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En sortant de la brasserie surchauffée, Lindsay frissonna. Sans la moindre gêne, Lorenzo lui frotta les bras pour la réconforter, puis soudain, avec un naturel confondant, il en profita… Ses lèvres effleurèrent à peine celles de la belle… Un contact si ténu, si éphémère et pourtant si intensément sensuel… Lindsay en fut complètement électrisée.
— Il se passe quoi, là ? fit-elle, agacée.
— Mais rien, un petit bisou de réconfort. Tu ne vas pas me dire que…
— Sur la bouche !
— Mais non… C’est pas un smack ! Ça compte pas, ça !
— Sur la bouche, sans ma permission !
— Tu n’as pas aimé ?
— Pas du tout ! Ne refais jamais ça !
— Tu n’aimes pas les mecs, c’est ça ?
— Je ne t’aime pas, toi !
— Bon, OK. Je le note. Tu me fais de la peine, tu sais... Viens, on va se balader un peu.
— Non, je veux rentrer ! Il est tard !
— Tu ne veux pas voir un truc super beau ?
— Quoi ?
— Bah, un truc…
— Mais…Ta drague ne marche pas avec moi !
— Viens ! Sois cool ! T’es vachement coincée comme fille. Qu’est-ce que ça doit être au pieu !
— Mais… Tu t’entends, espèce de…
Tirée par le bras sans ménagement, voilà que Lindsay était obligée de courir par les rues de la capitale avec ce fou de Lorenzo qui était mort de rire.
Lindsay s’attendait à rendre son dernier souffle et soudain, ils s’immobilisèrent sur le quai en bord de Seine. Face à eux se dressait, majestueuse, la cathédrale Notre-Dame. Lorenzo, soudain grave et silencieux semblait se recueillir. Les lumières se reflétaient sur les flots tumultueux et boueux, ce lieu chargé d’histoire et d’une beauté à couper le souffle… Pourtant, bien vite, Lindsay détourna les yeux et regarda Lorenzo… s’attachant à son visage tellement expressif.
C’était comme s’il cherchait quelque chose, son regard errait dans les hauteurs du bâtiment, parmi les gargouilles, sur les coursives… Lindsay regarda à son tour… sa curiosité attisée.
Comme elle frissonna de nouveau, Lorenzo passa son bras autour de sa taille et l’attira contre lui. Il murmura :
— Je la cherche… À chaque fois, je la cherche… C’est plus fort que moi… Le rêve domine ma vie.
— Mais qui ?
— Esméralda… La belle… La malheureuse… L’infortunée… Tu sais que Quasimodo est allé la retrouver dans la fosse commune et s’est laissé mourir près d’elle… Il la tenait enlacée, comme je te tiens… On peut mourir pour certaines femmes !
C’était saisissant de l’entendre parler ainsi… Tellement surprenant, improbable… Comme un diamant gisant au fond de la terre.
Esméralda ? Quasimodo ? En réalité Lindsay n’avait pas lu le roman de Victor Hugo… Elle avait vu le film et se rappelait confusément l’histoire… Elle eut honte de son manque de culture… Elle baissa les yeux. Décidément, elle se trouvait pitoyable, une pauvre fille en somme, une simple coiffeuse… Une moins que rien. Lorenzo lui parut tellement au-dessus, finalement ce petit voyou lui semblait subitement inaccessible…
Naturellement, il l’attira à lui. Elle ne résista pas, elle l’espérait confusément. Il l’embrassa avec une douceur infinie… comme s’il lui rendait hommage, comme on embrasse une femme tendrement aimée qu'on retrouve en revenant du front. Lindsay s’empara de son visage avidement, le caressant, se crispant dans les cheveux courts. Elle ne se possédait plus, elle oubliait tout. Elle était avec lui, son cœur battait à tout rompre. De sa vie, elle n’avait connu une telle émotion.
Elle savait, sans la moindre ambiguïté. C’était une évidence, d'une clarté aveuglante. C’était lui. C’était Lorenzo.
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