VI - Charlotte
Charlotte a retrouvé doucement ses esprits.
Une douleur au visage la fait souffrir.
Le salaud, le fumier. Il va me le payer.
Mais cette douleur n’est rien à coté du mal être qui la submerge.
Seule, je suis seule ! Un mari exécré. Un amant qui s’envole. Je ne suis qu’une misérable fille de ferme, en effet.
Elle a cru que son prince charmant était revenu.
Elle a cru qu’elle pouvait être Cendrillon.
La Cendrillon de Guillaume !
Ses gestes tendres, pour caresser mon visage. Ses lèvres chaudes sur mes seins. Une queue désirée qui se glisse dans ma bouche.
Vincent a quitté la chambre. Elle ne l’a pas entendu partir, bien sur.Où a-t-il bien pu aller ? Retrouver une maîtresse ?
Charlotte s’en moque en fait. Qu'il aille au diable.
Elle se rend dans la salle de bain, se nettoyer le visage. La pommette est gonflée et commence à bleuir.
Un filet de sang.
Les yeux rouges.
Regarde toi ! Tu ferais peur à un loup garou. Qui voudrait d’une souillon pareille. Pas étonnant qu’il se soit défilé !
Faire disparaître les traces gluantes du viol. Pire que du sang !! Une souillure qui la renvoie à son état de femme de rien.
Elle a passé des moments difficiles pendant ces vingt dernières années. Mais Pauline était son réconfort. Pauline lui donnait de la force.
Et l’espoir.
Toujours l’espoir.
Ses mains qui m’écartaient doucement les jambes, des doigts qui délicatement m’ouvraient, me pénétraient.
Je gémissais de plaisir.
Charlotte n’en finit pas de repasser ces moments heureux du passé.
Du passé.
Définitivement du passé.
Elle se saisit de la boite de somnifères, dans le placard au dessus du lavabo.
Pauline est sa fille. Pourquoi l’abandonne-t-il, elle aussi ?
Je me souviens du jour de la conception. Ce ne pouvait être que ce jour-là. Quel beau soleil !
Charlotte se dirige vers le salon, la boite à paradis dans une main.
Je sens toujours son sexe qui va et vient. Il m’emporte progressivement, il m’emmène vers l’extase. Il m’accompagne. Le soleil est d'un éclat comme jamais.
Nous étions UN
Et pour Charlotte, aujourd’hui un et un font deux.
Elle distingue une ombre assise dans le canapé du salon.
Les battements de son cœur, tout d’un coup, s’accélèrent.
Je le savais. Il ne pouvait nous abandonner !
Espoir furtif, vite déçu.
En s’approchant, les contours se précisent.
C’est la mère !
Celle qui sait tout et ne dit rien.
Elle a du entendre les bruits de la dispute avec Vincent.
Charlotte vient s’asseoir près d’elle. Elle essaye maladroitement de cacher son visage tuméfié.
Comment une femme peut engendrer deux êtres si différents ? Un démon et un ange.
La vieille lui prend le visage dans les mains.
Des mains ridées et pourtant si douces.
– Tu dois partir ma fille. Partir pendant qu’il en est encore temps. Tu as droit au bonheur toi aussi .
Et Charlotte s’effondre dans ses bras…
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