Chapitre 21 : Mon réveil
Elle se réveille ! S’écria une voix que je ne reconnaissais pas.
— Mademoiselle, si vous m'entendez, serrez ma main aussi forte que possible !
Un frisson parcourut mon bras, s'étendant jusqu'à ma main. Je ne savais pas si j'avais réussi à répondre à cet appel, mais je sentis une vague de chaleur et de vie se répandre à travers mon corps engourdi. Quelque chose changeait.
— Oui, c'est ça ! Docteur, ses signes vitaux augmentent ! Elle est en train de revenir à elle !
— Je vois, répondit une autre voix plus grave. Faites sortir la famille, je vous prie.
Un léger mouvement à ma gauche attira mon attention.
— S'il vous plaît, laissez-nous rester, implora une voix féminine que je reconnus immédiatement comme celle de ma mère.
— Je suis désolé, madame, mais pour évaluer son état, je dois rester seul avec ma patiente. Je viendrai vous donner des nouvelles dans la salle d'attente, je vous le promets, dit calmement le médecin.
— Mais… Elle se réveille, non ? Intervint mon père avec une note d'inquiétude.
— Nous ne pouvons pas en être certains pour l'instant, monsieur Smith. Je vous demande de quitter la chambre.
Dans un silence lourd, mes parents, ainsi que Brandon – du moins, je supposais qu'il était avec eux – quittèrent la pièce.
Tout à coup, une lumière blanche aveuglante déchira mon esprit, semblable à celle que j'avais déjà vue. Était-ce… Le paradis ? Si ce n'était pas le paradis, alors où étais-je ?
— Mademoiselle, êtes-vous avec nous ?
Cette voix grave, rocailleuse, résonnait tout près de moi. Je reconnus aussitôt qu’elle appartenait au médecin. À son timbre, je devinai qu’il devait être un fumeur invétéré. Étrange, pensai-je, pour quelqu’un dont la profession est de soigner les autres, de prendre si peu soin de sa propre santé. S'il ne changeait pas rapidement ses habitudes, il ne verrait probablement pas sa soixantaine.
Je sentais mon esprit lentement revenir à la conscience, comme s'il sortait d’une profonde léthargie. Pendant tout ce temps passé dans le coma, mon cerveau était resté en pause, suspendu, incapable de fonctionner normalement. C’est difficile à expliquer, mais c’était comme si chaque cellule manquait d’oxygène, paralysant ainsi toute tentative de communication entre mon corps et moi-même. Mais à présent, cette sensation insupportable s’évanouissait peu à peu. Je retrouvais lentement des sensations dans mes jambes, mon torse, mes bras, mes doigts. Et, plus important encore, je savais que mon esprit n’avait pas complètement cédé.
Je tentai d’ouvrir un œil, mais la lumière dans la pièce était si forte que je dus le refermer aussitôt. Une douleur perçante envahit ma tête, une douleur si intense que je ne pouvais même pas la décrire. C’était comme si des milliers d’aiguilles transperçaient mes pensées. Je n’avais jamais ressenti une souffrance aussi violente auparavant.
— Oui, c'est bien, mademoiselle, encouragea la voix du médecin. Essayez d’ouvrir les yeux. Vous pouvez le faire !
Merde. Il m’avait vue essayer.
— Allez-y, recommencez. Vous pouvez y arriver ! Allez, encore une fois !
Avec précaution, je rouvris d’abord un œil, puis le second. Mes paupières clignaient face à la lumière, mais je parvins à m’adapter lentement. Le visage du médecin apparut devant moi, un homme d’une cinquantaine d’années, avec des cheveux gris clairsemés et un début de calvitie. Ses yeux d’un bleu pâle semblaient percer à travers moi, et son long nez, presque aristocratique, lui donnait un air sévère. Pourtant, sa bouche aux lèvres charnues et sa barbe naissante adoucissaient l’impression générale. Il portait, bien sûr, une blouse blanche immaculée, des gants en latex, et tenait un stylo muni d'une petite lampe qu'il approcha de mes yeux pour les examiner. Sa main se posa doucement sur mon poignet, vérifiant apparemment mon pouls.
— Bienvenue dans le monde réel, mademoiselle, dit-il avec un sourire bienveillant. Je suis le docteur Défauche, celui qui s’est occupé de vous pendant votre coma. Comment vous sentez-vous ? Avez-vous mal quelque part ?
Il avait l’air plutôt sympathique, ce docteur.
— Je… j’ai mal… Parvins-je à murmurer, ma voix rauque et difficile à contrôler.
— C’est tout à fait normal, après une aussi longue période d’inconscience, me rassure-t-il.
Je pris une inspiration laborieuse.
— Combien… de temps… ? Parvins-je à articuler, la gorge sèche.
— Pardon, je n’ai pas bien entendu ?
— Coma… Combien de temps ?
Le médecin hésita un instant avant de répondre.
— Vous êtes restée dans le coma pendant plusieurs mois.
Plusieurs mois ?! Mon esprit s’affola. Comment cela était-il possible ? Pour moi, il ne semblait s’être écoulé que quelques jours, tout au plus. Je compris soudain la tristesse que j’avais perçue dans les voix de Brandon et de mes parents. Mon cœur se serra à l’idée de les avoir laissés dans l’angoisse aussi longtemps.
— Brandon… Mes parents…
— Je vais aller les chercher. Vous leur avez terriblement manqué, vous savez. Ils seront fous de joie de vous voir réveillée, me dit-il avec un sourire rassurant.
Je hochai doucement la tête.
Le docteur Défauche me lança un regard étrange, comme s’il avait perçu quelque chose en moi, avant de se détourner et de quitter la pièce sans un bruit.
Je profitai de ce moment pour observer autour de moi. La chambre où je me trouvais était, contre toute attente, plutôt agréable pour une chambre d’hôpital. Les murs étaient tapissés d’un bleu ciel, parsemés ici et là de délicates roses rouges. Mon lit, bien que destiné à une seule personne, était assez grand pour que je m’y sente à l’aise. Un petit salon cosy se trouvait à ma gauche, près de la fenêtre, où trônait un magnifique bouquet de fleurs : des tulipes – mes préférées – accompagnées de roses et de violettes. Le bouquet, parfaitement arrangé, illuminait la pièce.
Sur la table de chevet, deux photos attiraient mon regard. L’une représentait ma famille – mes parents, mon petit frère Valentin et moi – et l’autre, Brandon et moi, souriant, insouciants. Un pincement au cœur me saisit en pensant à mon frère. Cela faisait si longtemps que je n’avais pas échangé un mot avec lui. D’ailleurs, il n’avait pas dû venir me voir pendant tout ce temps. Cela me rendait triste. Depuis quelques mois, déjà, il semblait s’éloigner de moi, mais je vous en ai déjà parlé.
Un léger coup frappé à la porte me fit sursauter, me sortant de mes pensées. La poignée tourna lentement, et le visage de ma mère apparut. Ses yeux étaient rougis, brillants d'émotion. Mon père se tenait juste derrière elle.
— Ma puce ! S’écria-t-elle en se précipitant vers moi. Je n’arrive pas à croire que tu es réveillée, que tu es là, devant moi. Je t’ai attendue si longtemps !
Elle me serra dans ses bras, et bien que mon corps fût encore faible, je parvins à lui rendre son étreinte.
— Vous m’avez… Manqué… Dis-je, ma voix encore tremblante, peu assurée.
— Comment tu te sens ? Demanda-t-elle, sa voix empreinte de sollicitude.
— Ça va… Ne t’en fais pas…
— Ne pas m’en faire ?! Tu m’as fait la plus grande peur de ma vie ! S’exclama-t-elle, des larmes roulant sur ses joues.
— Je sais… Je suis désolée…
— Tu n’as pas à t’excuser, intervint mon père d’une voix douce. L’essentiel, c’est que tu sois réveillée maintenant. C’est le plus beau cadeau que tu pouvais nous faire.
— Merci, papa, répondis-je, touchée par ses mots. Au fait, on est quel jour ?
Un échange de regards inquiets passa entre mes parents. Ils semblaient hésiter, comme s’ils redoutaient de me répondre.
— Vous savez, le médecin m’a déjà dit que j’étais restée dans le coma plusieurs mois. Vous pouvez tout me dire. Je suis restée inconsciente pendant deux ou trois mois, c’est bien ça ?
— Ce n’est pas exactement ça.
— Alors, dites-moi. Vous me faites peur à ne rien dire. Dis-je totalement angoissée.
— Eh bien...
La porte s’ouvrit brusquement, laissant apparaître Brandon, essoufflé et tout rouge.
— Oh mon Dieu !!! Tu es réveillée !!! Le médecin avait raison. Je n’arrive pas à y croire !!! Cria-t-il en se précipitant vers moi.
— Brandon !!! M’écriai-je.
La joie de le revoir m’envahit, un bonheur immense à la vue de son visage d’ange qui m’avait tellement manqué. J'avais l'impression qu’une éternité s'était écoulée depuis la dernière fois que nous nous étions vus.
— Je suis désolé de ne pas avoir été là plus tôt. Je suis parti à la cafétéria, et quand je suis revenu, tes parents étaient déjà partis. Alors j’ai demandé à un médecin où ils étaient, et c’est là qu’il m’a dit que tu t’étais réveillée, mais je n’y ai cru qu’en te voyant moi-même.
— Oui, je suis bien réveillée. Mais j’ai mal partout.
— C'est normal, mon ange. Ne t’en fais pas, ça va passer.
Je fronçai légèrement les sourcils, une question surgissant dans mon esprit.
— Où est Valentin ?
— Eh bien… Ton état l’a bouleversé. Il n’a pas voulu venir te voir. Je suis désolé. Dit mon père totalement déboussolé
Un pincement au cœur m'envahit. Mon frère avait toujours été extrêmement sensible, incapable de supporter la moindre vision de violence ou de souffrance. Il était doté d'une hypersensibilité qui le rendait profondément empathique avec les gens autour de lui. Ressentir la douleur d'autrui, c’était devenu presque insoutenable pour lui. Cela n'avait jamais été simple pour lui, et aujourd’hui, la situation l’avait complètement submergé.
Même si cela me faisait de la peine, je ne pouvais pas lui en vouloir. J’aurais tellement voulu qu’il soit là à mes côtés. Il me manquait terriblement. Quand nous étions enfants, nous étions inséparables, unis comme des jumeaux. On partageait tout, nos jeux, nos peines, nos rêves d’avenir. Mais la vie nous avait éloignés l’un de l’autre. En grandissant, j’avais quitté la maison, et Valentin avait suivi son propre chemin. La complicité qui nous liait autrefois s’était peu à peu dissipée, et aujourd’hui, cette distance me pesait plus que jamais.
— Ce n’est pas grave, répondis-je doucement.
-— On a vraiment insisté, mais tu sais comment il est…
— Oui, je comprends, ne t’inquiète pas.
Brandon me sourit avec douceur, essayant de me rassurer.
— Il viendra te voir dès que tu seras sortie de l’hôpital, je te le promets.
— Je dois rester ici encore longtemps ? Je veux rentrer à la maison.
— Tu as passé plusieurs mois dans le coma, alors ils vont te garder en observation quelques jours pour s’assurer que tout va bien. Après ça, tu pourras rentrer.
— Combien de temps ? Demandai-je avec une pointe d’inquiétude.
— Je ne sais pas… Murmura Brandon, visiblement gêné de ne pas pouvoir m’apporter une réponse précise.
Un silence s’installa, mais une question urgente flottait encore dans mon esprit.
— Au fait, vous ne m’avez toujours pas dit quel jour on est aujourd’hui.
Brandon échangea un regard avec mes parents, et je sentis leur hésitation.
— Tu es restée longtemps dans le coma…
— Dites-le-moi, s’il vous plaît. Vous me faites peur.
Mon père prit la parole, sa voix légèrement tremblante.
— On est le 23 juin, ma puce.
Mon cœur manqua un battement.
— QUOI ?!!!
Ils me regardèrent tous les trois avec des visages empreints de tristesse. Jamais je n’avais vu autant de douleur dans leurs yeux. Le choc me foudroya. Le médecin avait mentionné "quelques mois", mais dans mon esprit, j'avais imaginé deux ou trois mois tout au plus. Pas six mois ! Six mois entiers de ma vie s’étaient écoulés pendant que je dormais.
Je sentis une vague d’angoisse m’envahir. Tout me paraissait flou. Hier encore, on était en plein hiver. Aujourd'hui, c’était l’été. Six mois s’étaient envolés, une saison entière s’était effacée de ma vie. Et maintenant, qu’allais-je faire ? Mes études, mon stage ? Les autres étudiants avaient terminé leur année il y a un mois déjà. Comment allais-je rattraper tout ce retard ? Est-ce que je devrais recommencer toute mon année ? Rattraper les six mois de stage que j'avais manqués ? Et si Brandon acceptait de m’aider, me prendrait-il dans son entreprise pour que je puisse valider mon année ?
Les questions tournaient en boucle dans mon esprit, me plongeant dans une spirale d’anxiété. Des larmes coulèrent sur mes joues sans que je ne puisse les retenir.
— Hey… Murmura Brandon en prenant ma main. Tout va bien se passer, je te le promets.
— Comment ai-je pu dormir aussi longtemps ? J’ai gâché ma vie… Soufflai-je, la gorge nouée.
— Ne dis pas ça, s’il te plaît, répondit-il, la voix pleine de tendresse. Ce n’est pas vrai.
— Mais tu ne comprends pas ! Chuchotai-je avec désespoir. À cause de tout ça, je vais devoir refaire une année entière, tout recommencer… Et je ne crois pas en avoir la force.
Brandon me regarda avec une intensité qui m’obligea à lever les yeux vers lui.
— Écoute-moi bien, dit-il d’un ton ferme mais bienveillant. J’ai déjà parlé à ton directeur d’école il y a quelques semaines. Je lui ai expliqué la situation en détail. Il a très bien compris, et vu que tu es une élève brillante, il ne te fera pas redoubler ton année. Cependant, tu devras rattraper certains cours, mais comme tu étais en stage, il n’y aura pas trop de matières à revoir. Concernant ton stage, tu n’es pas obligée de le terminer. Ton directeur a donné son accord pour que tu prennes du repos jusqu’à la rentrée de septembre. Il validera les semaines que tu as déjà effectuées ainsi que le travail que tu as fourni. Tu auras ta note semestrielle, ne t’inquiètes pas.
Un immense soulagement se répandit en moi.
— Tu as fait tout ça pour moi… ?
— Eh bien… Disons que j’étais souvent avec toi, et que tes parents ont fini par se lasser de me voir traîner par ici toute la journée. Il fallait bien que je m’occupe, alors j’ai pris les choses en main.
— Tu es incroyable, tu le sais ?
— Mmmh... Tu devras me le rappeler de temps en temps. Dit-il avec un sourire malicieux.
Je ne pus m’empêcher de sourire à mon tour.
— Viens près de moi… Soufflai-je.
Brandon s’approcha et je pris délicatement son visage entre mes mains, avant de l’embrasser tendrement. Ce baiser n’était pas juste une simple démonstration d’affection, il marquait un tournant, un nouveau départ.
— Je t’aime, Brandon, lui dis-je en le regardant droit dans les yeux.
— Je t’aime aussi.
Nous restâmes enlacés un long moment, oubliant presque la présence de mes parents, qui nous observaient avec tendresse depuis le bord du lit.
Un doute me traversa soudain l’esprit, ramenant à la surface des souvenirs flous.
— Pourquoi suis-je à l’hôpital, au juste ?
— Tu ne te souviens pas ? Demanda-t-il, visiblement inquiet.
— Très vaguement…
— Eh bien… Nous nous étions disputés pour des broutilles, et tu avais décidé de partir voir Gwen seule. Vous êtes allées en boîte de nuit, et c’est ce soir-là que tu as été agressée par un dealer. La police est encore à sa recherche.
Un frisson glacé me parcourut.
— On ne le retrouvera jamais…
— Je te promets qu’on le retrouvera.
Je m’étirai doucement, sentant mes muscles douloureux.
— Pourquoi ai-je si mal ?
Il marqua une pause, son regard se perdant dans le vide avant qu’il n’ose reprendre la parole, la voix tremblante.
— Il t’a violemment frappée, dit-il avec une hésitation palpable dans sa voix. Je ne peux pas tout te dire... C’est le médecin qui t’expliquera les détails, mais… J’ai vraiment eu peur de te perdre, ajouta-t-il, un sanglot étranglé menaçant de percer.
Son visage, d’ordinaire si fort, se tordit sous l’effet de l’émotion. Le voir ainsi, si vulnérable, brisé par l’inquiétude, me serra le cœur. Il avait été mon roc, mon pilier pendant ces mois d’absence, et je réalisais soudain à quel point cela avait dû être difficile pour lui de supporter tout ce poids, de veiller sur moi sans savoir si un jour, je rouvrirai les yeux.
Je tentai de le rassurer, même si, au fond de moi, une angoisse persistante grandissait.
— Tu ne me perdras pas pour si peu, Brandon, murmurai-je en tendant la main pour effleurer doucement sa joue, effaçant au passage une larme silencieuse qui roulait sur sa peau.
Il secoua la tête, comme s’il refusait d’accepter mes mots.
— Tu ne comprends pas… Souffla-t-il, le souffle court. Quand tu es arrivée à l’hôpital, ton corps… Il était tellement meurtri. Tu avais des bleus partout, des ecchymoses couvrant chaque centimètre de ta peau. Il t’avait fait tellement de mal... Je n’oublierai jamais cette vision, c'était insupportable, dit-il, les yeux noyés de larmes cette fois, incapable de retenir plus longtemps l’émotion qui bouillonnait en lui.
Il s’effondra dans mes bras, incapable de continuer. Ce fut un moment terriblement intense, lourd de douleur refoulée. Je sentais toute sa souffrance, tout ce qu’il avait dû endurer sans jamais faillir, sans jamais flancher devant moi. À cet instant, je réalisai pleinement l’ampleur de ce qu’il avait traversé.
— Je vais bien maintenant, Brandon, je te le promets, dis-je doucement en le serrant contre moi, tentant de calmer ses sanglots.
Je voulais lui transmettre la force dont il avait tant besoin à cet instant. Peu importe les marques sur mon corps, peu importe les souvenirs de cette violence. L’important, c’était que j’étais en vie, là, avec lui, et que nous allions affronter tout cela ensemble.
Nous restâmes ainsi, dans cette étreinte silencieuse, pendant ce qui me parut une éternité. Le temps semblait s’être suspendu, comme pour nous laisser un répit dans cette tourmente. Dans ses bras, je me sentais protégée, mais plus que cela, je comprenais que ce moment marquait un tournant décisif. Je n’étais plus la même. Quelque chose en moi avait changé, s’était éveillé durant ces longs mois d’inconscience.
Ma sortie de l’hôpital, je le savais désormais, allait être bien plus qu’un simple retour à la vie normale. C’était une seconde chance, une renaissance, une opportunité de vivre autrement, de faire les choses différemment. Tout ce que j’avais traversé m’avait appris une leçon que je n’oublierais jamais : la vie est fragile, précieuse, et on ne peut pas la prendre pour accise. Chaque instant compte. Chaque décision, chaque seconde.
Je pris une longue inspiration, réalisant l’ampleur de ce que je devais affronter désormais. Ce n’était pas seulement ma rééducation physique, ni même la reprise de mes études, mais bien plus : il s’agissait de reprendre les rênes de ma vie, de ne plus laisser les événements me définir, mais de choisir moi-même ce que je voulais en faire. Ce que j’allais en faire.
Je me détachai doucement de l’étreinte de Brandon, juste assez pour pouvoir le regarder dans les yeux. Ses larmes avaient cessé de couler, mais son visage restait marqué par la douleur et l’épuisement. Il avait tenu bon pendant tout ce temps, et maintenant, c’était à mon tour de l’aider à guérir.
— Brandon, murmurais-je d’une voix douce mais déterminée, cette épreuve, elle ne va pas nous briser. Au contraire, elle va nous rendre plus forts.
Il me regarda, l’ombre d’un sourire triste apparaissant sur ses lèvres.
— Tu parles comme si tu étais prête à conquérir le monde, plaisanta-t-il à moitié, bien que son regard trahît encore une profonde inquiétude.
— Peut-être que je le suis, répondis-je en souriant. Je ne laisserai plus rien me retenir. J’ai dormi pendant trop longtemps, je dois maintenant rattraper tout ce temps perdu, vivre pleinement chaque moment. Je ne veux plus me laisser freiner par la peur ou par les regrets.
Brandon hocha lentement la tête, visiblement soulagé de me voir aussi déterminée, même si l’ombre de la douleur ne quittait pas tout à fait ses yeux.
— Et tu n’es pas seule dans cette bataille, ajouta-t-il en prenant ma main dans la sienne. Je serai là, quoi qu’il arrive. Toujours.
Son regard, rempli d’une promesse silencieuse, me réchauffa le cœur. Il avait été là pour moi, chaque jour, chaque nuit, et maintenant que j’étais enfin réveillée, c’était à mon tour de lui prouver que nous pouvions surmonter cette épreuve ensemble. Rien ne serait plus pareil, mais cela ne voulait pas dire que tout devait être pire. Nous avions l’opportunité de reconstruire, de repartir sur des bases nouvelles, et de transformer cette douleur en force.
— Merci, dis-je simplement, le cœur gonflé de reconnaissance.
Brandon me sourit, un vrai sourire cette fois, celui qui me rappelait tout ce que j’aimais chez lui. Il essuya une dernière larme sur sa joue avant de se pencher doucement pour déposer un baiser léger sur mes lèvres. Ce baiser était une promesse, une nouvelle page que nous allions écrire ensemble. Une page faite de courage, d’amour, et de renaissance.
Je fermai les yeux un instant, savourant cette sensation de paix, de calme après la tempête. Et pour la première fois depuis mon réveil, je me sentis prête. Prête à affronter ce qui allait venir, prête à reconstruire ma vie sur les ruines de cette épreuve, prête à aimer, à vivre, et surtout à ne plus jamais oublier que chaque souffle, chaque battement de cœur, chaque moment, compte plus que tout.
Ce séjour à l’hôpital m’avait appris une chose précieuse : la vie est un cadeau fragile, que rien ni personne ne peut nous garantir. Mais tant qu’on la tient entre nos mains, il faut la chérir, la vivre à fond, sans jamais laisser les regrets ou la peur nous en priver.
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