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Il était grand temps d’appeler sa mère et de la rassurer. Elle s’enquit de son téléphone… Son sac ! Mais où donc était passé son sac à main ! Avec tous ses papiers ! Sa carte vitale ! Sa carte de donneuse de sang ! Sa carte de bibliothèque !

— Mon sac ! s’exclama-t-elle, en panique.

— Je t’avais dit de laisser ta main dessus !

— Les voleurs ! C’est le petit blond, quand il m’a poussé, tout à l’heure pour qu’on les cache à la police ! J’ai tout perdu ! Je suis foutue !

D’un bond, elle s’élança, se précipita dans l’escalier, dévalant les marches à s’en rompre le cou. Elle ne savait pas vraiment ce qu’elle ferait, mais elle fonçait.

Sur le palier du second, elle se heurta à un homme et faillit en perdre l’équilibre. Il la rattrapa.

— Hé, ma belle !

Lui ! C’était ce saligaud ! Et en plus il souriait ! Elle le repoussa vigoureusement.

— Oh vous !

— Mais quoi… Tu allais te vautrer… Regarde, je te ramène ton sac, tu l’avais perdu… bêtement.

— Perdu ? Voleur !

— Moi, voleur ?

— Oh oui, j’ai tout vu ! Je vous ai vu forcer la serrure de cet hôtel ! J’appelle la police !

— Rendez service aux gens et voilà comme on vous remercie… Ingrate !

— Je… Je…

— Tu es tellement jolie, qu’on peut tout te pardonner à toi… Attends, laisse un peu vivre tes cheveux… Là, c’est beaucoup mieux…

— Monsieur, je ne vous permets pas…

— Arrête de me vouvoyer, ça me fait mal au… Enfin tu m’as compris…

— Espèce de…

— Tu vas pas t’étouffer quand même ? Faudrait que je te fasse un bouche-à-bouche…

Lorenzo reçut un vigoureux coup de sac sur la poitrine. Il ne cilla même pas. C’était un roc. Son sourire s’élargit, ce qui aggrava la colère de Lindsay.

— Ne me touchez pas, où je hurle !

— Bah… c’est pas dit que quelqu’un vienne voir. Mais tu peux tenter ta chance… Enfin, moi qui voulais me faire pardonner… Tant pis.

— Hein ?

— Je voulais te payer le resto… Un petit dîner sympa.

— Quoi ?

— Enfin, t’attends pas à un trois étoiles non plus… Je connais une bonne brasserie à Saint-Germain…

Lindsay eut un vertige. Tout allait trop vite. Elle perdait pied. Ce type était une tornade. Elle avait une envie folle de le claquer, mais en même temps… Comment résister à cette insolence, à cette goujaterie sans limite ?

— T’es complètement dingue, en fait ? finit par lâcher Lindsay, se retenant, de toutes ses forces, de sourire.

— On me le dit de temps en temps. C’est grave ?

Ainsi, Lindsay se retrouva, sans vraiment comprendre comment ni pourquoi, dans une impressionnante Mercedes, roulant dans les rues animées de la capitale, Lorenzo insultant abondamment les autres conducteurs et klaxonnant sauvagement. Un véritable danger public.

Enfin, lui prenant le bras, il lui tint la porte et la fit entrer dans une brasserie surchauffée et bondée. On lui trouva finalement une place, ils s’installèrent, tassés contre les autres convives.

— Tu vas voir, c’est cool ici.

— Lorenzo, cette voiture ?

— Quoi cette voiture ?

— Tu l’as volée ?

— C’est compliqué… T’inquiète.

Il fit un geste d'apaisement excessivement irritant. Une serveuse gironde, le genre ribaude, accosta :

— Monsieur Lorenzo… encore vous !

— Comme d’habitude ma belle : deux petits salés avec beaucoup de salé et peu de lentilles. Et une bouteille du rouge du patron, pas la piquette que tu sers aux prolos.

— Et deux salés spéciaux qui roulent ! La cuvée du patron… Tu sais que tu as une ardoise… maous…

— Je t’ai dit que je paierai ! Je te l’ai dit ?

Il se signa d’une manière grotesque.

— Tu l’as dit, c’est vrai, tu l’as dit, fit la serveuse en riant.

— Sois gracieuse !

Elle éclata de rire et s’en fut.

— C’est que j’aurais préféré une salade… fit Lindsay.

— Attends, tu es tellement maigre que pour maigrir plus, il faut t’enlever un os ! C’est une mission de santé publique de te remplumer.

— Pardon ? s’étouffa Lindsay.

— Nan, mais sinon, tu es trop belle ! Moi, j’en suis baba !

— Mais tu es… Tu es… C’est dingue ! Espèce de beau-parleur prétentieux !

— Regarde-moi dans les yeux…

— Mais je te regarde ! Tu crois que tu m’impressionnes ? Tu te crois irrésistible ? Monsieur se croit beau ? Hé bien, pas du tout ! Espèce de… voleur !

— Mieux que ça !

Interloquée, Lindsay plongea bravement dans le regard de Lorenzo. Elle en ressentit un frisson inexplicable qui la parcourut des pieds à la tête. Que se passait-il ?

Elle n’eut pas le temps d’approfondir son ressenti. La serveuse glissait deux assiettes copieuses.

— Régale-toi, ma poule ! fit Lorenzo avec un clin d’œil, servant le vin.

Lindsay préféra ne pas relever cette vulgarité. Elle mourait de faim et dévora. En fin de repas, elle fut confuse de roter, ce qui fit rire Lorenzo.

— Tu te moques de moi ? C’est du dernier galant, s’indigna-t-elle.

— Pendant un moment j’ai cru que tu n’étais pas humaine.

— Ah ah ! Très drôle.

— Décoince-toi. Tout va bien.

— Cette manière de draguer les filles, marche d’habitude ? Parce que…

— Moi te draguer… On sort en copains. Je sais bien qu’un type comme moi n’a aucune chance avec une meuf comme toi.

— Qu’est-ce que tu sous-entends ?

— Moi, mais rien, je n’ai pas de préjugés !

Lindsay rougit. Parce qu’en fait, il fallait bien avouer qu’elle en avait un peu… Lorenzo restait imperturbable.

— On va commander un bon dessert, une douceur, ça te fera du bien.

Il fit signe à la serveuse.

— Ma douce, porte-nous un bon zlabia ! Un seul, sinon, je risque de mourir.

— Monsieur Lorenzo abuse !

— Tes beaux yeux, d’amour mourir me font !

— Lorenzo, je ne pourrai rien avaler de plus ! Je suis repue ! intervint Lindsay.

— Attends de goûter ! Par gourmandise !

Lindsay croqua une timide bouchée et…

— Mais qu’est-ce que c’est ?

— Du bonheur !

— C’est trop bon ! C’est fait avec quoi ?

— Sucre, miel, cardamone et encore sucre, beaucoup sucre. Du diabète concentré. Mais, il faut bien mourir de quelque chose. Soyons fous !

— C’est français ?

— Que serait la France sans le Maghreb ? Hein ?

Bien que scandalisée et choquée, Lindsay finit le dessert sucré avec ravissement.

Elle avait honte d’elle, parce qu’en fait, elle se sentait terriblement bien avec ce type. C’était à ni rien comprendre. C’était...

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