Chapitre 1
Les immenses chantiers lunaires se profilèrent au-dessus de l'horizon cendré du satellite terrestre. Ils couvraient le quart de la surface de la face visible de la Lune. Le monorail à grande vitesse qui menait les nouveaux équipages de la base Armstrong-Aldrin aux chantiers filait à moitié enterré dans le sol. Christopher Coast n'avait d'yeux que pour les magnifiques mastodontes en construction. Quatre venaient d'être achevés dont le tout dernier de la génération Zeus qui, titanesque, projetait son ombre sur le sol mort de l'astre lunaire. On pouvait le voir de la terre à l'œil nu. Les officiers frais émoulus de l'Ecole Spatiale de Norfolk chahutèrent celui qui aurait l'infime honneur de commander ce petit bijou de technologie. Christopher adressa un sourire au pacha, une jeune femme du Bloc africain. Il était un peu jaloux. Les cinq meilleurs élèves officiers commanderaient des unités de combat. Les autres fourniraient le vivier des commandants de navires cargos, de frégates diverses, et bien sûr les postes d'officiers des ponts. Christopher n'avait pas terminé dans les cinq premiers de sa promotion. Ni dans la liste des officiers supérieurs, et encore moins dans celle des officiers tout court. Il portait l'uniforme de la spatiale, avec le grade de Commandant... Un mystère pour les autres. Son classement n'avait jamais été communiqué. Christopher lui, savait.
Un sourire illumina son visage quand soudain, surgissant de nulle part, le C-1, tous moteurs rugissants, entouré de son escorte de chasseurs passa en trombe au-dessus du monorail. Le compartiment partit d'un tonnerre d'applaudissements, de cris et sifflements divers pour le fleuron de la technologie terrienne. Christopher le suivit du regard. Il était le commandant d'un des deux prototypes C-1, plus connu sous le nom donné par les médias, le Corsaire. C'est à lui que revenait la lourde charge de lui trouver un nom de guerre. Il se frotta le bouc roux qui ornait depuis peu son menton. Il aurait voulu commander le Zeus, mais la perspective de composer lui-même son équipage et de piloter un prototype aussi révolutionnaire l'avait fait succomber. Il se tourna vers les trois autres commandants sans se mêler à la conversation. Ils menaient déjà une rude négociation pour le choix des recrues. C'était une vaine discussion car seul le commandant Coast aurait la possibilité de choisir. Il reporta son attention sur les jeunes officiers. Tous voulaient servir sur le Zeus ou le Corsaire, aucun sur les navires d'escortes, les lourds Galions, de véritables places fortes volantes. Coast sentit encore ce sentiment de malaise l'envahir. Il était apparu quelques années auparavant, quand la Menace devint si évidente que la guerre s'avérait inéluctable. Le conflit ne semblait pas préoccuper outre mesure les états-majors terriens et depuis plus de cinq ans que durait le statu-quo, on ne voyait vraiment pas ce qui ferait changer les choses. Pas les terriens en tout cas, qui craignaient d'affronter une force à la technologie et aux armements supérieurs à celui de la Terre.
Christopher observa les femmes et les hommes dans le monorail qui commençait à ralentir : des jeunes. Tous appartenaient à la même génération, celle des Perdus comme les médias la surnommait depuis que l'évidence de leur incapacité à se reproduire s'était confirmée. Heureusement, une autre génération, féconde elle, était née par manipulation génétique. On ne sacrifierait pas ceux qui portaient la survie de la race humaine en eux. Par contre, les Perdus... Leur sacrifice ne posait pas le moindre problème à quiconque, même aux intéressés car ils donneraient volontiers leur vie pour que les Fertiles soient épargnés. Le jeune commandant se concentra sur la lecture des fichiers à l'intérieur desquels il pouvait piocher son équipage. Il fut étonné d'avoir accès à autant de bons éléments. Il reconnut des noms d'amis dont il cocha mentalement certains. Le tube stoppa sa course. Les portes s'ouvrirent dans un chuintement presque inaudible. La gravité artificielle ne suscitait plus la moindre remarque ébahie. Ceux qui n'avaient pas foulé le sol lunaire en scaphandre ne pouvaient qu'imaginer la faible gravité qui régnait sur l'astre lunaire. Christopher resta songeur en apercevant les ouvriers à l'extérieur virevoltants habillement au-dessus de la surface grisâtre. D'ici peu il rejoindrait le vaisseau qu'il ne quitterait que lors de la prochaine permission, dans plus d'un an de cela.
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