Mardi 3 septembre / 3
Emmanuel
J'observe Julie plus intensément lorsque l'attention se porte sur l'un des enfants. Son corps semble plus mince, plus musclé, ses yeux s'illuminent en voyant sa progéniture, mais le reste du temps, j'ai l'impression que son regard s'éteint. Elle est belle et encore un peu bronzée, mais ses yeux sont cernés et je décèle une certaine crainte lorsqu'elle s'adresse à Tim. Son ton est moins chaleureux, même face à nous, comme si elle avait perdu confiance. Je ressens un élan identique à celui qui a été le déclencheur de notre premier baiser. J'aurais envie de la prendre dans mes bras pour la rassurer. Embrasser ses cheveux et sentir ses mains sur ma taille. Délicatement. Puis comme lors de notre approche, qu'elle se dévoile, qu'elle ose, qu'elle me montre son envie.
Je me souviens de son odeur, de la douceur de sa peau, de la danse de sa langue contre la mienne, timide, même dans cette approche. Du moins, lors du premier baiser, le second, caché à l'abri dans l'arrière-boutique de la librairie, nous étions si gourmand l'un de l'autre, que je pense que nous aurions pu aller bien plus loin... beaucoup plus loin. Je bandais et elle gémissait de sentir mon sexe contre son ventre. Je me souviens de sa poitrine gonflée se frotter contre mon torse, de ses doigts curieux, passer de ma nuque à mes cheveux, mais surtout ce qui me revient, ce sont les ondulations de son bassin répondant au rythme que je tentais d'imposer. Une cuisse s'était même écartée, me permettant avec mon genou de venir la toucher. Mais comme un ballon de baudruche, notre intimité avait explosé avec l'arrivée d'une nouvelle cliente. J'en avais ragé et encore là...
— Papa, tu peux me donner mon assiette, s'il te plaît.
Perdu dans mes pensées, je n'avais pas vu que Charlotte découpait le dessert et qu'elle distribuait les parts. Marion, assise à mes côtés n'arrivait pas à l'attraper. Je croise le regard de Charlotte qui comprend que l'espace d'une minute je m'étais perdu dans mes rêves et je tente de la rassurer d'un sourire. Mais c'est plutôt moi qu'il faudrait apaiser. Contrairement à ce qu'elle croit, je crains vraiment que cela soit plus qu'un simple fantasme inassouvi.
Tim demande aux enfants de se préparer dès la fin du dessert et Charlotte se réjouit de notre futur comité réduit. Mais Julie anéantit ses espoirs en disant qu'elle doit elle aussi rentrer pour s'occuper de Tristan.
Après l'effervescence du repas, on se retrouve un peu comme deux ploucs tous les deux encore à table à partager un café. Marion est montée prendre sa douche et Maxime mettre son pyjama.
— Julie m'a promis une soirée entre filles dans deux semaines. Je crois que ca sera le moment parfait.
— Je n'en suis pas certain. Elle a tellement de trucs en tête qu'elle ne sera sûrement pas très dispo pour ce genre de discussion.
— Je m'attendais à cette excuse. Écoute, Manu, si tu veux pas lui parler. Pas de souci. Je m'en charge. Mais rester là, sans rien faire, cela ne me ressemble pas. Surtout quand je connais la solution.
— Tu ne la connais pas, Charlotte. Tu l'imagines. Ce n'est pas pareil.
— Ben, au moins je tente un truc. Je sais pas de quoi tu as peur, mais on peut pas continuer comme ça.
— Je crains les conséquences.
— Bordel, Manu. Tu fantasmes comme un con sur une nana et ta femme t'autorise à t'envoyer en l'air avec. Je vois pas ce qui te retient.
— Que la nana en question soit une amie, qu'il n'y ait pas que de l'attirance entre nous.
— Non ! Je vais te dire ce dont tu as peur. Tu paniques à l'idée qu'elle puisse te repousser, qu'elle te dise non. Que ton charme ne suffise pas.
— Tu me fatigues !
Je me lève d'un coup et débarrasse la table avant de m'occuper de la vaisselle. Lorsque je termine de rincer les verres, je sens la main de ma femme sur mes fesses avant de l'entendre me murmurer à l'oreille :
— J'espère que tu as gardé quelques forces pour la chambre à coucher, parce que j'ai été trop sage aujourd'hui.
Je retiens mes mots, mes paroles lui feraient mal pour rien. Julie est mon problème et Charlotte a raison sur un point, je dois le résoudre. D'une manière ou d'une autre. Depuis qu'elle est apparue dans ma vie, je n'agis plus de la même manière envers ma femme et il est temps que nous retrouvions une certaine normalité. La nôtre, évidemment.
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