Chapitre 11

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Chasse souterraine

Noria tremblait encore. Après avoir aidé les deux inconnus à emmener le blesser dans l’infirmerie de la garnison la plus proche, elle attendait assise dans la salle attenante. À ses côtés, Allen passa le bras autour de ses épaules pour calmer ses angoisses. Après une profonde inspiration, elle retrouva ses esprits et scruta la porte de l’infirmerie où le blessé était soigné.

Les quelques soldats présents murmuraient entre eux sur l’attaque de la chimère. Ils ne comprenaient pas comment des Titanomanciens pouvaient revenir avec des blessures si graves, eux qui étaient normalement habitué à les chasser. Hélas, Noria savait que les combats contre des chimères pouvaient mener à des fins tragiques. Jamais ses combats n’avaient tourné au drame, mais pendant leur enseignement, le Sage Gavion leur racontait des histoires où les traques menaient à la mort si elles n’étaient pas suffisamment préparées.

La menace avait-elle été sous-évaluée pour les mines de Savas ?

La porte de l’infirmerie s’ouvrit. La jeune femme en sortie, affligée. Elle essuya les larmes qui coulaient d’un revers de main, avant de s’approcher de Noria. Cette dernière se leva et s’approcha d’elle. Malgré la frange qui balayait la partie droite de son visage, elle remarqua clairement ses yeux vairons. Ses pupilles ambre et grises brillaient d’une lueur magnifique, sans pour autant lâcher Noria.

– Merci, dit-elle simplement.

Elle remit de l’ordre dans sa chevelure mi-longue violette puis s’installa sur une chaise de libre. Elle enfouit sa tête dans ses mains et lâcha un long soupire. Des soldats s’approchaient d’elle pour la questionner sur l’élimination du monstre, mais Hirelda les en empêcha et les mit dehors en les invectivant.

– Que s’est-il passé ? demanda Hirelda.

La Titanomage de foudre leva ses yeux rouges et humides vers elle.

– Nous avons affronté la chimère des mines, mais nous avons essuyé un cuisant échec ! s’exclama-t-elle.

Noria sentit son estomac se nouer. Leur magie n’avait pas suffi face à un tel monstre ? Que pouvait-il se cacher dans l’ombre des montagnes ?

– Vous avez été envoyé pour la neutraliser ? questionna Allen.

La jeune femme opina du chef.

– Je m’appelle Ozia Azuri et…

Elle sanglota en observant la porte de l’infirmerie.

– La personne blessée est mon ami Vormon Trayo. Nous avons été envoyés par Elekya pour détruire cette chose après avoir obtenu des informations. Mais en arpentant les mines, nous ne pensions pas être confrontés à un monstre aussi puissant. Et…

Une larme coula le long de sa joue.

– Elle a déchargé de l’essence autour d’elle quand Vormon l’a attaqué. Il en a respiré beaucoup trop…

Cela faisait de la peine à Noria d’entendre qu’un de leur congénère allait sans doute mourir. Les essences magiques issues des Chimères et des Titans étaient extrêmement toxiques, personne ne pouvait y survivre après en avoir inhalé.

– Merde… pesta Hirelda en observant Noria, la mine basse.

Ils savaient tous. Vormon allait mourir dans très peu de temps, et rien ne pouvait empêcher son funeste destin.

– Et vous ? demanda Ozia. Que faites-vous là ?

Noria présenta tout le monde et lui expliqua qu’ils souhaitaient traverser les montagnes pour se rendre à Iznarum. Comme pour les autres, l’évocation de la cité perdue lui arracha une grimace.

– Vous savez que personne n’en est jamais revenu ?

– Bah on sera les premiers, déclara Kain d’un ton nonchalant.

– Bien sûr. Ben, allez-y, je vous en prie. Au passage, n’hésitez pas à tuer la Chimère, répondit-elle en se levant.

Elle récupéra son long manteau aux manches brodées d’éclair. Elle lassa ses grosses bottes puis récupéra son sac en toile d’un geste vif.

– Où tu vas ? demanda Noria.

Ozia la fusilla du regard.

– Qu’est-ce que ça peut te faire ?

Étonnée, Noria ouvrit la bouche pour lui répondre, mais rien ne vint. Elle resta de marbre face à la mauvaise humeur de la jeune femme.

– Eh dis donc, tu nous remercies et ensuite tu nous envoies balader ? s’énerva Hirelda.

Ozia hésita quelques instants. Le doute se lisait sur son visage. Noria sentait qu’elle leur cachait quelque chose, mais quoi ? D’habitude, les Titanomanciens se faisaient suffisamment confiance pour se parler, mais elle semblait avoir érigé un immense mur entre eux.

– Je vais chercher des ingrédients pour un élixir. Je peux peut-être ralentir les effets des essences.

– Vous êtes alchimistes ? s’étonna Noria.

– Oui. Maintenant, excusez-moi, mais j’ai à faire.

Elle quitta les lieux devant les regards interrogateurs. Hirelda tenta de la héler plusieurs fois, mais elle s’en fichait royalement. Après avoir claqué la porte derrière elle, le groupe se retrouva dans un silence de mort.

– Eh ben… s’étonna Kain. Je ne sais pas quelle mouche l’a piqué, mais elle n’a pas l’air de nous apprécier.

– Non, mais tu as vu comment elle nous a parlé ? s’emporta Hirelda. On l’a aidé à trainer son pote jusque-là, et voilà comment elle nous remercie ?

– En attendant, nous sommes coincés, coupa Noria.

Tous les yeux se braquèrent sur elle.

– Pour traverser, nous n’avons pas d’autre choix que de tuer cette chimère. Mais si elle est capable de libérer de l’essence, il va nous falloir des masques…

– Heureusement qu’on en a pris avant de partir, expliqua Allen.

Noria l’observa avec surprise.

– Be-ben oui. Le Sage Gavion nous en a donné quatre, avec du matériel d’escalade, des cordes et un kit de survie.

Noria eut un hoquet de surprise.

– C’est vrai, j’avais oublié tout le matos qu’on a dans le petit coffre, avoua Hirelda en posant la main sur le menton. Bon, on les récupère et on affronte cette chose ?

Kain se plaça entre les filles et leur fit signe de se calmer.

– Attendez, vous ne savez rien sur cette Chimère. Vous n’allez pas vous jeter dessus comme ça ?

Hirelda haussa les épaules.

– Pourquoi ? Si elle balance juste de l’essence partout, on ne craint rien avec les masques.

Kain soupira. Il se pinça le haut du nez en secouant la tête. Le pauvre semblait désespéré de partir avec une bande de gamins bien trop naïfs et impulsifs. Comme il n’avait aucune chance de les faire changer d’avis, il haussa les épaules et accepta de les aider encore une fois.

Ils retournèrent tous ensemble dans la caravane pour y récupérer les quatre masques à essences. Ils les sanglèrent sur le visage et vérifièrent qu’ils respiraient bien à travers le filtre installé dans le tube qui tombait le long du menton. Une fois prêt, ils retournèrent à l’entrée de la grotte, déterminée à mettre fin aux agissements de la Chimère.

– Bon, faites attention ! ordonna Kain. On ne sait pas ce qu’on va trouver là-dedans, alors je compte sur vous pour surveiller vos arrières.

Tout le monde acquiesça puis ils s’élancèrent à l’assaut des mines. Dès l’entrés, ils récupérèrent des torches de cristaux à essence posées contre la paroie rocheuse, puis les allumèrent grâce au briquet d’Hirelda. Grâce à ça, pas besoin de craindre l’obscurité grandissante à mesure qu’ils suivaient les rails. Leur lumière chassait les ténèbres et dévoilaient le travail d’étayage des mineurs.

Un silence de mort régnait, uniquement bravé par les bottes des Titanomanciens frappant le sol. Puis après plusieurs minutes de marche, la galerie se scinda en trois chemins différents, mais sans la moindre idée duquel emprunter.

– Vous voyez pourquoi il fallait demander plus d’information à Ozia ? déclara Kain.

– On a qu’à se séparer ? proposa Hirelda.

Noria n’était pas partante, et en voyant le reste de ses amis la fixer intensément, elle n’était pas la seule.

– Bien, je comprends officiellement pourquoi vous dites toujours qu’Hirelda a des plans de merde, déclara Kain. Quelqu’un d’autre ?

Hirelda pesta.

– Hé ! Moi je cherche des solutions, monsieur je râle tout le temps !

Il secoua la tête.

– Bien sûr, je vois ça ! railla-t-il.

Noria s’avança dans un tunnel, tandis que les deux Titanomages continuaient de se chamailler, bravant le silence des mines. Elle tendit la torche en avant, espérant y voir quelque chose qui la pousserait à choisir cette route. Des outils de mineurs en piteux états jonchaient le sol, alors que des chariots cassés étaient abandonnés contre les parois de pierre consolidé avec des poutres de bois.

Mais une chose frappa Noria. Des gouttes de sang dans la voie du milieu. Surement celui de Vormon.

– C’est par là ! intervint Noria.

Tout le monde la rejoignit, alors qu’elle suivait le liquide rouge répandu au sol. Ils accélérèrent le pas, voulant à tout prix dénicher le monstre avant que la nuit ne tombe. Les galeries devenaient de plus en plus étroites et le groupe n’eut d’autre choix que de former une file indienne.

Un grognement retentit à travers l’obscurité. La terre se mit à trembler. Noria s’accrocha à la poutre en bois la plus proche et se stabilisa en serrant les dents. Les yeux fixés au sol, elle sentit son pouls s’accélérer quand une fissure apparut sous ses pieds. Elle fit volte-face et poussa Kain de toutes ses forces. Il aurait aimé lui demander ce qu’il lui prenait, mais le terre s’effrita et Noria tomba parmi les gravats en hurlant. La chute fut lourde jusqu’à l’étage inférieur. Son dos heurta une pierre, lui arrachant un cri étouffé. Elle se roula en boule et protégea son visage des chutes de roches. Les cailloux tombèrent tout autour d’elle, jusqu’à ce que le sol s’effondre à nouveau. La torche à essence lui glissa des mains et Noria tomba dans l’obscurité la plus totale. N’ayant aucun autre choix pour survivre, elle usa de la magie pour faire apparaître des lianes dépourvues d’épines. Elle ralentit sa chute e ns’aggripant à elles, malgré son dos endolori, puis se posa doucement près de sa torche pour la ramasser.

Seule au milieu des ténèbres, Noria leva les yeux vers le plafond. Bien trop haut, elle entendait à peine ses amis crier son nom. Elle leur répondit quand même, espérant qu’ils arriveraient à l’entendre, mais elle allait devoir se débrouiller seule pour trouver une sortie.

Un silence de mort régnait dans l’obscurité de la montagne. Noria s’avança à pas feutrés, alors que le froid lui provoqua des frissons sur les bras. La main tendue en avant, la lanterne chassait les ténèbres dévoilant des galeries de plus en plus étroites. Si bien que bientôt, Noria devait se baisser pour continuer d’avancer.

Arrivée à un cul-de-sac, elle escalada la paroie face à elle pour rejoindre un passage. Prise en étau, elle rampa à l’intérieur d’un petit boyau en espérant déboucher sur une sortie. Obligée de se contorsionner dans tous les sens pour se frayer un chemin, Noria sentit son poul s’accélérer à l’idée de rester coincée dans cette partie de la montagne. Une larme perla à ses yeux, alors qu’elle continuait de lutter pour avancer. La respiration haletante, elle vit une ouverture un peu plus loin. Un sourire se dessina sur son visage, heureuse de sortir de cet enfer, et se hâta d’y aller.

Elle se hissa en dehors du tunnel et tomba lourdement dans une autre caverne. Elle s’assit pour reprendre son souffle, les jambes endolories. Ses amis n’allaient jamais pouvoir la retrouver, et elle n’avait pas d’eau ni de nourriture pour survivre toute seule. Noria rassembla son courage et repartit en exploration, chassant les idées noires qui taraudaient son esprit. Après quelques dizaines de minutes, elle découvrit une étendue d’eau, un lac magnifique au cœur de la montagne. Elle pesta, ne voyant aucun moyen de traverser sans nager. Mais il y avait un infime espoir, une lumière brillait à l’horizon. Serait-ce un accès aux mines ?

Pas le choix, Noria posa la lanterne, prête à plonger dans les eaux froides. Elle prit une grande inspiration et ne réfléchit pas davantage. Plus elle attendait, plus elle hésiterait. Elle plongea la tête la première. Son corps frissonna face à la température glaciale de l’eau. Une fois de retour à la surface, elle s’élança vers cette faible lumière, cet espoir de retrouver ses amis. Plus elle s’en approchait, plus elle accélérait, le cœur tambourinant dans sa poitrine. Une fois à sa portée, elle remonta sur le rebord de pierre, le corps tremblant comme une feuille.

Elle frictionna ses bras complètement gelés. Ses dents claquaient alors qu’elle s’aventurait dans cette nouvelle grotte. De l’eau dégoulinait de ses vêtements et ses cheveux trempés lui collai au visage. Malgré tout, une faille dans la roche attira son attention. Elle pesta sachant qu’elle devait encore tout faire pour s’y glisser. Pas le choix, la jeune femme lutta contre le froid et se contorsionna pour traverser ce chemin, alors que la roche lui griffait le dos, les bras et les jambes, lui arrachant des grimaces de douleur.

En sortant de cette caverne, elle se retrouva de nouveau dans les mines. Contrairement au reste de la structure, des lanternes à essence, disséminées à intervalle régulier, propageaient une douce lumière orange dans les couloirs. Noria se demanda qui avait bien pu les allumer. Ses amis ? Ozia ? Mais qu’importe. Le plus important était de trouver le côté du corridor qui menait à ses amis. N’ayant aucune idée, elle décida de partir vers la gauche, sans grand espoir.

Des dizaines de minutes passèrent. Ses vêtements trempés ne pouvaient pas sécher dans cet endroit, et le froid la gelait sur place. Elle claquait des dents, alors qu’elle se frictionnait la poitrine de temps en temps pour se réchauffer. À ce moment précis, elle donnerait tout pour se retrouver devant un bon feu.

Puis des bruits percèrent le silence. Ce n’était si son arme ni ses bottes. Plutôt des grincements sur de la pierre. Elle pivota brusquement en arrière. Des créatures humanoïdes marchaient lentement vers elle, que ce soit sur les murs ou sur le plafond. Son sang se glaça lorsqu’elle les reconnu. Leur peau d’un vert luisant était parsemée de croutes noires. Leurs yeux vides fixaient Noria avec envie, tandis qu’ils dévoilaient une rangée de dents acérées prête à la dévorer. Leurs longues griffes s’accrochaient à la pierre, tandis qu’ils observaient les mouvements de leur futur festin : des Skaars. Des monstres nées des humains qui respiraient les essences des Chimères et des Titans.

Mais en se déplaçant, ils laissaient derrière eux une légère trainée d’essence verte. Noria vérifia que son masque était toujours intact, alors que les Skaars approchaient vers elle. Il s’agissait de créature moins puissante que les Chimères, mais tout aussi dangereuse en nombre.

Noria jeta sa torche et dégaina son épée, prise de panique. Ils étaient des dizaines à s’avancer vers elle et l’obscurité en vomissait encore. Elle recula à petits pas, ne sachant comment s’en sortir. Une utilisation abusive de la magie lui offrirait une nouvelle ronce et elle risquait de perdre connaissance.

Se battre était une option, mais elle ne connaissait pas suffisamment le maniement de l’épée pour se défaire d’autant de monstres. Lorsqu’elle comprit que la fuite était sa seule option, la jeune Titanomage se retourna et s’élança à travers le tunnel. Les Skaars percèrent le silence de leur cri aigu et se mirent en chasse de leur proie.

Noria courait sans se retourner. Elle détalait, alors que sa vie ne tenait plus qu’à un fil. Elle pensait à ses amis, à tout ce qu’elle allait perdre si elle mourait seule au milieu des montagnes. Les larmes aux yeux, elle serra les dents quand ses jambes vacillaient sous la violence de cette course.

Elle arriva dans une grande caverne et une horreur innommable se dressa devant elle. À mi-chemin entre un champignon et une plante, la créature faisait bien six mètres de haut. Des lianes vivantes sortaient de son corps blanc tout flasque. L’obscurité de la cavité était chassée par les plaques vertes luisantes parsemées sur son chapeau. Ses six yeux livides se braquèrent sur Noria. Il s’aida de ses lianes pour s’avancer vers elle, alors qu’il déposait de l’essence verte derrière lui.

Les yeux écarquillés, Noria se retrouva prise au piège. Encerclée par une Chimère et des Skaars, la situation semblait totalement désespérée. Mais l’adrénaline lui donna un courage insoupçonné. Impossible pour la jeune femme d’abandonner maintenant, elle empoigna son épée et la brandit devant elle, prête à se défendre.

Elle s’élança dabord sur les Skaars. Sa tactique les pris par surprise et après quelques coups, elle réussit à en tuer deux. Les autres comprirent néanmoins qu’ils n’allaient pas manger facilement, aussi, ils se mouvèrent sur les parois pour l’attaquer par les côtés. À l’autre bout de la pièce, la Chimère continuait sa lente progression vers sa nouvelle proie.

La créature fut parcourue de spasme. Des excroissances sortirent de part et d’autre de son corps flasque. Prise de dégout, Noria recula de quelques pas, alors que les protubérances explosèrent en des milliers de spores. Heureusement qu’elle portait encore son masque, qui sait ce que ces horreurs pouvaient faire.

Les Skaars s’élancèrent sur Noria dans des cris stridents. La jeune femme para leurs coups, et contre-attaqua violemment pour se défaire de ses adversaires. Des griffes lui lacérèrent les bras et les jambes, versant un flot de sang sur le sol. Elle vacillait, mais ne tombait toujours pas. Le souffle court, elle chercha une solution pour se sortir de cette situation cauchemardesque.

Elle n’avait pas le choix.

Elle intensifia son énergie, émettant une légère brume verte autour d’elle. Elle tendit la lame de son épée en avant, alors qu’un cercle cabalistique se dessinait sous ses pieds. De nombreuses ronces en sortirent pour attraper tous les Skaars qui se jetaient sur elle. Les créatures hurlaient de douleur quand les épines percèrent leur peau lugubre. Leur sang se répandit sur le sol, tandis que Noria continuait de les tuer les uns après les autres, alors qu’ils couinaient en essayant de se défaire de sa magie.

Noria suffoqua. Sa magie lui prenait trop de force et elle sentait son tatouage se pourvoir d’une nouvelle épine. Elle savait que, bientôt, la douleur la ferait tomber dans les pommes. Mais la Chimère était toujours là, face à elle, agitant ses tentacules parsemés de nouvelles excroissances fongiques. Mais cette fois, au lieu de spores, l’explosion vomit des larves grosses comme un poing.

Elles fondirent sur Noria à grande vitesse. La première s’agrippa à sa jambe. Prise de dégout, elle s’agita nerveusement pour la faire partir. Mais elle s’accrochait grâce à un liquide visqueux répandu sous la bestiole, et ses vêtements fondaient sous l’acidité du liquide. Une fois sur sa peau, elle sentit la sangsue la mordre et aspirer son sang, lui arrachant un hurlement de douleur. Elle agrippa son corps flasque et visqueux puis la tira d’un seul coup. La retirer de cette manière lui arracha un morceau de chair. La jeune femme serra les dents, puis jeta la larve au loin, alors que ses congénères arrivaient en masse. Noria intensifia brutalement sa magie, utilisant tout ce dont elle était capable. Elle fit apparaître des ronces partout autour d’elle pour arrêter cette invasion massive. Les épines empalaient toutes les sangsues.

Puis une énorme douleur perça son cœur. Sa magie cessa brutalement et elle tomba à genoux, les mains sur la poitrine. Son hurlement perça le silence de la caverne. Les larmes coulaient le long de ses joues, alors que sa malédiction ponctionnait à nouveau sa vie. Sa vue se troubla, la douleur se répercuta sur l’ensemble de son corps. Elle avait l’impression que des milliers d’aiguilles la traversait de toute part. Face à tant de souffrance, l’esprit de Noria s’embruma et elle n’arrivait plus à réfléchir alors que les tentacules de la Chimère s’enroulèrent autour de son corps et se serrèrent. Le sang coupé, elle hurla toujours plus fort, dans l’espoir qu’un de ses amis vient à sa rescousse. Mais personne ne pouvait l’entendre aussi profond dans les montagnes.

Elle allait mourir. Elle le savait. Cette malédiction allait venir à bout de sa vie et tout ça à cause de son père. Si seulement cet homme n’avait jamais existé, jamais elle n’en serait arrivée là. La chimère continurait de la rapprocher vers son corps flasque, alors qu’une ligne verticale apparut sur son corps blanc. Une bouche pleine de bave s’étira, dévoilant un flot de bave fumant. Les quelques gouttes qui tombèrent sur les cadavres des Skaars dévorèrent leur chair, laissant échapper une odeur de peau carbonisé.

Noria laissa échapper un rire nerveux face à la mort horrible qui l’attendait. Elle ferma les yeux. Jamais elle n’aurait imaginé se faire dévorer par une chimère aussi horrible. Sa dernière pensée se dirigea vers Hirelda et Allen, ses amis de toujours, qu’elle abandonnait derrière elle sans avoir la chance de pouvoir vivre de nombreuses choses en leur compagnie. Elle espérait juste que leur tristesse n’allait pas durer.

La liane la lâcha brusquement. Surprise, Noria ouvrit les paupières alors qu’elle tombait lourdement au sol. La douleur de son tatouage continuait de la faire souffrir. Malgré sa vision trouble, elle remarqua la présence d’une jeune femme à la chevelure violette.

– Ozia ? demanda-t-elle.

– Mais qu’est ce que tu fous ici toute seule ! s’emporta Ozia.

Noria s’aida de ses bras pour se redresser. Elle tremblait et n’arrivait même plus à tenir debout. Au loin, un combat faisait rage contre la Chimère. Ozia virevoltait autour d’elle en usant de sa faux pour lui lacérer le corps. Elle ne possédait pas de masque à essence, aussi, elle prenait soin d’éviter ce poison qui se répandait sur le sol. Des éclairs sortaient de ses mains. Le tonnerre grondait à travers la caverne, mais cela semblait inéfficace sur la Chimère. Lorsque les protubérances apparurent de nouveau, Ozia jura avant de retourner vers Noria. Elle lui agrippa le bras pour l’emmener loin d’ici, mais elle ne parvenait plus à bouger.

– Aller ! Faut qu’on dégage, merde ! jura Ozia.

Les excroissances explosèrent en des millions de spores sous l’air horrifié d’Ozia. Noria s’apprêtait à lui donner son masque pour qu’elle survive, quand un vent violent se leva et chassa les spores.

Avec peine, Noria se tourna vers ses compagnons. Ils arrivaient en trombe, arme en main, prêt à se battre. Sans hésitation, Kain et Hirelda se jetèrent sur la Chimère dans un cri de rage. Allen s’empressa de rejoindre Noria. Inquiet, il l’observa de la tête aux pieds, horrifié par son état.

– Reste avec elle ! somma Ozia. On se charge du reste !

Allen hocha la tête et porta Noria à bout de bras. Avant de sombrer, la jeune femme vit Ozia fendre les tentacules du champignon géant. Kain usait de ses dagues pour lui crever les yeux. Hirelda, fidèle à elle-même, chargeait avec ses bras d’écorces, frappant du poing tout ce qui lui tombait sur la main.

Noria pleura. Si heureuse. Voir ses amis. Contempler leur victoire avant que son esprit succombe à la violence de son tatouage, et qu’elle ne se retrouve dans l’obscurité la plus totale.

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