Vendredi 16 août / 3
Charlotte
Je tremble et retiens mes sanglots. Pour la première fois en vingt ans, j'ai fait semblant. J'ai simulé mon orgasme pour lui permettre de me faire l'amour comme il préfère. Pour la première fois, je comprends le malaise, perçois ce qu'il tente de m'expliquer et je devine l'ampleur de son désarroi. Je suis en train de perdre mon mari et je panique. Il faut absolument qu'il couche avec cette femme, qu'il tue le fantasme, qu'il puisse passer à autre chose et surtout qu'il me revienne. En ce moment, je ne pense plus à Julie notre amie, mais Julie le fantasme vivant de mon mari, celui qui l'empêche d'être bien et de me rendre heureuse. Ce désir dicté par l'imaginaire, par ce qu'il pourrait ressentir avec elle, dans ses bras.
Forcément le risque est grand, si réellement c'est ce qu'il recherche, ce dont il a besoin pour une sexualité épanouie. Mais la vie à mes côtés lui convient. S'ils ne partagent que du sexe, moi, cela me va.
— Et par vengeance ?
La voix pâteuse, comme s'il somnolait, il grogne un « quoi ? » suivi d'un bougonnement et d'un « viens, on rentre ».
La conversation n'est pas finie et j'aurais préféré ne pas l'interrompre, mais je me hisse hors de cette couche de fortune suffisamment agréable pour une sieste ou des ébats torrides, mais pas pour une nuit de repos.
Une fois allongés dans notre chambre, Manu m'embrasse tendrement en me disant « bonne nuit ».
— J'ai besoin de... savoir. Et par vengeance, Manu ?
— Par vengeance de quoi et de qui ?
— Julie. Elle pourrait vouloir rendre la pareille à Tim et accepter de coucher avec toi, juste une fois.
— Peut-être, je n'en sais rien. Mais même dans cette éventualité, je pense que je ne serai pas le mieux placé. Je te rappelle que je bosse avec Tim.
— Tu n'as pas besoin de le lui dire. Et Julie ne le criera sur les toits. Elle peut lui dire qu'elle a couché, sans révéler ton identité. Compteur à zéro.
— S'ils se rabibochent, c'est vraiment pas le moment. Julie voudra mettre toutes les chances de son côté.
— Moi je pense qu'elle devrait lui montrer qu'elle aussi peut aller voir ailleurs. Je comprends qu'elle n'y arrive pas avec un inconnu, mais toi c'est pas pareil. Vous vous plaisez et elle a confiance en toi.
— Le dernier argument n'aura aucun poids sur elle, je pense.
Je souris. C'est la première fois qu'il ne me contre pas. Qu'il ne dit pas que c'est une bêtise. L'idée semble enfin faire son chemin dans son esprit.
— On pourrait peut-être lui parler, tous les deux. Ainsi elle verra que de notre côté, cela ne pose pas de souci.
— Je n'arrive pas à imaginer cette discussion et encore moins avec Julie. Charlotte, il faut dormir. Nous reprenons la route demain.
Il a raison et je le lui dis. Mais si lui s'endort, mon esprit cogite de longues minutes et si Manu ne parvient pas à visualiser cette discussion, moi je le fais facilement. Lorsque personne ne triche et que tout le monde partage ses émotions, il n'y a plus de problèmes, mais que des solutions.
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