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Lorenzo entraîna Lindsay dans l’escalier du clocher. Ils grimpèrent des marches étroites et grinçantes, dont certaines branlaient dangereusement, mais cela ne semblait pas perturber le farfadet.

Ils débouchèrent sur un palier poussiéreux et s’engagèrent sur une coursive. Une porte cintrée barrait la progression. Fouillant dans le faîtage, Lorenzo tira une imposante clé et ouvrit : c’était étrange de le voir utiliser une clé, s’amusa à constater Lindsay.

— Viens…

— Qu’est-ce que c’est que cet endroit ?

— Le paradis.

Il alluma. Un grenier immense, une frondaison de poutres, comme une forêt qui s’élevait vers le ciel. Des meubles épars entassés, empilés, faisaient des monticules instables, des piles de livres, un tableau noir rempli de formules, une vieille lunette astronomique faisait face à une lucarne, un trapèze bricolé pendouillait. Dans un coin, un lit à baldaquin cerné par des chauffages électriques.

— C’est cool, hein, fit Lorenzo avec fierté.

— Mais c’est… dingue ! Mais…

— La salle de bain est sur le palier. C’est sommaire, mais c’est fonctionnel. Avec vous les pisseuses, c’est toujours le premier truc que vous demandez…

— Mais…

— Tu vas me dire que ça mériterait un bon coup de balai… Tu vas me demander s’il y a des rats…

— Lorenzo !

— Bah, peut-être… Je te dirai que c’est possible. Quasimodo ? Il est là devant toi… Esméralda ? Elle est là… c’est toi ! Voilà !

Il fit une profonde révérence et mit genou en terre devant la jeune fille stupéfaite. Il passait du rire aux larmes instantanément avec une brusquerie désarçonnante. Elle le fit se relever et l’enlaça : elle ne savait qu’une chose, elle l’aimait follement ce fou.

Il l’embrassa de nouveau. Sans qu’elle s’en rendît compte, le lit s’approchait inexplicablement sans qu’elle eût l’impression de bouger. Soudain, il la poussa doucement et elle s’affala sous le regard amusé de ce démon.

— Lorenzo ! Tu fais quoi ?

— Bah, on baise !

— Certainement pas !

— Tu veux que je te viole pour soulager ta pruderie et ton honneur ?

— Mais non ! Tu n’es pas comme ça ! Tu es si tendre… et puis un vrai salaud !

— Une bonne baise, allez quoi !

— Non ! Pas comme ça !

— Comment alors ?

— Je veux que tu m’aimes !

— Que je t’aime ? Que je t’aime…

Il commença à fredonner un air connu du folklore français qu’on appelle la variété. Lindsay agacée se débattit.

— Je vais te faire connaître la jouissance suprême ! Je suis maître tantrique niveau six !

— Hein ? C’est quoi encore ce truc !

La pauvre Lindsay était une béotienne. Ne connaissant du sexe que quelques coups vite faits, le missionnaire exécuté par des amateurs inexpérimentés et sans la moindre imagination, cette sexualité qui mutile les femmes et les écœure pour la vie, ne leur laissant pour tout plaisir que l’espoir d’une grossesse et un bébé à aimer.

Le tantrisme, le plaisir charnel, les 164 positions du soûtra, les joies orgiaques, les pratiques inavouées, la porte étroite, la petite mort… tout cela lui était étranger.

Aussi quand Lorenzo, utilisa son majeur pour un doigté baroque tout en souplesse, que sa langue à la mobilité réellement magique s’aventura dans son intimité… Elle perdit connaissance : collapsus, malaise vagal, mydriase complète. En panne ! Buguée ! Détruite !

Quand elle reprit connaissance Lorenzo vitupérait.

— Mais bordel, t’en a foutu partout ! C’est dingue ! De ma vie, j’ai jamais vu ça !

— Mais qu’est-ce qui m’est arrivé ?

— T’as pissé dans le lit ! Mais regarde-moi ce chantier !

Force fut de constater que la pauvre baignait dans l’humidité. Elle se sentit mortifiée au-delà de tout ce qui est mortifiable : jambes écartées, minou à l’air, barbotant dans un liquide clair. Elle fondit en larmes.

Lorenzo se précipita et la prit dans ses bras.

— Attends, c’est pas grave ! C’est rien.

— J’ai tellement honte… Je ne comprends pas ce qui s’est passé ! Ça ne m’est jamais arrivé…

— Tu as eu un méga orgasme… Genre explosif... J’ai peut-être été un peu fort pour la première fois.

— J’ai perdu connaissance ? C’est dingue !

— La petite mort ! Mais avec toi ça prend des proportions. Tu es une femme fontaine.

— J’ai… Mon dieu, j’ai fait pipi !

— Mélange pisse et cyprine. C’est détonant ! Il y a des mecs qui en raffolent. Moi pas… Je suis vieux jeu, plus dans le sentiment, tu vois.

Lindsay ne releva pas le sarcasme.

— Je veux mourir !

— Nan… Pas pour ça… Meurs un autre jour.

— Oh si… C’est trop la honte !

— Tu veux que je te jette du beffroi ?

Tout en disant ça, il la berçait doucement et si tendrement qu’elle renonça à protester. En réalité, elle avait envie de connaître encore… Non, c’était si inavouable… si honteux...

Pourtant le sexe, ce n'est pas sale !

— On baise ? demanda, Lorenzo…

Elle le regarda, n’osant dire oui, sidérée par la candeur de ce démon lubrique.

— Non, parce que je bande trop là, je vais exploser !

Lindsay ne put s’empêcher d’éclater de rire.

— Tu vas souffrir, fit Lorenzo, menaçant.

Elle rit d’autant plus.

— Laisse venir, ma belle, prépare-toi pour le paradis !

Lindsay poussa un cri, le cri primal ! Paname fut scandalisé de ses gémissements obscènes et pourtant on baise dans cette putain de ville depuis vachement longtemps.

Dans ce lieu sacré et consacré, elle connut l’extase et voulut, un bref instant se faire nonnette. Elle vit la vierge Marie, le petit Jésus et trente millions d’amis.

Elle pensa avoir perdu la raison, elle se dit que l’amour c’était trop beau. Elle était heureuse.

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