Vendredi 22 novembre / 2
Emmanuel
J'ai retardé au maximum de me retrouver en tête-à-tête avec ma femme, suite à cette soirée gâchée. Je pense que les principaux intéressés ont tous passé un mauvais moment et je ne suis pas étranger à ça. Je sais. Les seuls sans doute à n'avoir rien vu sont les enfants et surtout nos voisins. Mais la crise de Théo à table était bien pour attirer l'attention de sa mère. Même s'il ne peut le formuler, c'est une petite éponge, ce gosse et la tristesse de sa maman l'affecte bien plus qu'on pourrait l'imaginer.
Je referme la porte de notre chambre et trouve Charlotte assise sur le matelas, le dos appuyé contre la tête de lit et son regard ne ressemble pas à celui que je connais.
Sans attendre que l'interrogatoire ne commence, j'attaque :
— Je croyais que tu ne voulais pas savoir. Que tu nous laissais gérer notre histoire.
— Quand ça déborde sur ma vie, j'ai besoin de comprendre. Qu'est-ce qui s'est passé ?
Je retire mon t-shirt et baisse mon pantalon et pendant une seconde j'ai le mince espoir que me voir me dévêtir l'exciterait. Ce soir, j'aimerais mieux qu'elle ne s'intéresse qu'à ma queue. Mais je la connais un peu, quand même. Et la conversation n'est pas terminée.
— On n'est pas d'accord sur un truc. Et ça ne passe pas.
— Quel truc ?
Je soupire, soulève la couette et constate que ma femme n'est pas nue. Chose plus qu'improbable, sauf en cas de crève. Je fronce les sourcils et lui demande si tout va bien.
— Évidemment que non, Manu. Tout ne va pas bien, puisque tu es mal. Et Julie aussi. J'aimerais comprendre. Je ne supporte pas de ne pas savoir. J'ai plus de mal. Je me rends compte qu'il y a des trucs que je veux connaître
— Quel genre de truc ?
— Comme hier. Tu es rentré tard... J'ai pensé que tu étais avec elle.
Je secoue la tête.
— Et mercredi, la présence de Tim m'a répondu, vous sortiez du bureau, mais... jamais avant je ne me posais ce genre de question. Qu'est-ce qui m'arrive Manu ?
— Je crois que tu commences à t'inquiéter pour nous, pour notre couple et que tu es jalouse des moments où je suis avec Julie.
Elle plisse le front, passe une main dans ses cheveux en répétant qu'elle n'est pas envieuse, qu'elle ne l'a jamais été.
— Et jamais tu n'as douté de moi. Alors qu'en ce moment...
Elle remonte ses jambes près de son visage, les entoure de ses bras et pose son menton sur ses genoux sans rien dire.
— Tu as été voir un de tes amants ?
Elle secoue la tête sans répondre.
— C'était quand la dernière fois ?
Elle hausse les épaules et chuchote :
— Avant l'été.
— Pourtant tu ne me demandes pas plus. Est-ce que tu arriverais mieux à gérer tes envies ?
La mine réjouie, elle tourne son visage vers moi et interroge :
— Tu crois ?
— Tu es pleine de questions. Tu veux aller voir ton psy ?
Elle hoche la tête et murmure :
— Il pourrait m'aider. Et pour une fois, je crois que... Julie devrait nous accompagner. Elle aussi doit avoir des questions. Non ?
Charlotte adore passer du temps à parler avec son médecin. Je sais qu'il la rasure et qu'il pose des mots simples sur ses troubles. Perso, j'ai toujours l'impression de passer un examen et je ne suis pas très à l'aise. Mais la situation est assez particulière pour qu'un médiateur intervienne. Enfin... il me semble. Je n'arriverai pas à rassurer Charlotte, et surtout, je n'arriverai pas à y voir clair tout seul. Je me sens complètement paumé.
— Dis-moi ce qui se passe entre vous ?
— Elle veut sortir avec un mec et je refuse, soupiré-je.
— Pourquoi ?
— Pourquoi elle veut sortir avec un autre ? Ou pourquoi je n'accepte pas ?
— C'est normal, Manu qu'elle accepte des rendez-vous galants. Pourquoi ça t'ennuie à ce point ?
— Elle n'est pas comme toi, ni comme moi. Si elle fait entrer un homme dans sa vie, c'en est fini de notre trio.
— Tu crois ?
— Elle est exclusive, Julie et ne se partagera pas.
— Vous vous aimez ?
Dire à sa femme qu'on éprouve des sentiments pour une autre, je pense que jamais je n'aurais pu imaginer vivre une telle scène, mais c'est bien en train de se passer.
Je hoche la tête :
— Les sentiments s'en mêlent, c'est bien pour ça que c'est si difficile.
— Je prends rendez-vous.
— Julie n'acceptera jamais de venir.
— J'arriverai à la convaincre.
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