Dimanche 2 juin / 3

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Julie

J’ouvre le réfrigérateur pour en sortir la bouteille de vin blanc que Tim n’est pas venu chercher lorsqu’une voix me surprend. Ou plutôt une présence avant des paroles.

— Tu as besoin de renfort ? demande Manu dans mon dos.

— Non.

Je respire lentement en m’agrippant à la poignée du frigo. Ne pas penser à ce que nous avons fait… ce que nous avons partagé. C’est un collègue de Tim et rien d’autre.

Je sors le vin et le lui tends espérant ainsi le faire reculer. Il est encore une fois trop près de moi. J’aime garder mes distances, que personne n’envahisse mon espace. Sauf mes proches.

— Enfin si… Tu peux l’ouvrir, s’il te plaît ? dis-je sans oser le regarder. Le tire-bouchon est sur la table, derrière toi.

Première victoire et non des moindres, j’ai réussi à lui parler et même à le tutoyer.

Sans un mot, il prend la bouteille, tout en effleurant mes doigts. Heureusement qu’il la tient, je l’aurais lâchée. Sans attendre, je m’écarte pour vérifier la cuisson des quiches.

— Ça sent très bon, commente-t-il.

— Merci. C’est bientôt prêt. Je suis désolée, j’ai un peu de retard…

— Super Manu, nous surprend Tim. Tu as même trouvé le tire-bouchon. Je peux te prendre un truc Lili ?

— Oui… le plateau et les assiettes, s’il te plaît.

— Je n’ai que deux mains. Tu feras deux voyages ! réplique mon mari en s’emparant des verres en priant notre invité de le suivre.

Je jette un coup d’œil par la fenêtre et vois Manu déposer la bouteille sur la table avant de revenir vers la maison. J’aimerais tellement qu’il reste loin de moi, qu’on ne se retrouve pas en tête-à-tête.

— Vous avez un seau à glace ?

— Oui, en haut du placard, dis-je en ouvrant le buffet.

Je me hisse sur la pointe des pieds et frôle l’objet du bout des doigts. Manu se tient immédiatement derrière moi et je sens son souffle sur ma nuque. Je déglutis.

— Tu ne vas pas rester planquée dans ta cuisine toute la journée ? chuchote-t-il sans s’éloigner.

— S’il te plaît, Manu… recule !

— Pourquoi tu n’oses pas me regarder ?

Je me tourne lentement vers lui, relève mon visage et fixe ses pupilles.

— Tu es piouffff et tes yeux… soupire-t-il avant de se pincer les lèvres.

Je détourne mon attention pour ne pas voir son trouble et reprendre plus d’assurance. Ma conscience essaie toute seule de raisonner mes émotions :

« Tu n’es pas attirée par cet homme, tu n’as pas envie de t’approcher de lui, tu n’as pas envie de le toucher, et encore moins qu’il t’embrasse. Non ! Ce n’est pas toi qui ressens tout ça ! » Ah non ? Et c’est qui alors ?

Je secoue la tête pour faire de l’ordre dans mes pensées tout en prononçant :

— Tu trouveras des glaçons dans le premier tiroir du congélateur, derrière toi.

— Tu essaies de me refroidir ? plaisante-t-il. Julie…

— Je ne peux pas ! dis-je en reculant pour quitter sa proximité.

— Il faut qu’on se voie… rien que tous les deux, affirme-t-il.

Incapable de répondre, je hausse les épaules, puis lorsqu’il s'éloigne enfin de la cuisine, je chuchote un petit : « non, ça ne serait pas bien ».

Je range les épices sorties pour les sauces lorsque Tim hurle à travers le jardin qu’ils m’attendent pour porter un toast ! Je respire profondément, espérant ainsi me donner du courage. Mais c’est pas gagné.

Je dépose les mini-quiches sur un lit de feuilles de salade que j’ai garni d’une vinaigrette légère et apparais enfin sur la terrasse. Tim soulève son verre à mon approche. Charlotte ne cesse de sourire, sa main à l’intérieur de la cuisse de son mari. Elle trouve que tout est parfait. La météo, la maison, et même le vin.

Je dépose le reste de l’apéritif au milieu de la table et prends le verre que Tim n’a rempli qu’à moitié, comme à son habitude. Il me connait bien. Il sait que je n’aime pas l’alcool… juste pour accompagner nos invités, rien de plus.

Les enfants organisent un pique-nique sur l’herbe en venant se servir de temps en temps à notre table.

Le vin est excellent. Pour une fois j’en prendrais bien un second verre, mais je n’ose pas. Ce n’est pas dans mes habitudes. Et aujourd’hui, je préfère garder les idées claires, j’ai trop peur de dire une bêtise.

Mon apéritif rencontre un franc succès et je ne reçois que des compliments de la part des invités :

— Je comprends les diverses insinuations des collèges… tu es la meilleure cuisinière de la région, ma parole, s’exclame Manu d’un ton enjoué.

— C’est pas la meilleure, mais elle se débrouille pas trop mal dans une cuisine, c’est vrai, ajouta Tim.

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