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Hugo est plus attentif. Je sais qu’il aimerait que je lui parle encore de toi. L’autre jour, pour esquiver une de ses questions, je lui ai demandé en le fixant :

— Et toi ? Tu es gay ?

Il est devenu tout rouge. J’étais sûr de sa réaction, mais je savais que maintenant, je pouvais lui ouvrir les yeux.

— Hugo, tu peux me le dire ! Tu en as déjà tellement parlé avec Émilie ! Dis-moi tes interrogations…

Il s’est figé. J’ai vu son combat. Me l’exprimer, c’était s’accepter. C’est pour ça que je l’ai invité. Il s’est mis à parler, avec des blancs entre ces phrases. J’ai voulu lui prendre la main, mais je me suis retenu.

— Tu es le diable ! Tu connais ma position dans la famille, la vénération que l’on me porte.

— Je me souviens exactement du moment où cela s’est fissuré.

— Nous devions avoir huit ou neuf ans. Pour notre anniversaire, nous avions reçu des déguisements, un de fée pour Émilie et un de page pour moi : un collant jaune et rouge, le petit pourpoint bleu et jaune. Je me regardais et je me trouvais trop mignon. Ma différence de gout m’est apparue avec une évidence immédiate, même si je n’avais aucun mot à mettre dessus.

— Tu sais… Après, avec Émilie, on jouait à échanger nos vêtements dans la chambre. C’est moi qui avais eu l’idée et elle aimait me voir en fille, alors qu’elle était plus belle en garçon.

— Une fois, maman nous a surpris. Papa m’a traité de tous les noms. J’ai compris ce jour-là que je devais me cacher, sans savoir de quoi.

— Je dévorais des livres d’aventures dans lesquels des garçonnets terrassaient des monstres, des bandits, des assassins. C’était une collection avec des dessins. Ces images de garçons, si jolis, toujours en short, me faisaient rêver. J’avais envie d’être leur ami…

— À l’école, au collège, je tombais en admiration devant des garçons… je veux dire que je les contemplais en silence.

— À force de raconter ces coups de foudre à Émilie, elle a compris. Elle m’a dit que j’étais peut-être attiré plus par les mecs que par les filles.

— L’entendre m’a fait du bien, surtout dit par elle, sans jugement. Puis cela a cheminé dans ma tête jusqu’à l’horreur : si je suis homosexuel, papa me tue ! Forcément ! J’ai donc arrêté de tomber amoureux des garçons.

— Émilie m’a traité de tous les noms. Tant pis pour le vieux, je devais vivre ma vie, être heureux ! Facile pour elle ! Elle s’est battue contre toute la famille depuis toujours. De toute façon, tout le monde se fiche de ce qu’elle fait !

— Sauf toi !

Il lève la tête à mon interjection, me fixe.

— Bien sûr, sauf moi ! Sans elle, je ne vis pas !

Au fur et à mesure qu’il parlait, il se passait une chose incroyable. C’était la première fois qu’il avouait sa nature à un autre qu’Émilie. Plus il parlait, plus il se libérait, plus il s’ouvrait. Tu aurais vu le changement. Il est devenu beau ! Non, rayonnant décrit mieux son état.

— Et tu n’as jamais été aux scouts, en colonie ?

— J’ai essayé une fois. Il y avait trop de beaux garçons, je devenais fou ! Je voulais tous les avoir comme amis ! Je n’ai jamais voulu y retourner. Là encore, ça a été la crise…

— Tiens, pour toi, cela a été la même chose ! Tu ne te rends pas compte de l’effet que tu fais avec tes fringues et ton allure ! Je suis tombé amoureux de toi le premier jour. Puis je t’ai fui pour ne pas montrer mon attirance. Oh ! Je suis désolé ! Tu vas croire que je te fais une déclaration ! On est seulement ami, hein, pas plus !

— Hugo, regarde-moi ! Nous sommes amis… et un peu plus, tu le sais ! Tu peux l’accepter. Nous sommes tous les deux gays et nous avons un très fort sentiment pour l’autre. Il n’y a rien de physique entre nous, mais c’est plus qu’être ami. Tu veux bien ?

Il a hoché la tête. J’ai eu envie de l’embrasser pour lui faire comprendre tout ça, mais il ne l’aurait pas supporté. Moi non plus, du reste.

Tu te rends compte de cette famille ! Pauvre Hugo ! Tu comprends que j’ai une grande tendresse envers lui. Il est vraiment gentil. Il ne mérite pas de vivre cela aussi mal. Il me ressemble. Si mes parents n’avaient pas été aussi tolérants avec moi, j’aurais vécu les mêmes malheurs, sans avoir une confidente pour me soutenir. Tu sais, cela te paraissait facile pour moi, mais ça ne l’était pas tant que ça ! Mes parents m’acceptaient, mais on n’en parlait pas. Je n’avais personne à qui parler, jusqu’à toi. Je crois qu’ils attendaient que j’aborde la question et je n’ai jamais osé.

Nous couchions ensemble, sous leur toit. Tu sais que des fois, nous avons fait des bruits qui ne trompent pas. Ils n’ont jamais rien dit, ils t’ont accepté pour ce que tu étais : le petit copain de leur fils. Ils sont formidables ; je ne leur ai jamais dit ; je n’ai jamais eu le courage de parler de cela avec eux ; ils ne m’ont jamais tendu la perche. C’est dur !

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