré mon stress.
— Oh oui. Et crois-moi, ce n’est pas un souvenir agréable. Alors, peu importe comment tu réagiras aujourd’hui, ce sera forcément mieux que ça. Je te fais confiance. Et puis, le client va t’adorer. Tout comme moi.
Je souris, touchée par ses mots.
— Merci, Brandon. Vraiment.
— On y va ? Tu es prête ?
— Oui, allons-y !
Nous descendons de la voiture, et Brandon prend ma main dans la sienne, m’entraînant avec douceur vers la porte du salon de thé.
Le lieu est charmant. À la fois rétro et moderne. Les murs sont faits de briques, évoquant un style londonien authentique, tandis que les meubles et le comptoir, teintés de rose, apportent une touche de fraîcheur. Les tables, quant à elles, mêlent rustique et contemporain, créant une ambiance unique et chaleureuse. Des lampes suspendues au plafond diffusent une lumière douce et tamisée, parfaite pour une atmosphère intime et agréable.
Au milieu de la salle, un homme en costume, visiblement hors de contexte parmi les touristes parisiens, attire immédiatement notre attention. Il ne fait aucun doute que c’est notre client. Nous nous dirigeons vers lui, et Brandon engage la conversation.
— Bonjour, vous devez être, Monsieur Morin, dit-il d’un ton posé.
— En effet, c’est bien moi, répond l’homme en souriant.
— Enchanté de vous rencontrer. Je suis Brandon Sky, patron de SkyCorp. Voici Victoire Smith, ma stagiaire, qui ne prendra pas part à l’entretien si cela ne vous dérange pas.
— Pas de souci, asseyez-vous, je vous en prie. Souhaitez-vous quelque chose à boire ?
— Non, merci, répond Brandon poliment.
Les présentations faites, Brandon sort les documents qu’il a apportés pour le rendez-vous.
— J’ai réuni toutes les informations que vous aviez demandées. J’avoue avoir été surpris par la précision et la quantité de détails requis.
— Nous tenons à être minutieux pour garantir une collaboration sans accroc, répond M. Morin avec un sourire énigmatique. Après tout, vous ne voudriez pas que vos concurrents aient accès à vos informations confidentielles, n’est-ce pas ?
Brandon acquiesce avec sérieux, et l’entretien se déroule de manière fluide. M. Morin me jette un regard amusé de temps à autre, semblant m’apprécier, ce qui me détend un peu. Toutefois, la nervosité de Brandon est palpable.
À la fin du rendez-vous, M. Morin se lève, annonçant qu’il est déjà attendu ailleurs. Avant de partir, il s’adresse directement à moi.
— Mademoiselle Smith, vous m’avez l’air pleine de ressources. Pourquoi ne pas prendre en charge ce projet vous-même ? Je suis certain que vous ferez un excellent travail.
Je sens Brandon se tendre à côté de moi, mais avant qu’il ne puisse protester, je saisis cette opportunité avec assurance.
— Ce serait un honneur, Monsieur Morin, dis-je avec un sourire confiant.
Brandon me lance un regard réprobateur, mais je fais mine de ne pas le remarquer. M. Morin, satisfait, nous salue une dernière fois avant de quitter le salon.
Une fois seul, le silence s’installe. Brandon se pince l’arête du nez, visiblement agacé.
— Pourquoi as-tu accepté de faire ce travail, Vic ?
La voix de Brandon résonnait sèchement dans le bureau, coupant l'air comme un coup de fouet. Je sentis immédiatement le regard de mes collègues peser sur nous. Il venait de m'humilier devant tout le monde, mais je n’allais pas me laisser faire.
— Je te rappelle que je suis stagiaire, répliquai-je, tentant de garder mon calme. Et en tant que stagiaire, mon rôle est d'apprendre. C'est d'ailleurs pour ça que tu m'as amenée en France, non ? Pour découvrir le webmarketing ?
Il fronça les sourcils, ses yeux perçants reflétant une incompréhension teintée de frustration.
— Tu n’y connais rien !
— Alors apprends-moi ! M'exclamai-je, en haussant le ton. Ne suis-je pas censée être ici pour ça ?
— Tu ne sais pas ce que tu dis, murmura-t-il, d’une voix plus calme, mais tout aussi tendue.
Je secouai la tête, déconcertée par sa réaction. Son attitude m’échappait totalement.
— Pourquoi tu me fais une scène devant tout le monde juste parce que j’ai accepté de travailler pour un client ?
Brandon sembla hésiter un instant, comme s’il pesait ses mots, cherchant la bonne formulation pour exprimer ce qu’il ressentait sans tout dévoiler.
— Ce client n’est pas comme les autres, finit-il par dire. Le travail que nous devons fournir est… Particulier. Il nécessite une certaine expérience que tu n’as pas encore.
Son ton protecteur frôlait l’agacement. Pourtant, ses mots n’avaient pour moi qu’un seul écho : le manque de confiance.
— Quelle confiance ! Ironisai-je avec un sourire crispé. C’est vraiment motivant de t’entendre dire ça.
— Je suis désolé, soupira-t-il. Une fois rentrés à Manhattan, on pourra rattraper tout ça, je te le promets.
— Je n’ai pas le choix, de toute façon, répondis-je avec sarcasme.
— Ne le prends pas comme ça...
— Je le prends comme je le veux, Brandon ! Le problème, c'est que tu ne me fais pas confiance. Et je me demande sincèrement dans quel genre de relation, on est, si elle n'est même pas basée sur la confiance.
Il baissa les yeux un instant, évitant mon regard. J'avais touché un point sensible, je le savais. Mais je n’allais pas m’arrêter là.
— Écoute, dit-il doucement. Ce n’est pas une question de confiance. Je dois juste protéger les intérêts de l’entreprise.
— Pourquoi ? C'est un criminel ce client ou quoi ?
— Non, bien sûr que non, grogna-t-il.
— Alors quoi ? Qu’est-ce que tu me caches encore ?
Brandon prit une longue inspiration, mais ne répondit pas tout de suite. Je voyais bien qu’il se débattait intérieurement.
— Je ne peux pas t’en parler, c’est confidentiel.
— Parfait. C’est bien ce que je pensais.
Je sentais la colère monter en moi, étouffée par l’incompréhension et la déception.
— Quand tu voudras bien me faire confiance et me traiter comme une véritable partenaire, tu me feras signe. En attendant, j’ai besoin de prendre l’air. Tu m’as épuisée !
Sans attendre de réponse, je sortis précipitamment du bureau. Le froid parisien me frappa immédiatement le visage alors que je dévalais les marches de l'immeuble, espérant qu'il ne me suive pas.
Cela faisait maintenant deux heures que j’errais dans les rues de Paris, la tête pleine de pensées confuses. Le vent glacial mordait mes joues, et de la buée sortait de mes narines à chaque respiration. Mes mains étaient rougies par le froid, et je regrettais de ne pas avoir pris des gants en sortant.
Sans m'en rendre compte, mes pas m'avaient guidée vers l'université Paris Diderot, où habitait ma meilleure amie, Gwendoline. Depuis combien de temps n'avais-je pas vu Gwen ? Trop longtemps. Nos chemins avaient divergé, elle restant à Paris tandis que je m'envolais pour Manhattan. L'idée de la revoir sans la prévenir me rendait nerveuse, mais mon corps agissait avant que mon esprit ne prenne une décision claire. Bientôt, je me trouvai devant la porte de son petit studio, hésitante.
Mon doigt effleura la sonnette. Est-ce qu’elle était là ? Et si elle était avec quelqu’un ? Peu importe. J’appuyai finalement sur le bouton, le son résonna dans le silence du couloir.
Quelques secondes, plus tard, la porte s’ouvrit, dévoilant Gwendoline, fidèle à elle-même, avec ses cheveux noir corbeau, ses mèches rouge vif, et son style gothique toujours aussi affirmé. Elle me regarda, figée, comme si elle voyait un fantôme.
— Qu’est-ce que fait ma meilleure amie ici ? Oh non… Ne me dis pas que tu es morte et que c’est ton esprit qui se tient là ?
Je ne pus m'empêcher de sourire. Son humour morbide me manquait.
— Non, Gwen, c’est bien moi, vivante et entière. Je suis rentrée de Manhattan pour quelques jours.
Son visage s’éclaira soudainement, et elle me sauta dans les bras avec un enthousiasme démesuré.
— C’est trop bien ! Cria-t-elle, me serrant si fort que j’eus du mal à respirer.
— Doucement, tu vas me briser en deux !
— Je m’en fiche ! S'exclama-t-elle, éclatant de rire. Tu m’as tellement manqué, ma belle ! Je croyais que tu m’avais oubliée.
— Toi ? Oublier ma meilleure amie ? Jamais ! Répondis-je en riant.
Elle me fit entrer dans son petit studio, décoré avec son style si particulier, mélange de mysticisme gothique et d’art vintage. Tout était exactement comme je me souvenais.
— Donne-moi ta veste, ordonna-t-elle en la jetant sur le porte-manteau. Alors, raconte ! Comment ça se passe à Manhattan ?
— Pas mal, dis-je en haussant les épaules.
— Pas mal ?! C’est tout ce que tu trouves à dire ? Allez, balance ! J’en suis sûre, tu as déjà rencontré un beau mec là-bas. Avoue !
Je ris doucement.
— Tu me connais trop bien.
Ses yeux s'illuminèrent.
— Je le savais ! Alors, c’est qui ? Il est comment ?
— Il est… Parfait. Beau, intelligent, attentionné, et...
— Wow, dit donc ! Tu as décroché le jackpot ! Et il a un défaut, ce superman ?
— Ouais, un gros même.
— Vas-y, je veux savoir !
— C’est mon patron.
Le silence tomba brusquement. Gwendoline, qui buvait de l’eau, recracha presque tout, suffoquant à moitié. Je me précipitai pour lui tapoter le dos.
— Tu plaisantes ?! C’est une blague ?! S’écria-t-elle, la voix encore rauque.
— Non, pas du tout.
Elle resta silencieuse, le visage figé dans une expression d’incrédulité.
— Oh. Mon. Dieu, souffla-t-elle finalement. T’es sérieuse ? Ton patron ?! Mais c’est carrément un fantasme ambulant, ce genre de truc ! Qu'est-ce qui te fait dire que c’est compliqué, alors ?
— Ce matin, on avait un rendez-vous avec un client, et le client m’a proposé de travailler directement avec lui. Brandon n’a pas voulu, et je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi.
Gwen me lança un regard dubitatif, un sourcil arqué.
— Peut-être qu’il est jaloux, suggéra-t-elle avec un sourire en coin.
— Jaloux ? De quoi ?
— Oh, voyons ! Tu étais avec un homme d'affaires super séduisant, non ? Peut-être que ce client t’a un peu trop complimentée à son goût.
Je me remémorai la scène. C'est vrai, il y avait eu des regards insistants, des compliments ambigus... Mais de là à imaginer que Brandon pouvait être jaloux...
— Tu crois ?
— J’en suis sûre ! Il s’est probablement senti menacé. Ce n’est pas facile pour un homme d’accepter que quelqu’un d’autre s’intéresse à la femme qu’il aime.
Je restai silencieuse, perdue dans mes pensées. Peut-être avait-elle raison. Peut-être que tout cela n’était qu’une question d’insécurité.
— Alors, pardonne-lui, conclut Gwen. D’accord ? Ce n’est pas le moment de tout gâcher pour un malentendu.
Je soupirai, tentant de faire la paix avec mes émotions.
— Je verrai…
— Tu verras, tu verras… Mais en attendant, lâche un peu la pression ! On va sortir ce soir, histoire de se changer les idées. Ça te dit ?
Je ne pouvais m'empêcher de sourire. Oui, une soirée avec Gwen, comme au bon vieux temps, serait peut-être exactement ce dont j'avais besoin.
— D'accord. Juste pour ce soir.
— On va bien s’éclater, tu verras !
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