Jeudi 27 juin / 4

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Charlotte

Même s’il ne fait pas encore nuit, demain il y a école et j’aimerais bien profiter de ma soirée avec mon petit mari pour retrouver notre complicité un peu perdue hier. Évidemment j’ai envie de faire l’amour, mais surtout j’ai besoin de le sentir tout contre moi, que son regard me fixe et que ses doigts me caressent. Mais pour ça, il faut que je parvienne à faire sortir les enfants de la piscine et si Marion rechigne, c’est rien en comparaison de l’énergie que je dois déployer pour convaincre Maxime.

Étonnement c’est Tiphaine qui m’aide en grondant son frère et qui l’envoie à la douche, avant même que Julie n’intervienne. Peut-être a-t-elle aussi senti une certaine tension entre ses parents. Même si Julie a joué son rôle d’hôtesse à la perfection, les remarques de mon homme et les différentes petits mots glissés ici et là nous ont fait réagir. Julie a fait merveilleusement semblant, mais je n’ai jamais retrouvé les étincelles dans ses yeux. Elle parait comme éteinte ce soir.

— Maman ? Tiphaine me propose de dormir ici cette nuit.

— Oh… et moi alors ? rechigne Maxime.

Je lance un regard à Julie qui semble pas y voir d’inconvénient. Ça nous laisserait la maison pour nous tout seuls. Quel bonheur en perspective.

— Vous oubliez que vous n’êtes pas encore en vacances, les enfants, répond mon mari.

— Demain, on a rendez-vous au port à onze heures, dit sur un ton suppliant Tiphaine.

— Et nous, on déjeune en parc, confirme Maxime soutenu par son copain venu tenter de nous convaincre.

Mon attention se focalise sur Tristan qui semble toujours un peu à part. Je chuchote à Julie que j’aimerais pas qu’il soit jaloux.

— Il aura un copain la semaine prochaine et tu sais, lui s’il a sa musique et sa console...

Et comme pour confirmer les dires de sa mère, il vient lui demander s’il peut jouer encore une heure dans sa chambre.

Les enfants rangèrent rapidement tous les jouets autour de la piscine avant de monter se préparer pour la nuit espérant garder la clémence de leurs parents. Dès les chastes oreilles éloignées, Tim rabroue Julie :

— Qu’est-ce qui te prend ? C’est nouveau… ? Depuis quand tu les laisses dormir l’un chez l’autre en pleine semaine ?

— Alors mon chéri, réplique-t-elle d’une voix glaciale. Quand tu auras décidé de refaire partie de cette famille qui semble tellement t’ennuyer, tu auras ton mot à dire. Et sache pour ta gouverne que Tiphaine et Marion ne devront être debout qu’à dix heures et uniquement pour une balade sur le lac. Quant à Théo et Maxime, c’est un petit déjeuner qui les attend à neuf heures au parc public. Je ne pense pas qu’on exagère plus que ça.

Je vois du coin de l’œil Manu s’empêcher de sourire. Personnellement je sautille intérieurement de cette petite rébellion. Mais je me demande si une fois sans aucun témoin, Tim ne pourrait pas hausser plus encore le ton. Parfois, son regard sans expression me fait peur. Julie se tourne à présent vers nous et propose :

— Nous avons une chambre d’amis, si vous avez envie de rester vous aussi. Les brosses à dents de réserves se trouvent dans le buffet de la salle de bain. Comme ça, demain matin, je ferai le café pour tout le monde et même… quelques tartines ? Qu’est-ce que vous en pensez ?

— Mais tu es devenu folle, ma parole ! On n'a plus quinze ans ! explose Tim.

— Heureuse que tu t’en souviennes ! grommelle-t-elle en serrant les mâchoires avant de pénétrer dans la maison, juste avant de disparaître, elle se retourne et nous propose une dernière boisson :

— Un café, volontiers, dis-je alors que Manu accepte une bière.

Tim se lève à son tour et la rejoint à l’intérieur.

— On devrait peut-être rentrer, me propose Manu. Ils ont des trucs à régler.

— Et tu crois qu’ils le feront avec cinq enfants sous le même toit ?

— Non, peut-être pas. Tu as raison.

— Mais ça nous permettrait de nous retrouver. Si tu veux bien…

Manu lève les yeux au ciel et m’embrasse tendrement l’oreille avant de la mordiller et de murmurer :

— Quand tu demandes, je suis toujours partant… c’est quand tu m’obliges que j’ai plus de mal.

Tim revient, pose deux bières sur la table quand Manu demande :

— Tu préfères qu’on parte ?

— Non… non, restez. C’est toujours sympa avec vous, il est encore tôt et si vous voulez rester dormir. Apparemment, cela ne gêne pas Lili.

— Ça on verra, grogne Manu. Je le sens tout tendu. Je pose une main sur sa cuisse réclamant son attention et d’un sourire je lui signifie qu’il ne doit pas prendre parti. Il doit penser comme moi que Tim n’est pas très cool ces jours, mais ce sont leurs affaires et c’est sans doute pas le bon moment pour tout faire exploser, ni à nous de mettre le doigt sur ce qui ne va pas.

Tim lance la conversation sur le dernier match de la saison et je sens mon homme se détendre. Du moins, jusqu’à l’apparition de Julie dans l’embrasure de la porte-fenêtre.

— Qu’est-ce que tu fous ? Pourquoi tu t’es changée ? grogne Tim.

Ah, quand même… tu l’as remarqué ! Et même si elle porte un jean et un débardeur, avec une veste qu’elle tient par un doigt sur l’épaule, elle est simplement sublime.

— Théo et Maxime sont au lit, je les ai bordés, ils vous attendent pour leur bisou, nous dit-elle en s’adressant à Manu et à moi. Tristan lit encore un moment. Il éteindra tout seul dans une dizaine de minutes. Quant à Marion et Tiphaine, elles écoutent de la musique tranquillement dans la chambre. Vers dix heures, tu n’auras qu’à leur dire d’éteindre et cela ne devrait pas poser de problème.

— Tu… tu vas où ? bégaya Tim.

— Je vais rejoindre Sophie sur la plage. Il y a des concerts en plein air. Il parait que c’est génial.

— Mais… c’est toi qui invites et tu te tires ?

— Charlotte, Manu ? Vous voulez m’accompagner ?

— C’est n’importe quoi, tu es devenue complètement folle ma pauvre fille !

— Folle ? Moi ? C’est moi que tu traites de folle ? explose-t-elle. Je suis désolée Charlotte, Manu, vraiment cela ne me ressemble pas, mais ce soir, c’est plus fort que moi, je ne peux pas rester près de cet homme. Il faut que je m’éloigne. Au moins quelques heures.

— Et qu’est-ce que je t’ai fait ? Je peux savoir ?

— Tu veux vraiment que je dise tout devant eux ? Qu’est-ce que tu veux essayer de m’expliquer ? Pourquoi je me suis arrangée pour caser les gosses hier soir, que je me suis faite toute jolie et que j’ai préparé un menu de fête pour mon anniversaire et que tu n’es rentré qu’à minuit passé, puant l’alcool, la fumée et le parfum d’une autre femme ? C’est ça que tu as envie de m’expliquer ? Ou plutôt le fait que je sois transparente depuis des années ?

Elle prend le temps que ses mots atteignent le cerveau de son mari puis poursuit :

— Charlotte, tu m’as demandé si on faisait l’amour deux fois par jour. Je peux te répondre que depuis la naissance de Théo c’est moins d’une fois par an. Pas mal comme moyenne, non ?

J’en ouvre la bouche complétement abasourdie par la nouvelle. Une fois… par an ??? Sérieux ? Mais… Mais non. C’est pas possible. C’est pas humain… C’est… pas normal.

— Alors ne t’inquiète pas pour ta petite vie toute bien rangée, Tim. Elle ne va pas voler en éclat. Il y aurait trop de dommages pour les autres. Mais à partir d’aujourd’hui je vais me laisser vivre. Pour une fois que tu es là, je vais en profiter pour sortir. Je suis certaine que ni Manu, et encore moins Charlotte ne m’en tiendront rigueur.

— Je t’accompagne, dis-je sans vraiment réfléchir me levant d’un bond. Tu permets ? demandé-je en me penchant vers mon mari pour l’embrasser

Mais je sais que je n’ai pas vraiment besoin de son autorisation et qu’il n’y verra pas d’inconvénients. Je pense même qu’il n’aimerait pas que je laisse Julie toute seule après cette altercation.

— Il y a de la bière dans le frigo et nous serons de retour pour vous faire le café demain matin ! annonce encore Julie avant de m’entraîner vers la voiture.

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