Jeudi 19 septembre / 5
Emmanuel
Charlotte ne rentre finalement pas trop tard. Les enfants sont couchés et je me suis affalé devant la télévision en l'attendant. Dès que j'entends la porte d'entrée s'ouvrir, je me précipite dans le hall. Julie sur ses talons, elles semblent toutes les deux de bonne humeur. Même un peu pompette.
— Julie accepte de boire encore un verre si tu la ramènes, m'annonce Charlotte.
— Non ! J'ai dit que j'acceptais encore un verre... mais sans alcool, sourit Julie en m'embrassant tendrement la joue.
Je fronce les sourcils, les regardant l'une et l'autre me demandant si Charlotte lui a parlé ou si elle s'est dégonflée. Je referme la porte derrière elles et les prie de ne pas faire trop de bruit. Marion a eu du mal à s'endormir. On s'installe au salon, chacune sur un fauteuil me laissant le canapé pour moi tout seul. Je m'en étonne.
— Tu devais être bien étalé avant notre arrivée, on ne va pas te priver de ta position favorite, se moque Charlotte.
Je meurs d'envie de leur demander si elles se sont parlé... comment s'est passée la discussion, mais je n'ose pas. Je me mords la lèvre, plissant les yeux, cherchant des indices dans leurs attitudes, sans que je ne devine quoi que ce soit. Julie finit par éclater de rire.
— Arrête de nous étudier pareillement, Manu. On ne s'est pas crêpé le chignon. Tu avais raison, elle n'est pas fâchée.
— Et toi ?
— Pourquoi je serais en colère ?
— Peut-être pas en colère... mais comment te sens-tu ?
— Surprise, c'est le moins qu'on puisse dire. Et honnêtement ce n'est pas le lieu pour en discuter, dit-elle en levant les yeux au plafond pour parler des enfants.
— Sans doute pas, non. Mais si tu es là c'est que...
— Que j'accepte d'y réfléchir, dit-elle pour conclure l'interrogatoire.
Mon cœur a fait un saut et ma respiration s'est arrêtée. Je souris, me détends, penche la tête et regarde Charlotte avec tendresse.
— Tu as su te faire persuasive ! la félicité-je.
— T'emballe pas. Elle n'a pas encore accepté.
— Non, mais elle n'a pas fui à l'autre bout du pays. Qu'est-ce que vous préférez ? Un café ? Une bière sans alcool ou un jus de fruit ?
— Un décaféiné, volontiers, si tu as.
Charlotte fait le même choix et pendant que je m'occupe des boissons, Julie poursuit :
— Je n'ai pas fui, mais j'aurais bien aimé m'enfiler sous la table.
— Arrête, gronde gentiment Charlotte. Tu es restée cool et très calme. Tu m'as écoutée jusqu'au bout et je crois même que tu as compris.
Je place sur un plateau, les tasses, le sucre, la crème et des petits biscuits, puis questionne en les rejoignant :
— Tu as besoin de réfléchir à quel propos ?
— Des sentiments, l'importance que cela peut prendre dans ma vie et dans la vôtre.
— Sans compter sur le nombre d'occasions qui te feront envisager une vraie relation.
— C'est ce dont tu as peur ? De ne pas te sentir libre de rencontrer un autre mec ?
— Non, pour l'instant j'ai envie et besoin de tout sauf de remettre un homme dans mon quotidien. Je ne suis ni prête à lui faire de la place, et encore moins à le présenter à mes enfants. Mais le jour où...
— Tu te demandes comment tu l'expliqueras ?
— Je ne me vois pas expliquer ça, dit-elle horrifiée.
J'éclate de rire, imité par ma femme. Julie nous intime de faire moins de bruit alors qu'elle-même pouffe.
— Et au final ça donne quoi ? Enfin, je veux dire... je saurai quand si tu as pris ta décision ?
— Regarde-moi cet impatient, sourit Charlotte en posant une main sur mon bras dans un geste de tendresse infinie.
— Tu le sauras, Manu, me promet Julie, un sourire dans les yeux.
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